Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les questions relatives aux ressources et aux charges des collectivités locales sont, par essence, au cœur des préoccupations du Sénat.
Le rapport d’information sénatorial élaboré au printemps 2009 au nom de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales mettait en avant la nécessité de passer à l’acte pour favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales et améliorer la péréquation, tant verticale – par un renforcement des dotations péréquatrices de l’État – qu’horizontale – avec une péréquation forte et mieux ciblée –, permettant non seulement d’éviter le creusement des inégalités, mais surtout de corriger les déséquilibres entre les territoires.
Nous connaissons tous les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle sur les finances locales : amputation des recettes et diminution subséquente des services publics locaux.
À l’évidence, les engagements du Gouvernement n’ont pas été tenus : la clause de revoyure prévue par l’article 76 de la loi de finances pour 2010 a été ignorée. Le débat d’aujourd’hui apparaît comme une maigre concession à la mise en œuvre de cette clause de rendez-vous avortée.
Le rapport sur les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur les collectivités territoriales, remis par M. Charles Guené et M. Marc Laffineur, le 30 juin dernier au Premier ministre, relève que la suppression de la taxe professionnelle allège la charge fiscale des entreprises. Mais quid du lien entre l’impact sur les finances publiques et l’efficacité économique ?
En outre, cette mission parlementaire note que les mécanismes de péréquation mis en place dans le cadre de la suppression de la taxe sont fort insuffisants. Ils ne permettent pas une réduction des inégalités. Ainsi l’inefficacité se marie-t-elle à l’injustice !
Les disparités de richesse et les inégalités de ressources nécessitent des mesures vigoureuses et pérennes, ainsi qu’une péréquation dynamique et aussi lisible que possible, tous les rapports le reconnaissent.
Le potentiel fiscal par habitant varie du simple au double entre les régions et du simple au quadruple entre les départements. Il est ainsi de 232 euros par habitant pour le département de la Creuse et de 991 euros par habitant pour celui des Hauts-de-Seine ! Entre communes, les écarts sont également considérables.
S’agissant des régions et des départements, le rapport préconise de fusionner les différents mécanismes de péréquation instaurés dans le cadre de la loi de finances pour 2010 et de redéfinir la notion de potentiel fiscal. Il propose la mise en place d’un fonds national et de fonds régionaux de péréquation pour le bloc communal. Jusqu’à présent, le Gouvernement a poliment fait part de son intérêt vis-à-vis de ces idées, tout en nous renvoyant aux résultats des arbitrages de préparation du projet de loi de finances pour 2011 !
Le 28 juillet, le Conseil des ministres s’est livré à un exercice de communication autosatisfaite au sujet de la réforme de la taxe professionnelle, les ministres enchérissant sur sa réussite : vous-même, madame la ministre, vous êtes félicitée de ce que les objectifs aient été atteints « sans pour autant peser sur les finances locales », tandis que M. Marleix affirmait que le « dynamisme des nouvelles ressources fiscales issues de la réforme » améliorerait les ressources de collectivités locales…
Ce refus d’assumer les conséquences des choix nationaux sur la gestion des collectivités locales est de nature à inquiéter sérieusement celles et ceux qui, au quotidien, gèrent lesdites collectivités !
Voilà un dossier majeur sur lequel les élus ont été grossièrement, mais méthodiquement circonvenus.
Concernant l’épine de l’implosion des finances locales et des inégalités de richesses, la devise du Gouvernement pourrait être, en inversant la célèbre formule attribuée à Gambetta : « En parler toujours, n’y penser jamais ! » Et, après votre intervention, madame la ministre, j’ajouterai : « Agir à doses homéopathiques ! »