Intervention de Olga Trostiansky

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 6 février 2020 : 1ère réunion
Table ronde sur les retraites des femmes enjeux et perspectives

Olga Trostiansky, présidente du Laboratoire de l'égalité :

Le Laboratoire de l'égalité est une association créée il y a dix ans, centrée sur l'égalité femmes-hommes au travail. En 2010, dès notre première année d'activité, nous avons travaillé sur les retraites en raison de la réforme Sarkozy. Nos contributions, avec les associations et les syndicats, ont montré un écart de niveau de pensions de retraite de plus de 42 % entre les hommes et les femmes, chiffre alors peu connu du grand public.

Le Gouvernement veut refondre le système de retraites, et l'égalité femmes-hommes est au coeur du sujet. Dans notre Livre vert sur les retraites, nous avons formulé des demandes globales. Il est nécessaire de refonder le système des retraites, actuellement inégalitaire, et il est prioritaire de s'attaquer aux inégalités entre les femmes et les hommes durant leur parcours professionnel.

Première étape, la loi d'août 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dite loi Pénicaud, a créé un Index de l'égalité professionnelle femmes-hommes, qui nous permettra de suivre les effets de la réforme, même si cet outil est perfectible.

Nous sommes très attentifs à la définition de la pénibilité, souvent liée à la force physique, mais peu adaptée aux femmes. Bruno Le Maire et Marlène Schiappa ont lancé une consultation sur l'émancipation économique des femmes. Il est important de prendre en compte la pénibilité et le temps partagé. Les inégalités des retraites reflètent surtout les inégalités de parcours professionnel.

Notre Livre vert, rédigé par nos bénévoles, dresse un état des lieux à la fin de 2019 et pose de nombreuses questions.

Parmi nos demandes prioritaires figure la participation des associations pour l'égalité femmes-hommes à la gouvernance et au pilotage du système de retraite. Dans le même esprit, il faudrait veiller à la présence de femmes dans les instances dirigeantes du Conseil d'orientation des retraites (COR). Aux côtés du Gouvernement et des syndicats, la voix des associations doit être entendue. Nous ne sommes, par exemple, pas associés à la conférence de financement, qui a pourtant un rôle majeur.

Nous souhaitons également que les entreprises, tant publiques que privées, puissent informer les femmes sur les conséquences des carrières incomplètes sur leur niveau de pension. La retraite est un sujet qui se prépare à trente ans, et non à soixante. Il faut que, lorsqu'on s'interroge sur un congé parental, un temps partiel, on soit informée sur les conséquences de ce choix en termes de retraite... Les femmes doivent obtenir des réponses.

Nous proposons de développer ce que font déjà certaines entreprises, qui permettent aux femmes exerçant à temps partiel de cotiser pour leur retraite sur la base d'un temps plein. Le temps partiel est concentré dans certains secteurs comme le « care » ou la distribution, dans lesquels les femmes travaillent souvent 32 heures par semaine, mais avec une telle pénibilité qu'elles sont épuisées et ne peuvent pas passer à 35 heures. Un délai, de trois à cinq ans, serait accordé à ces entreprises pour mettre en oeuvre la réforme, car les effets pour les entreprises du privé pourraient être lourds. De plus, l'impact de cette mesure serait moins important dans le secteur public, puisque lorsque les femmes travaillent à 80 %, elles sont payées 90 %.

S'agissant des droits familiaux, le système actuel prévoit une majoration de 10 % à partir du troisième enfant ; nous avons demandé une majoration à partir du premier enfant, notamment pour les familles monoparentales. Dans le système actuel, la majoration de 10 % favorise surtout les hommes, car elle est proportionnelle au salaire. Une majoration de 5 % dès le premier enfant est intéressante, mais elle reste proportionnelle. Réfléchissons plutôt à un système de forfait. Cela n'avantagerait pas plus les femmes, mais au moins ce système ne creuserait pas la discrimination.

Le montant de retraite minimum à 1 000 euros est avantageux, mais cela nous interroge si cela s'applique à des carrières complètes... Seulement 45 % des femmes prennent leur retraite à carrière complète contre 74 % des hommes. Qu'en est-il des femmes prenant leur retraite à 62 ans ?

Sur les pensions de réversion, nous pensons qu'à terme se posera la question de leur éventuelle suppression. Toutefois, ce sont des éléments importants pour les femmes à la retraite. Nous voulons aller vers davantage de droits directs. Les générations ayant 25 ou 30 ans s'interrogent sur le principe d'une réversion uniquement au sein de couples mariés. Actuellement, les personnes pacsées ont un système différent. Pourquoi cotiseraient-elles pour les couples mariés ? La réversion était comprise comme une compensation de pouvoir d'achat. Nous sommes pour l'autonomie et l'indépendance des femmes, et donc pour que celles-ci travaillent. Cela pose la question des femmes qui s'arrêtent pour éduquer leurs enfants. Ayons cela en tête pour avoir un système de retraites en cohérence avec la société que nous voulons.

- Présidence de Mme Michelle Meunier -

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