Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 4 mars 2020 à 13h30
Institutions européennes — Programme de travail de la commission européenne pour 2020 - examen de la proposition de résolution européenne et de l'avis politique de mm. jean bizet et simon sutour

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

La Commission a un programme de travail extrêmement ambitieux, qui comporte de nombreuses initiatives. Je centrerai mon propos sur les principales d'entre elles.

Le Pacte vert pour l'Europe comporte de nombreuses propositions, dont certaines ont déjà été présentées, par exemple dans la communication, de nature transversale, faite par la Commission en décembre 2019. La majorité des propositions sur la transition climatique et la protection de l'environnement sont de nature non législative. C'est le cas du pacte européen pour le climat, dont l'objectif est de mobiliser les collectivités territoriales, les entreprises et la société civile ; du plan d'investissement du Pacte vert, lui aussi déjà présenté par la Commission, et qui ambitionne de financer des investissements durables au cours des dix ans à venir, en lien avec InvestEU, à hauteur de 1 000 milliards d'euros ; des contributions de la Commission à la COP 26, qui doit se tenir à Glasgow ; de la stratégie « De la ferme à la table » sur la durabilité des systèmes alimentaires ; des textes sur la décarbonation de l'énergie ; ou encore de la stratégie européenne en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030. En revanche, parmi les propositions législatives les plus emblématiques, je citerai la fixation de l'objectif de neutralité climatique à l'horizon de 2050, ainsi que la proposition de règlement, présentée en janvier, instituant le Fonds pour une transition juste, destiné à accompagner les régions et secteurs les plus touchés par la transition climatique. Nous devons relativiser : l'Union européenne émet moins de 10 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète. C'est surtout la Pologne qui bénéficiera du Fonds pour une transition juste, en raison du nombre d'entreprises y utilisant du charbon. Il faudra bien assurer cette mutation énergétique.

Sur l'objectif d'une Europe adaptée à l'ère du numérique, la part des propositions législatives est plus importante, puisqu'il s'agit d'adapter ou de modifier des directives et règlements, par exemple sur les services numériques, sur la sécurité des réseaux et des systèmes d'information, sur les chargeurs universels pour appareils portables, sur l'itinérance ou encore sur les redevances aéroportuaires. Ces initiatives interviendront pour renforcer l'intelligence artificielle et la cybersécurité, et aussi pour améliorer les services numériques aux consommateurs. Les initiatives non législatives, toutefois, ne manqueront pas, avec en particulier une stratégie européenne en matière de données, qui vient d'être présentée par Thierry Breton, mais aussi au titre de la nouvelle stratégie industrielle pour l'Europe, par exemple en faveur des PME, ou de la recherche. Je me réjouis de la nomination de Thierry Breton comme commissaire européen : ancien responsable d'Atos, il sait de quoi il parle et il est extrêmement volontariste. Dans un contexte de compétition exacerbée, nous ne devons pas être seulement les spectateurs de la lutte entre la Chine et les États-Unis. Globalement, ces diverses actions devraient contribuer à renforcer le marché unique numérique.

Les propositions de nature législative permettront également de donner un contenu concret à l'objectif d'une économie au service des personnes, notamment en matière sociale puisque la Commission annonce pour la fin de l'année un texte sur un régime européen de réassurance chômage, qui devrait soutenir un objectif de reconversion professionnelle. Il est prévu aussi d'approfondir l'Union des marchés de capitaux, par un réexamen de la réglementation applicable aux entreprises d'investissement et aux opérateurs de marché, et d'achever l'Union bancaire, avec un réexamen de la législation relative aux exigences de fonds propres. Je crains que notre partenaire principal, l'Allemagne, ait du mal à appréhender ce sujet avec autant d'entrain... L'Union des marchés de capitaux est pourtant essentielle pour donner à l'euro sa dimension de monnaie internationale. Il faut dire que l'épargne des Européens, de certains pays en particulier, est investie dans des fonds de pension qui participent au développement économique des États-Unis. Les entreprises européennes sont financées essentiellement par les réseaux bancaires, les entreprises américaines par le marché. Tant que nous n'aurons pas une union des marchés des capitaux, l'Union européenne ne pourra pas pleinement développer le marché unique. Je regrette que nous n'avancions pas plus vite avec nos amis allemands à cet égard. Enfin, le guichet unique douanier annoncé devrait renforcer la protection des frontières et simplifier les procédures administratives pour les entreprises. D'autres sujets seront abordés en 2020, mais de façon plus prospective, par exemple le renforcement de la garantie pour la jeunesse, le réexamen du cadre de gouvernance économique, la lutte contre le blanchiment de capitaux, la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle ou encore un plan d'action sur l'Union douanière.

