Intervention de Thierry Lambert

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 26 février 2020 à 9h40
Audition de M. Thierry Lambert délégué interministériel à la transformation publique

Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique :

On relève plusieurs leviers, dont celui de la mobilisation de l'ensemble des gendarmes sur le processus d'innovation et de transformation.

Dans les Vosges, le projet R-Mes, consiste à utiliser des supports du quotidien -fourreaux à baguette de pain, sachets de pharmacie - pour faire passer des messages de prévention. Dans une organisation régalienne, la capacité donnée aux agents de terrain d'innover est notre principale source de création.

Les outils numériques sont également un levier, comme l'utilisation de l'intelligence artificielle pour optimiser la planification des patrouilles. Dans la même logique, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) met en place le site Signal Conso, pour utiliser l'information disponible sur les réseaux sociaux pour cibler les contrôles en matière agricole et alimentaire. Tous ces projets sont encourageants.

Le numérique transforme la façon de travailler des impôts, mais aussi des organisations de contrôle. La police déploie ainsi des groupes de partenariat opérationnel (GPO) mettant autour de la table les acteurs de la sécurité du quotidien : bailleurs sociaux, mairies, polices municipales, pour décider l'intensité de la surveillance et de l'action. Il nous faut avancer en ce sens.

Au-delà de la technologie, des données, des algorithmes, le numérique suppose aussi un changement de la société, une évolution des pratiques. L'Estonie et le Danemark sont des pays où la maturité numérique est beaucoup plus forte. Quand j'ai quitté le Danemark, avec le nemID, je n'ai transmis mon changement de situation qu'une seule fois.

Le CITP s'est engagé à aller beaucoup plus loin. Il y a des sujets techniques, notamment la mise en place d'interfaces de programmation d'application (API), et des sujets de structures de données. Tous nos systèmes d'information ont été développés du fait de leur réglementation et de l'histoire, avec des références différentes. Il y a également des sujets liés au règlement général sur la protection des données (RGPD). Des Danois me confiaient récemment qu'il serait difficile de faire le nemID aujourd'hui. Mais je suis convaincu que nous trouverons des solutions techniques pour isoler les process, tout en permettant de mieux utiliser les mêmes données. Un compte rendu du CITP détaille l'ensemble des actions liées au « Dites-le-nous une fois ». M. Nadi Bou Hanna m'a confirmé que nous étions dans la cible.

La transformation numérique est un changement des comportements. Le risque est effectivement de laisser à l'écart certains de nos concitoyens. Nous avons mis en place des expérimentations, mais ce ne sont évidemment pas les usagers que nous voulons interroger qui vont répondre à des appels à projets ou venir dans des labs ou des tiers-lieux. L'État doit avoir une responsabilité différente et ne pas se limiter à un canal numérique.

L'inclusion numérique est un objet de la vie quotidienne choisi par le président de la République. Le « pass numérique » doit permettre à ceux qui souhaitent être formés de l'être. Nous voulons aussi permettre à des tiers d'aider les personnes devant avoir accès à des procédures numérisées, via France Services ou des dispositifs particuliers.

Une étude que nous avons réalisée à la demande du CITP montre, par ailleurs, que le téléphone restera un canal très privilégié de contact avec le public, notamment - c'est très intéressant - chez les jeunes. Le numérique donne accès à des choses standardisées. Mais, face à une question complexe, on a besoin de réassurance et d'information. Gérald Darmanin et Cédric O ont placé la nécessaire combinaison omnicanale entre numérique, téléphone et guichet pour que l'expérience client soit vue de manière globale en haut de l'agenda.

Olivier Dussopt me rapportait que le service des impôts d'Annonay avait décidé de rendre obligatoire la prise de rendez-vous avant toute venue au guichet, avec un contact téléphonique préalable. Et l'on s'est aperçu que 60 % des problèmes étaient réglés par téléphone. L'agent peut donc effectuer sa mission de conseil auprès des usagers qui en ont le plus besoin. C'est, me semble-t-il, très encourageant. Au lieu de raisonner en silos, avec le guichet, les courriers, le numérique, il faut vraiment replacer les besoins de l'usager au centre, afin de pouvoir optimiser son expérience en fonction de ses choix préférentiels.

L'ANCT et la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Gourault, sont chargées de France Services. Je pense que ce projet est très prometteur, mais c'est un exercice d'exécution difficile. Cela ne se fera pas sans les collectivités locales. Pour un citoyen, le contact avec les services, ce n'est pas seulement l'État ou ses opérateurs ; ce sont aussi les communes.

Nous avons une mission de soutien sur les aidants aînés, qui sont parfois seuls pour assister des personnes handicapées à domicile. Les dispositifs se sont empilés. Comment faire retravailler tout le monde ensemble ? C'est aussi cela, le service public de demain.

Les établissements publics ne sont pas à l'écart de la transformation. J'ai d'ailleurs fait, dans le cadre de l'Inspection générale des finances (IGF), une mission sur l'Agence française de développement (AFD), qui a programmé un effort de même nature, voire un petit peu supérieur à l'effort de réduction des coûts du service public.

J'insiste sur l'importance de l'organisation territoriale de l'État (OTE). Nous nous retrouvons avec des silos. Notre structure est celle des ministères ; c'est aussi celle des missions et des programmes. Il y a une réflexion avec les préfets - je pense qu'elle ne pourra pas se faire sans le Parlement - sur le décloisonnement et la liberté d'organisation des agents locaux, sur le terrain. On a travaillé sur la déconcentration budgétaire. Nous les avons rencontrés avec Amélie Verdier pour analyser tous les irritants. Nous avons mis en place un plan, dont une partie consiste à voir avec le Parlement comment nous pouvons apporter un peu de souplesse, dans le cadre de la LOLF.

L'ère numérique, c'est aussi l'industrialisation de la personnalisation. On ne peut pas tout faire, et les besoins ne sont pas partout les mêmes. Il faut offrir des marges de manoeuvre aux agents locaux pour cibler les efforts sur les priorités en fonction des territoires.

Sur les RH, il est compliqué de ne faire qu'un corps. D'abord, les effectifs sont votés par programmes ; d'où la difficulté d'affecter à une action des crédits autorisés pour une autre. Ensuite, il faut réfléchir à ce que la notion de corps signifie pour les agents : certains ont rejoint l'administration pour faire carrière dans des métiers parfois très typés quand d'autres ont choisi de consacrer leur vie au service public en général. Nous travaillons avec la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP). Nous nous rendrons dans quatre régions pour rencontrer les agents et les gestionnaires, afin d'essayer d'identifier les irritants et de revenir avec des solutions.

Nous ne sommes pas chargés du budget de l'État. Mais l'objectif est de rendre les services publics plus efficaces. Nous travaillons avec les administrations sur la productivité et l'efficacité. Comment utiliser les systèmes d'information, les données et l'intelligence artificielle ? Comment choisir les activités pour qu'elles correspondent aux besoins les plus importants ? En revanche, les choix budgétaires relèvent bien du Gouvernement.

Je sens l'implication forte du président de la République sur le programme des OVQ. Les discussions en conseil des ministres sur le sujet sont très régulières. Venant d'un autre environnement, je trouve que le processus est extrêmement rythmé et que cela fait bouger les administrations.

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