Intervention de Isabelle Ullern

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 11 mars 2020 à 13h05
Audition conjointe de mmes isabelle ullern doyenne de la faculté libre d'études politiques flepes responsable du dispositif expérimental « formations hybrides avec les acteurs religieux fhar » et ambre perrot chargée de mission de la flepes pour le déploiement de la fhar

Isabelle Ullern, doyenne de la Faculté libre d'études politiques (FLEPES), responsable du dispositif expérimental « Formations hybrides avec les acteurs religieux (FHAR) » :

Je vous remercie de votre invitation.

Notre institution est une faculté libre, déclarée au rectorat de l'académie de Versailles et administrée par l'association Initiatives. Celle-ci compte deux services : un établissement médico-social et une activité de formation professionnelle, active depuis les années 1980 et dont l'activité s'est développée au fil des ans. Nos formations sont sanctionnées par des diplômes d'État, c'est pourquoi elles font régulièrement l'objet d'audits de la part de nos tutelles ministérielles ou régionales.

Nos formations de niveau licence font également l'objet d'accréditations obligatoires, au travers de conventions avec les universités. Nous sommes ainsi soumis au code de l'éducation, et cela nous permet de bénéficier d'une réelle qualité de travail, qui profite aussi à nos partenaires de la faculté de Strasbourg. Nous rendons donc également des comptes au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ; notre convention d'accréditation en Île-de-France a été signée avec Paris-V, et nous sommes en train d'étudier une accréditation dans le cadre de notre partenariat avec l'université de Strasbourg.

J'en viens au coeur de notre sujet.

M. Rémi Gounelle et moi-même étions confrontés, dans notre travail, à des problématiques en lien avec votre enquête. Dans les années 2005 à 2010, nous nous sommes heurtés à des problèmes de référence à la religion, qui étaient impensés pour les travailleurs sociaux. C'est pourquoi nous nous sommes tournés vers la faculté de théologie, afin de concevoir ensemble un travail d'innovation pédagogique et d'ingénierie de formation. Les facultés de théologie ont en effet une bonne connaissance des environnements religieux et une vision de l'intérieur de ces problèmes. Nous leur avons donc demandé de participer à des formations avec nous.

Cela a d'abord pris la forme d'un diplôme universitaire (DU) en médiation socio-religieuse, sur le fondement de la médiation juridique, pour régler des situations de conflit. Progressivement, à partir de 2015, nous avons été sollicités par des préfectures pour déployer la FHAR, qui mêle des professionnels de l'action territoriale - pas seulement des travailleurs sociaux - et certains élus locaux, dans le cadre d'une formation diplômante. Dans le cadre de cette formation hybride, chacun reste à sa place.

Je ne développerai pas ce que j'ai déjà indiqué dans le document détaillé que je vous ai transmis ; je me contenterai de présenter, au nom du doyen Rémi Gounelle et de moi-même, un dispositif qui fonctionne.

Nous avons tâché, depuis cette année, de dupliquer en Île-de-France une méthode modélisée à Strasbourg : une formation hybride avec des acteurs religieux. Je précise qu'il s'agit de traiter non pas des activités des ministres du culte, mais de la vie associative, sur un plan séculier.

La ville de Strasbourg, le département et la préfecture du Bas-Rhin, ainsi que l'Eurométropole nous ont beaucoup soutenus ; toutes les instances politiques du territoire sont mobilisées, et cela n'est pas lié à la spécificité de l'Alsace par rapport à la loi de 1905.

En Île-de-France, nous nous sommes heurtés à un problème, celui de l'extension à l'infini du dispositif, dont l'échelle est considérable. Peu à peu, à mesure de nos rencontres avec la région et l'association des maires d'Île-de-France (AMIF), nous avons fait l'expérience de la difficulté de travailler face à une gouvernance diluée ; c'est ainsi que nous est venue l'idée de solliciter une audition auprès d'une commission politique.

En effet, notre travail est hybride, certes, mais nous pensons qu'il est politique, et non social, et qu'il permettra d'agir sur l'objet qui vous intéresse. Nous ne sommes pas des experts en islamologie : notre champ d'expertise est l'ingénierie de formation, et nous avons besoin d'un interlocuteur politique pour conduire autrement, sur une plus grande échelle, cette expérience dans les territoires. Des expérimentations sont déjà menées, mais les actions de formation doivent être modélisées, conduites et orchestrées à l'échelon politique.

Je souhaite maintenant exposer quatre cas de figure qui se sont présentés à nous, pour vous montrer comment nous travaillons dans les territoires.