Il paraît assez logique que l'objectif d'une Europe plus forte sur la scène internationale soit surtout poursuivi au moyen d'initiatives non législatives. Plusieurs d'entre elles viseront ainsi : une stratégie globale avec l'Afrique, pour « approfondir le partenariat dans tous les domaines » ; la réforme, déjà en partie présentée, de la procédure d'élargissement, visant surtout les Balkans occidentaux après l'ajournement de l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Macédoine du Nord et l'Albanie ; la refonte du Partenariat oriental après 2020, « assorti d'un nouvel ensemble d'objectifs stratégiques à long terme » ; une initiative sur la réforme de l'OMC, annoncée pour la fin de l'année ; des plans d'action en faveur des droits de l'Homme et de la démocratie et pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Une communication sur le renforcement de la souveraineté économique et financière de l'Europe est annoncée pour le troisième trimestre. Elle devrait rechercher l'accroissement du rôle international de l'euro et explorer la façon de neutraliser les sanctions extraterritoriales prises par des États tiers, un dispositif étant annoncé sur ce sujet en 2021. La principale initiative législative consistera en la conclusion de nouveaux accords de partenariat entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), appelés à remplacer l'accord de Cotonou.

La promotion de notre mode de vie européen donnera également lieu à de nombreuses initiatives non législatives pour la promotion des compétences, de l'éducation et de l'inclusion, au travers, par exemple, de la mise en place d'un espace européen de l'éducation, et aussi pour des stratégies européennes en faveur de la lutte contre les abus sexuels commis contre les enfants et en vue de l'éradication de la traite des êtres humains.

La protection de la santé donnera lieu à la présentation, en fin d'année, d'un plan européen de lutte contre le cancer et d'une stratégie pharmaceutique pour l'Europe. Une telle stratégie est importante, sachant que certains médicaments basiques sont majoritairement fabriqués en Asie, en particulier en Chine.

Les questions de migration et d'asile occupent naturellement une place importante dans ce programme de travail. Un nouveau pacte sur la migration et l'asile, qui comportera à la fois des dispositions législatives et non législatives, est prévu au mois de mars. Il s'agit de repartir sur de nouvelles bases après l'échec à réformer le règlement de Dublin et de repenser la gouvernance de l'espace Schengen. Frontex, dont les moyens ont été revalorisés, fonctionne assez bien, avec l'appui des garde-frontières des États membres qui le souhaitent. Enfin, en matière de sécurité, une nouvelle stratégie pour l'Union de la sécurité est annoncée pour le deuxième trimestre et une révision du mandat d'Europol visera à intensifier la coopération policière, après le départ du Royaume-Uni. Il est essentiel, dans les domaines de la défense et du renseignement, que nos liens avec le Royaume-Uni restent les plus étroits possible.

De nombreuses initiatives, essentiellement non législatives, seront prises en faveur d'un nouvel élan pour la démocratie, dans des domaines variés : la protection des consommateurs ; les conséquences de l'évolution démographique, un livre vert sur le vieillissement étant prévu pour la fin de l'année ; l'égalité et la non-discrimination, concernant en particulier les personnes LGBTI et les Roms ; un plan d'action pour la démocratie européenne, également à la fin de l'année ; le fonctionnement de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, qui a déjà donné lieu à une communication - nous vous ferons quelques propositions à cet égard - ; l'État de droit, avec la présentation du rapport annuel au troisième trimestre ; les droits fondamentaux, dont la défense et l'affirmation se traduiront par une nouvelle stratégie pour la mise en oeuvre de la Charte des droits fondamentaux, une autre stratégie en matière de droits des victimes et un rapport sur l'application du règlement général sur la protection des données. La Commission devrait également publier, au deuxième trimestre, une communication sur l'amélioration de la réglementation et son rapport annuel de prospective. Enfin, une initiative législative concernera des mesures contraignantes en matière de transparence des rémunérations à des fins d'égalité hommes-femmes.

Vous le voyez, le programme est particulièrement nourri !

Sur la base de cette présentation générale, Simon Sutour et moi avons établi un projet de proposition de résolution européenne, qui vous a été préalablement distribué, et qui fixe ou rappelle nos positions sur le programme de travail de la Commission pour 2020.

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