Intervention de Gélita Hoarau

Réunion du 27 septembre 2010 à 14h30
Débat sur les mécanismes de péréquation et de répartition des ressources des collectivités locales

Photo de Gélita HoarauGélita Hoarau :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord attirer votre attention sur le contexte socio-économique spécifique au département de la Réunion dans lequel s’inscrit ce débat.

Au chômage structurel s’ajoutent les effets de la crise depuis la fin de l’année 2007. Près de 30 % de la population réunionnaise active est privée d’emploi, ce taux dépassant 50 % chez les jeunes âgés de moins de 25 ans. Plus de 52 % de la population vit en dessous du seuil national de pauvreté. Sur une population de 800 000 habitants, nous comptons 350 000 bénéficiaires de la couverture maladie universelle, la CMU, et 186 000 allocataires du revenu minimum d’insertion, le RMI.

Telle est la situation à laquelle les collectivités locales de la Réunion sont confrontées et, dans les faits, elles supportent des dépenses de fonctionnement aussi contraintes qu’élevées, alors même que les besoins en infrastructures et en équipements sont colossaux.

Face à ces données, comment expliquer que ces collectivités, notamment le conseil général de la Réunion, contribuent, au même titre que Paris, les Hauts-de-Seine ou encore la Marne, au Fonds national de garantie individuelle des ressources – le FNGIR – mis en place dans le cadre de la réforme de la fiscalité directe ?

Selon les simulations pour les cinq prochaines années présentées dans le rapport Durieux, le conseil général de la Réunion est contributeur au FNGIR à hauteur de plus de 23 millions d’euros par an et le conseil régional à hauteur de 1 million d’euros.

Au-delà de ce mécanisme, il faut aussi et surtout s’interroger sur la cohérence des instruments de péréquation instaurés par la loi de finances initiale de 2010.

Le fonds de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – péréquation dite « sur stock » – mis en œuvre dès 2011 jouera, me semble-t-il, un véritable effet « péréquateur ». Le prélèvement uniforme de 25 % de cette cotisation est réparti au regard de critères de charges : population, nombre de bénéficiaires de minima sociaux, effectif des élèves scolarisés...

Le fonds de péréquation de la croissance de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – péréquation dite « sur flux » – soulève, pour sa part, un problème. La participation à ce fonds est déterminée en fonction du potentiel financier par habitant et de la croissance du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Or, madame la ministre, les critères de ce deuxième instrument de péréquation sont préjudiciables au département de la Réunion. La collectivité est ainsi bénéficiaire du premier mécanisme – péréquation « sur stock » – mais supporte un prélèvement dans le cadre du second – péréquation « sur flux ». Comme le souligne le rapport Durieux, ces deux instruments paraissent contradictoires.

Tout d’abord, le potentiel financier pris en compte dans le mécanisme de péréquation « sur flux » ne me semble pas pertinent. Ce ratio est supérieur à la moyenne nationale pour le département de la Réunion en raison de l’intégration dans son calcul de la dotation de compensation de la dotation globale de fonctionnement correspondant à la compensation des dépenses d’aide sociale transférées dans le cadre des premières lois de décentralisation. Il n’est donc pas révélateur de la richesse d’un territoire. Il devrait être complété par la prise en considération de critères de charges du conseil général, tels le nombre de bénéficiaires d’allocations relevant de cette collectivité, l’effort effectué en matière d’infrastructures, par exemple.

En outre, le second déterminant de la participation à la péréquation « sur flux » vise la croissance du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Ce critère, madame la ministre, me paraît particulièrement injuste. Comment un département, tel que la Réunion, en phase de rattrapage avec la métropole, peut-il être pénalisé par le dynamisme de l’évolution du produit de la valeur ajoutée de ses entreprises alors même que le stock de valeur ajoutée, qui reflète davantage la richesse économique du territoire, y est l’un des plus faibles de France ?

Dans un souci de véritable équilibre du territoire, objectif recherché par tout mécanisme de péréquation, il serait légitime de modifier ce critère, en considérant non pas l’évolution de cette donnée, mais plutôt un niveau de stock de valeur ajoutée des entreprises du territoire par habitant. La Réunion doit pouvoir bénéficier des fruits de la croissance de son économie locale largement sinistrée par rapport aux autres départements de métropole.

Madame la ministre, le maintien du mécanisme actuel irait à l’encontre de la politique de rattrapage mise en œuvre dans ce département par le biais du contrat de projet État-région et des programmes opérationnels européens.

Étant donné la perte d’autonomie fiscale générée par cette réforme et afin que la collectivité ne fasse pas supporter aux ménages une situation financière de plus en plus tendue, il serait préférable de réviser le système de péréquation actuel sur la base de critères de charges propres à chaque territoire.

J’estime indispensable de se référer, pour la détermination et la répartition des fonds de péréquation, à des critères qui reflètent réellement la richesse d’un territoire par rapport à un autre. Le critère relatif au potentiel financier, tel qu’il est actuellement défini, ne semble pas pertinent.

Madame la ministre, ces revendications sont légitimes. Nous risquons, à terme, d’avoir entre les recettes et les dépenses des collectivités un effet de ciseau tellement important qu’il faudra choisir entre mener une politique d’investissement ou « faire » du social. Un tel choix n’est pas envisageable.

Je profite de ce débat sur les mécanismes de péréquation et de répartition des ressources des collectivités locales pour plaider en faveur de la nécessité d’une péréquation de grande ampleur, à la mesure des inégalités de richesses entre territoires.

Enfin, madame la ministre, le Gouvernement est-il prêt à faire les réajustements nécessaires des derniers mécanismes instaurés pour éviter que les départements les plus pauvres ne soient ceux qui pâtissent de cette réforme fiscale ?

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