Le premier exemple est celui d'une ville de 30 000 habitants, qui avait réalisé un magnifique travail de rénovation urbaine et dont la mairie était très présente auprès des associations cultuelles.

Nous y sommes entrés par le biais du réseau des associations musulmanes et nous avons pénétré cette citadelle intérieure - celle des mentalités, car il n'y avait pas de ghetto. Le climat n'était pas nécessairement hostile, mais nous ne sommes pas naïfs : nous savons bien que cet univers est travaillé par un ensemble de références qui sont non pas d'ici, mais d'ailleurs.

Nous avons rencontré deux jeunes imams, qui tenaient un restaurant attenant à une mosquée ; ils étaient très intéressés par notre formation, susceptible de les aider pour la suite de leur carrière professionnelle, mais la personne qui décide, en la matière, c'est le président de la mosquée, et celui-ci n'a jamais donné son autorisation. En revanche, ces deux jeunes, natifs de cette ville, se rendent régulièrement en formation en Arabie Saoudite. Il y a là une rupture de la chaîne de droit commun : la décision ne relève pas de la bonne personne.

Mon deuxième exemple portera sur une autre ville d'Île-de-France, comptant 27 000 habitants et 70 % d'habitat social, avec beaucoup d'immigration datant des années 1950. Tous les cultes y sont représentés : on trouve une paroisse catholique dynamique, deux synagogues, plusieurs salles de prière, un temple bouddhiste, quelques associations musulmanes, une mosquée existante et une mosquée en construction.

Nous avons échangé avec le chargé de mission du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et nous nous sommes rendu compte que, dans les tentatives de construction de lien avec la société civile, les instances associatives religieuses n'apparaissaient jamais. Il y avait donc là un angle complètement aveugle du travail de maillage territorial. Or, là où c'est fait, il en ressort des choses intéressantes, des leviers d'interaction permettant de rétablir le droit commun et la République.

Cet aspect n'est pas travaillé, car les acteurs locaux ne disposent pas de l'outillage pour le faire. Nous pouvons former localement les gens, mais il faut qu'un organe politique nous demande de le faire et dise aux personnes qu'elles peuvent suivre notre formation. Sans cela, des pans entiers de la population ne sont pas en lien avec les services de la ville, sauf au sein des maisons de quartiers, qui sont les premières visées lors des émeutes. Par conséquent, comment mailler à l'intérieur de la société civile ?

Mon troisième exemple est celui d'un club de prévention d'une ville d'Île-de-France. Ce club a constaté de nombreux départs vers la Syrie parmi les jeunes, y compris au sein de l'équipe éducative. La mairie a alors demandé à la mosquée historique, située en centre-ville et s'intégrant dans le paysage urbain, d'entrer en relation avec ces jeunes, mais cette mosquée ne voulait pas s'occuper des habitants de la périphérie, qui étaient d'une classe sociale différente de celle de ses usagers.

Le directeur du club a alors souhaité explorer cet angle aveugle, dans un contexte de laïcité. Il a interviewé les jeunes, de 14 à 25 ans mais surtout de 14 à 16 ans, qui étaient sous le choc des départs vers la Syrie et des remous liés à la tragédie de Charlie Hebdo. À la question « Pour toi, la religion est-elle importante ? », la réponse était massivement « Ah oui, c'est très important ! » Si c'est important à ce point, comment interagir ? Il faut créer une formation, même s'il ne faut pas faire que cela, et celle-ci doit bénéficier d'une conduite politique.

Dernier exemple : en travaillant depuis 2015 avec des acteurs religieux associatifs musulmans en Alsace, nous avons mesuré à quel point la gouvernance territoriale leur est incompréhensible. Compte tenu de l'hostilité récurrente qui dresse déjà l'islam contre l'Occident, ignorer les dispositifs de gouvernance territoriale qu'une association est censée connaître a un impact fort, comme vous pouvez l'imaginer.

Une mairie que nous avions contactée souhaitait nous envoyer des stagiaires, mais elle n'arrivait pas à mobiliser des gens et s'est donc tournée vers le consulat du Maroc, c'est-à-dire vers une autorité étrangère. Quel est cet univers dans lequel une mairie en désarroi appelle un consulat étranger à l'aide ? Et l'on voit cela partout.

Par conséquent, les acteurs, dont les autorités sont ailleurs, ne viennent pas à nos formations ; ils n'ont pas conscience de leurs compétences et ne s'en servent pas dans le cadre de leur activité. Or, quand on représente une association auprès d'une autorité locale, être ou non qualifié fait une grande différence. J'ai aussi tenu ces propos avec des rabbins ou des pasteurs, car nous échangeons aussi avec instances catholiques, juives et protestantes, sans nous leurrer pour autant sur le fond conflictuel qui existe ; en effet, nous avons invité le consistoire israélite à intervenir dans une formation, et les échanges ont été violents - nous constatons un véritable état de guerre mentale.

Nous bénéficions d'un financement du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) qui court jusqu'en juillet ; nous en sommes heureux, car cela nous donne un moyen d'agir. Néanmoins, si nous avions une requête à soumettre à votre oreille et à votre expertise, ce serait que, à côté de ce financement, une commission expérimentale nous demande, au travers d'une action politique, de mener des expérimentations sur des territoires volontaires qui pourraient être comparés pendant trois ans.

Nous étudierions ainsi comment former les acteurs associatifs, pour la partie séculière de leur activité, tout en étant en lien avec une institution politique. Nous pourrions en sortir une modélisation de la formation d'acteurs associatifs religieux, dans le cadre tant de la loi de 1901 que de celle de 1905, afin de former aux dispositifs réglementaires compliqués. Cela permettrait de qualifier l'action associative des associations cultuelles, même si c'est utilisé dans le cadre de la bataille de prévention primaire des conduites ayant à voir avec le risque de radicalisation, d'attentat terroriste, d'auto-cooptation ou d'islamisme.

1 commentaire :

Le 18/03/2020 à 09:57, TIGNARD Yanis, TAY a dit :

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DEPUIS LA FRANCE, CE COURANT DE PENSÉE EST ÉTROITEMENT ET POURTANT, LA POLITIQUE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,

DU GOUVERNEMENT ET DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE FÛT DE LE PRÉSENTER SOUS SON ANGLE DE VUE : LE PROGRÈS CIVIQUE ET

LA DÉFENSE MILITAIRE. CELA FAIT VINGT ANS QUE SES DOSSIERS DE RECOURS SONT EXAMINÉS AVEC ATTENTION.

SI LE TEMPS EST SOUVERAIN, LA LUNE SUBIT LES MOUVEMENTS OÙ LES CIRCONSTANCES ENGENDRENT DES

ÉPHÉMÈRES SITUATIONS. IL EST DIFFICILE D'ÊTRE L'ÉGALE DE L'ÉGALITÉ ET, EN CELA BEAUCOUP D'HOMMES

MALGRÉ LEURS THÉOLOGIES ET LEURS POLITIQUES NE PARVIENNENT À VRAIMENT AVOIR UNE ABNÉGATION SOCIALE

ET PROPRE QUI NE SOIT PAS EMPRUNTER OU MIMER SELON LES TEXTES DE LOIS OU DANS LES LIVRES DE CROYANCES.

AINSI, IL Y A UN BÉNÉFICE DU DOUTE DE MA PART SUR LA CROYANCE ET LA POLITIQUE

SANS REMETTRE EN CAUSE L'HUMANISME, DIEU, LA CONSCIENCE, LA RÉPUBLIQUE ET LE PEUPLE.

JE N'INTERPELLE PAS PAR PROVOCATION MÊME BEAUCOUP INTERPRÈTE LE LIVRE DES PROPHÈTES COMME CERTAINS

RÉACTUALISE OU INTERPRÈTE LA CONSTITUTION À LEURS SAUCES :

CELA EST UNE REMARQUE VIVE SUR L'ENSEMBLE DES FORCES ENFOUIES ET VIVE DE NOTRE ÉTAT QU'ELLES SOIT

POLITIQUES, ASSOCIATIVES, APOLITIQUES ET AUTRES : POUR AINSI DÉMEMBRER LA CONSTITUTION, LES RETRAITES,

L'IMPERTINENCE, LE PRAGMATISME ET LA RÉALITÉ ,

C'EST POUR UTILISER D'UNE MANIÈRE GÉNÉRALE L'HOMME DE VISTULE OU

L'ÊTRE.

LE PRINCIPE DE LA NATURE ET DE LA CONSTITUTION S'EST LA FRATERNITÉ CAR ELLE EST TRÈS IMPORTANTE

DANS LA NOTION D'ÉGALITÉ ET DE LIBERTÉ : CELUI QUI ESSAYE D'ÊTRE DANS LA DIVISION DE CES TROIS NOTIONS

EST CRIMINEL AUPRÈS DE LA LAÏCITÉ ET CONSIDÉRÉ COMME UNE SECTE DANGEREUSE POUR LES CROYANCES.

SENTIMENTS DU

CITOYEN TIGNARD YANIS

ALIAS

TAY

La chouette effraie

POUR AMANDINE ET LES PEUPLES

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