Intervention de Gérard Lasfargues

Commission d'enquête Pollution des sols — Réunion du 3 mars 2020 à 15h50
Audition de M. Gérard Lasfargues directeur général délégué du « pôle sciences pour l'expertise » de M. Matthieu Schuler directeur de l'évaluation des risques et de Mme Aurélie Mathieu cheffe de projet à la direction de l'évaluation des risques de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail anses

Gérard Lasfargues, directeur général délégué du « Pôle Sciences pour l'expertise » de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSéS) :

La transparence est une valeur fondamentale pour nous. Tous les rapports et avis que nous produisons sont publics. Nous publions très souvent des communiqués de presse ou des points d'actualité pour les accompagner. Nous l'avons fait dans le cas de l'usine Lubrizol, de l'usine Alteo de Gardanne et de l'usine de Mourenx dans les Pyrénées. Dans toutes nos expertises, nous prenons en compte le regard sociétal. Nous auditionnons souvent les associations et les experts qu'elles souhaitent nous présenter. Cela étant, il est vrai que nous avons plus l'habitude de parler à ces publics relais que sont les associations et les partenaires sociaux qu'au grand public. Aujourd'hui, toutes les agences de sécurité sanitaire se demandent comment mieux communiquer directement avec le grand public, à l'heure des réseaux sociaux. C'est une question dont nous débattons actuellement avec des instances habituées à ce type de communication, comme la commission nationale du débat public (CNDP) ou le Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Cela étant, le rôle de l'ANSéS est non pas d'inquiéter ou de rassurer, mais d'évaluer les risques, de faire part de ses certitudes, mais aussi de ses incertitudes sur les situations d'exposition ou de risque, puis d'émettre des recommandations destinées à éclairer les décisions des autorités publiques.

Je ne peux pas vous parler de la méthodologie des ARS. Les responsables de Santé publique France, l'agence qui intervient sur les situations locales lorsqu'il y a des clusters de pathologies, pourront vous décrire leur méthodologie. Notre rôle à nous est de produire des valeurs de référence et d'évaluer des risques à partir de scénarios d'exposition.

Le public a du mal à faire la distinction entre expositions et risques. Nous sommes exposés tous les jours à toutes sortes de substances, des métaux lourds et des pesticides. Notre rôle est de calculer un risque, sur la base de ce que l'on sait de la toxicité d'une substance, des scénarios et des voies d'exposition d'une population. À titre d'exemple, lorsque nous avons travaillé sur le bisphénol A, nous nous sommes penchés sur la toxicité, la reprotoxicité et les autres perturbations de cette substance dans les études existantes. Nous avons étudié toutes les voies contributrices d'exposition et nous nous sommes rendu compte que les principales voies d'exposition étaient les canettes et les bonbonnes d'eau. C'est ainsi que le bisphénol A a été interdit dans les contenants alimentaires, d'abord pour les femmes enceintes et les enfants, puis pour toute la population.

Ces données d'exposition sont très importantes pour nous. Ce sont souvent elles qui manquent dans les situations de sols et sites pollués. On a souvent connaissance de l'exposition à certains métaux lourds - arsenic, plomb, cadmium, etc. -, mais les données d'exposition sur d'autres agents toxiques font souvent défaut. Je pense aux polychlorobiphényles (PCB), aux dioxines et autres agents de ce type. Nous commandons ces données aux organismes capables de nous les fournir, par exemple le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) pour les sols, l'Ineris, etc.

Par ailleurs, les connaissances scientifiques évoluent. Les valeurs de référence admises aujourd'hui pour la plombémie ne sont pas les mêmes qu'il y a vingt ou trente ans. Nous décelons des effets à des doses d'exposition beaucoup plus faibles, les techniques de détection des effets ayant beaucoup progressé.

Le principe de précaution est important. Dès lors qu'il est possible de réduire des expositions, il est important de le faire, surtout quand il existe une incertitude sur les risques qui peuvent en découler. Si nous sommes saisis, c'est pour évaluer les situations dans lesquelles le risque est incertain afin d'éclairer les choix et les décisions des gestionnaires. Quand le risque est avéré et connu, il faut mettre en place des indicateurs pour le surveiller et le supprimer.

L'ANSéS n'est pas chargée d'établir des recommandations en matière de surveillance médicale des populations. C'est le rôle soit de la Haute Autorité de santé (HAS), soit du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Nous produisons des valeurs de référence dans les milieux, par exemple des valeurs guides de qualité de l'air intérieur, à partir desquelles le HCSP peut déterminer des valeurs de gestion et décider de surveiller une population.

Alors que nous avions mis en évidence des effets sur le rein notamment ou des effets neuro-développementaux du plomb sur l'enfant à des doses très faibles, dès 15 microgrammes par litre, le HCSP a décidé de mettre en place une surveillance médicale des enfants à partir de 50 microgrammes par litre. Il peut donc y avoir des écarts entre les valeurs de référence que nous établissons et les valeurs décidées par le gestionnaire pour déclencher la surveillance médicale d'une population. Toutes ces valeurs sont un peu compliquées à comprendre pour la population.

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