Intervention de Serge Larcher

Réunion du 27 septembre 2010 à 14h30
Débat sur les mécanismes de péréquation et de répartition des ressources des collectivités locales

Photo de Serge LarcherSerge Larcher :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il me semble indispensable, à l’occasion de ce débat, d’évoquer la situation des collectivités d’outre-mer, en ce qui concerne tant sa liaison avec les problématiques nationales que son particularisme.

La situation des finances locales en outre-mer est historiquement marquée par un certain nombre d’éléments : d’abord, le surcoût de l’emploi territorial, notamment avec la sur-rémunération ; ensuite, les sureffectifs des collectivités qui ne peuvent être résorbés que dans la durée, car ils résultent historiquement de choix politiques visant à compenser la faiblesse de l’initiative économique et l’inaction de l’État en matière de développement ; en outre, le surcoût des achats réalisés par ces collectivités du fait des frais d’approches liés au grand éloignement de leur source d’approvisionnement, en particulier avec l’Europe ; enfin, les surcoûts de construction, de maintenance et de renouvellement des équipements liés aux conditions climatiques agressives et destructives.

Comme les membres de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer l’ont souligné dans leur rapport, plusieurs adaptations législatives visent à prendre en compte les spécificités de la situation des collectivités ultramarines.

Je rappellerai certaines d’entre elles concernant l’échelon communal, qui profite d’un régime supposé préférentiel s’agissant des dotations de péréquation.

En effet, les communes des départements d’outre-mer bénéficient d’une quote-part des dotations de péréquation répartie entre chaque département d’outre-mer. Mais la DGF par habitant des communes des départements d’outre-mer n’est supérieure que de 2, 83 % au montant moyen national. De plus, ces montants ne sont pas homogènes. Ainsi, la Réunion présente le ratio le plus faible, avec 9, 12 % de moins que la moyenne nationale.

Des observations similaires peuvent être formulées à l’égard des collectivités départementales et régionales, ainsi que des intercommunalités.

Ces adaptations législatives ne produisent cependant pas l’effet attendu. Il faut donc envisager plusieurs pistes d’amélioration.

Parmi l’ensemble des raisons qui expliquent l’importance des besoins des collectivités des départements d’outre-mer, plusieurs facteurs résultent directement de la responsabilité de l’État et, parfois, de son incapacité à assurer de manière satisfaisante ses compétences régaliennes : l’extension des compétences des collectivités des départements d’outre-mer justifie pleinement que les concours financiers de l’État soient adaptés.

Pour ce qui concerne l’importance des dépenses sociales, l’État doit cesser de se montrer schizophrène et assumer une part du poids qui pèse sur les départements, eu égard à l’insuffisance de compensation des dépenses transférées ; il en est ainsi en particulier pour l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, ou pour le RMI. En Martinique, par exemple, ce sont plus de 60 millions d’euros qui ne sont pas compensés à ce jour.

Enfin, les investissements résultant de la croissance démographique, plus particulièrement en Guyane, ont en partie pour cause la difficulté rencontrée par l’État à faire face aux flux d’immigration clandestine.

Au total, la DGF outre-mer n’a progressé que de 0, 51 % en 2010, ce qui ne peut pas régler les difficultés particulières que je viens d’évoquer.

Au-delà de la péréquation, c’est bien plus globalement la situation des finances des départements d’outre-mer qu’il s’agit de traiter.

Je conclurai par trois propositions courtes et concrètes.

La première d’entre elle vise à apurer la dette sociale. La restauration des finances locales passe nécessairement par leur assainissement. Les dettes accumulées envers les organismes de sécurité sociale révèlent une situation préoccupante, notamment en Guadeloupe et en Guyane : il paraît illusoire de penser que toutes les communes seront un jour à même de les rembourser. Ainsi, la mission que j’ai citée précédemment a-t-elle proposé d’annuler les dettes sociales accumulées par les collectivités territoriales au 1er juillet 2009, sous réserve du paiement des cotisations aux échéances au cours des dix prochaines années. Je souhaite que cette proposition – j’avais déposé un amendement en ce sens – soit enfin explorée.

La deuxième proposition consiste à juguler une crise sans précédent des finances locales en utilisant les outils dont dispose l’État. L’octroi de mer représente 38 % des recettes des communes de la Martinique. Il a subi en 2009 une diminution de l’ordre de 17 % par rapport à l’année précédente, dans un contexte de crise mondiale aggravé par la crise sociale majeure dite de « février 2009 ». Cette situation a littéralement « plombé » les finances de nombreuses communes qui, jusqu’à présent, parvenaient, bon an mal an, à maintenir un équilibre de façade. Il convient donc que l’État s’engage à préserver l’octroi de mer et à activer les outils existants tels que le dispositif dit « cocarde », le contrat d’objectif communal d’aide à la restructuration et au développement.

Depuis 2005, des communes de Guadeloupe et de Guyane ont pu bénéficier de ces prêts de restructuration et d’un accompagnement de l’Agence française de développement, l’AFD.

Au regard de la situation que connaît actuellement la Martinique, il est très étonnant que ni la préfecture ni l’AFD n’évoquent en aucune circonstance cette possibilité avec les maires de ce département.

Me faisant le porte-parole de mon ami Georges Patient, qui ne peut intervenir dans ce débat, je dirai que l’État doit rétrocéder aux communes de Guyane les 27 millions d’euros qui leur font défaut au titre de l’octroi de mer. Il doit également supprimer le plafonnement qui frappe la dotation superficiaire instituée pour les seules communes de Guyane qui leur fait perdre annuellement près de 16 millions d’euros.

J’en viens à ma troisième proposition, l’organisation d’états généraux des finances locales dans chaque département d’outre-mer. Dans le contexte de crise précédemment évoqué, nombre de collectivités d’outre-mer connaissent une dégradation très rapide de leurs finances et se trouvent désormais en déficit.

L’absence de débat dédié à la situation des finances locales dans le cadre des états généraux de l’outre-mer me semble être un grave oubli. Il convient d’y remédier de façon urgente, afin de réunir autour d’une table l’ensemble des acteurs concernés pour partager un diagnostic et mettre en place des solutions portant sur le court et le moyen termes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion