Intervention de Jean-Pierre Kucheida

Commission d'enquête Pollution des sols — Réunion du 3 mars 2020 à 15h50
Audition de M. Jean-Pierre Kucheida président de l'association des communes minières de france acom france

Jean-Pierre Kucheida, président de l'association des communes minières de France :

Les collectivités locales minières n'étaient pas de vraies collectivités jusqu'aux années 1950. C'était d'abord la compagnie, ou Charbonnages de France par exemple, qui gérait tout. Le Pas-de-Calais, avant qu'on y découvre du charbon était l'un des plus grands départements ruraux de France. L'exploitation charbonnière est venue se plaquer sur ce département. Ma commune, qui comptait 1 450 habitants en 1857 au début de l'exploitation minière, est passée à 26 000 habitants en 1914. Il fallait alors amener toutes les structures permettant la vie de cette population. La compagnie s'est substituée à la commune, notamment pour la construction d'écoles, d'églises, de salles de réunions, de kiosques à musique... Pendant longtemps, et encore aujourd'hui, nos communes ont été très défavorisées fiscalement puisque les compagnies, puis Charbonnages de France, faisaient tout. C'est pour cela que les communes minières sont aujourd'hui les communes les plus pauvres de France. Il s'agissait d'abord de communes qui subissaient la redevance des mines, qui était très faible. Il devrait y avoir une véritable réforme des finances des communes minières pour qu'elles arrivent au même niveau que les autres communes en France. J'ai réussi à le faire, dans une certaine mesure, en 1985, avec l'association que nous avons créée avec Jacques Floch, maire de Rezé, « Villes et banlieues » puisque les communes minières ont les mêmes caractéristiques que les villes de banlieues. Nous avons imposé dans la discussion budgétaire une augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à partir de 1986 de 20 % par an pendant cinq ans dans les communes minières et dans les communes de banlieue. Mais cela n'a pas suffi à réduire les difficultés par rapport aux autres communes. Il est nécessaire de revoir le fondement des finances des communes minières.

J'ai participé récemment à une manifestation commémorant la première exploitation charbonnière du Nord Pas-de-Calais, à Fresnes-sur-Escaut, où une veine a été découverte il y a 300 ans, en 1720. Mais entre 1720 et aujourd'hui, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Le code minier, qui date de 1810, proposait la mise en route d'une mine mais ne prévoyait rien sur l'après-mine. Cette situation existe encore aujourd'hui les grands pays comme les États-Unis ou le Canada où les territoires sont tellement immenses que l'après-mine n'est pas un problème : la nature finit par reprendre ses droits.

Dans mon bassin, l'office régional de la santé, qui est indépendant de l'agence régionale de santé, a publié des chiffres qui me laissent perplexe. La mortalité supplémentaire existant dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais est estimée à 3 800 décès de plus que la moyenne nationale. C'est pour cela qu'avant la mise en place du 80 kilomètres à l'heure pour 400 morts, il serait bon de s'intéresser à la situation du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Mais c'est aussi un problème culturel : nos populations se distinguent du reste du pays par leurs habitudes et leurs traditions qui font qu'elles sont peut-être moins préoccupées que dans le reste du territoire.

Nous avons payé un tribut gigantesque à une maladie : la silicose. Encore aujourd'hui, il est très difficile d'être reconnu à 100 % de silicose, parce que c'est l'exploitant qui est en charge du diagnostic notamment. Des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes sont mortes prématurément. Je demande une réparation des dégâts qui ont été faits.

Un autre point concerne enfin les plans de prévention des risques miniers (PPRM). Il est nécessaire d'avoir une vision globale à l'échelle de l'ensemble du pays d'une part. D'autre part, il faut que les propriétaires des territoires sur lesquels portent les PPRM aient droit à une indemnisation juste, c'est-à-dire en fonction de la perte de jouissance.

Enfin, il faut répondre à la problématique des stations de relevage des eaux. À la suite d'un affaissement dans un bassin minier, l'eau ne parvient plus à remonter. Il est alors nécessaire de la pomper ad vitam aeternam. L'État a convaincu une vingtaine de communes de reprendre ces stations de relevage des eaux à leur compte. C'est scandaleux car les communes ne sont pas responsables de ces problèmes. Ces stations de relevage des eaux doivent revenir à l'État afin de prévenir le risque d'inondation des territoires.

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