Intervention de Michel Aubouin

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 3 mars 2020 à 15h50
Audition de M. Michel Aubouin ancien préfet

Michel Aubouin, ancien préfet :

Tant que la laïcité sera incantatoire, elle sera inutile. Elle doit s'incarner dans des principes juridiques et non dans des discours généraux sans éléments de droit.

L'islam a un avantage concurrentiel considérable par rapport aux autres religions : il est facile d'accès et représente une religion fraternelle qui permet d'entrer dans une communauté. Pour les personnes en difficultés personnelles et en quête de spiritualité, l'islam constitue donc une religion que je qualifierais de « facile », tout en ayant l'apparence d'une religion savante. Dans son ouvrage, Bernard Rougier recueille le témoignage de femmes musulmanes incarcérées qui ont lu plusieurs livres très savants en arabe coranique. Pourquoi une partie des jeunes d'origine catholique se tournent-ils vers l'islam ? C'est une question que la religion catholique doit se poser.

Le nombre de mosquées en France permet d'accueillir entre trois et quatre millions de fidèles. Mais, même si elle se passe de plus en plus à la mosquée, l'essentiel de la pratique reste au sein du cercle familial.

Il y a une forte demande de la population française au sujet de l'islam, mais aucune réponse politique à haut niveau. La création d'un Islam de France serait la pire des fausses bonnes idées : il ne réussira pas à réguler les pratiques et ne pourra pas co-exister avec les islams consulaires qui sont extrêmement puissants. La laïcité autorise et protège toutes les religions, mais n'admet pas qu'elles empiètent sur le champ politique et social du pays.

Je partage votre avis sur les quartiers : alors qu'un million d'euros ont été investis à Grigny pour la rénovation de la Grande Borne, la situation est pire qu'il y a dix ans ; à Chanteloup-les-Vignes, en une seule nuit, les destructions se sont chiffrées à deux millions euros ! La question du bâti n'est pas la bonne question : il faut traiter la question de la population et de sa concentration dans des quartiers qui appartiennent pourtant à la puissance publique - via les organismes HLM. C'est un paradoxe : les difficultés se concentrent dans des quartiers où les loyers sont pourtant extrêmement faibles - le loyer résiduel à la Grande Borne c'est 50 euros...

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