Intervention de Hervé Morin

Réunion du 25 mars 2009 à 14h30
Politique étrangère — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Hervé Morin, ministre :

Monsieur Chevènement, vous considérez que la décision du général de Gaulle de sortir du commandement intégré est liée à la situation au Vietnam et à son discours de Phnom Penh : le raccourci me semble un peu osé !

Quand on relit, comme vous avez dû le faire, la lettre du général de Gaulle exprimant sa volonté de quitter le commandement intégré de l’OTAN, on peut distinguer trois raisons à sa démarche.

La première est son vœu de sortir de la logique de la guerre froide et de l’affrontement des blocs, pour que la France puisse porter, dans un moment de relative détente, un autre message.

Le deuxième motif indiqué expressément par le général de Gaulle est le refus de la présence de forces étrangères sur le sol national ainsi que l’utilisation, par ces forces, de l’espace aérien national.

La troisième raison, la plus profonde, même si elle n’est pas aussi explicitement formulée, c’est que le général de Gaulle était, à cette époque, en plein débat avec les États-Unis sur l’indépendance de notre force de dissuasion. C’est pour cette raison de fond qu’il décide, en 1966, de quitter le commandement intégré de l’OTAN.

À entendre certains des orateurs qui se sont exprimés ici, on a l’impression que nous n’aurions jamais participé à l’Alliance atlantique ! Or nous sommes membres fondateurs de l’Alliance, nous sommes tenus par les engagements de l’article 5 du traité de l’Atlantique nord, que nous avons signé à Washington en 1949.

Depuis le milieu des années 1990, nous avons déjà parcouru un chemin considérable. Nous avons participé à tous les engagements militaires de l’Alliance atlantique, même du temps de François Mitterrand – c’était en Bosnie. Nous avons donné notre accord pour que le chef d’état-major des armées participe au comité militaire de l’Alliance depuis 1995. Nous participons aux forces de réserve stratégiques de l’Alliance depuis 2001, c’est-à-dire que, chaque fois qu’une force est constituée, nous y prenons part. Nous sommes d’ailleurs le « meilleur élève » de l’Alliance atlantique sur ce point, et quelle que soit la majorité au pouvoir ! Nous participons à la force de réaction rapide de l’Alliance atlantique depuis 2003, c’est-à-dire depuis sa création.

Toutes ces décisions ont été prises, je le rappelle, sans le moindre débat parlementaire ni la moindre expression politique d’un gouvernement, qu’il soit de gauche, du temps de Lionel Jospin, ou de droite, depuis 2002.

Enfin, nous commandons des opérations de l’Alliance. Nous avons exercé le commandement en Afghanistan, avec le général Py, et à deux reprises au Kosovo.

Au cours des quinze années écoulées, nous avons donc suivi une politique qui nous a amenés à réintégrer trente-huit des quarante comités et sous-comités de l’Alliance atlantique et, selon une jolie formule, à « insérer » plus d’une centaine d’officiers dans l’ensemble des états-majors de l’Alliance. Nous avons ainsi effectué « à bas bruit » un retour presque entier dans le commandement intégré de l’Alliance sans être, à aucun moment, assez forts ni assez présents pour participer à la réflexion préalable et à l’élaboration des opérations, aux décisions stratégiques sur les engagements militaires, alors qu’une telle participation semble pourtant naturelle au ministre de la défense que je suis, et devrait sembler à l’ancien ministre que vous êtes, monsieur Chevènement.

Je préfère que nos soldats, engagés sur le terrain avec l’Alliance atlantique dans toutes les opérations menées depuis 1995, sachent que des officiers français, présents et actifs au sein des états-majors, participent à l’élaboration des missions et sont associés à leur organisation.

Nous acceptons que des soldats français soient engagés dans toutes les opérations militaires de l’Alliance atlantique, et nous devrions refuser d’être associés à la réflexion sur la détermination des missions auxquelles nous participons sur le terrain, où ces soldats risquent leur vie, comme nous le voyons régulièrement en Afghanistan ? Reconnaissez qu’il y a là, au minimum, une contradiction majeure !

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