Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 mars 2020 à 11h10
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Examen du rapport

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Ces mesures ont été élaborées dans l'urgence et sans une concertation parfaite avec les fédérations professionnelles. D'une manière générale, je veux alerter sur la nécessité de définir des modalités d'attribution des aides particulièrement claires et rapides, car les demandes vont affluer.

Enfin, de manière à répondre aux problèmes de trésorerie auxquels de nombreuses entreprises font face, l'article 4 autorise l'État à garantir jusqu'à 300 milliards d'euros de prêts aux entreprises. Ce dispositif, dont la mise en oeuvre est confiée à Bpifrance Financement, doit permettre de maintenir ouvert le canal du crédit pour les entreprises, afin qu'elles soient en mesure de faire face à leurs charges pendant la période de forte contraction de l'activité qu'entraîne la crise sanitaire. Des conditions précises sont prévues pour définir les prêts éligibles, dans un double objectif de cibler le dispositif sur les conséquences de la crise sanitaire et de respecter le cadre spécifique relatif aux aides d'État que la Commission européenne s'apprête à publier. En particulier, cette garantie donnera lieu à une rémunération de l'État : c'est une exigence de la Commission européenne, le Gouvernement m'a indiqué qu'il devrait fixer cette commission au seuil plancher permis par le cadre européen.

Les petites et moyennes entreprises ainsi qu'une partie des entreprises de taille intermédiaire, à savoir celles qui réalisent un chiffre d'affaires annuel inférieur à 1,5 milliard d'euros, sont plus particulièrement ciblées : dès lors que le prêt respecte les critères prévus, l'octroi de la garantie sera automatique. Pour les autres, un arrêté du ministre chargé de l'économie est nécessaire.

Par ailleurs, le Gouvernement a introduit une garantie spécifique de l'assurance-crédit à l'Assemblée nationale au sein d'un nouvel article 5, dans la limite de 10 milliards d'euros. Ce dispositif vise à préserver les chaînes de sous-traitances qui structurent notre économie.

Les conséquences de ces garanties pour les finances publiques sont incertaines : elles dépendront des montants pour lesquels la garantie sera in fine appelée.

En adoptant le nouvel article 4 A à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a également élargi les conditions d'octroi de la garantie de l'État accordée dans le cadre d'opérations de réassurance des entreprises habilitées à pratiquer en France des opérations d'assurance-crédit au titre des risques politiques et commerciaux à l'exportation. Il a également augmenté le montant total de l'encours maximum de cette garantie pour le passer de 1 milliard d'euros à 2 milliards d'euros.

S'agissant des autres articles du projet de loi de finances rectificative, l'article 1 A, inséré par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, prévoit d'exonérer d'octroi de mer et d'autres impositions indirectes propres à l'outre-mer des livraisons et importations de produits nécessaires au secours des populations, au rétablissement de la continuité des services publics et des infrastructures publiques dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Du côté des articles de récapitulation, l'article 1er tire les conséquences des prévisions de ressources et de charges sur l'équilibre général. Les articles 2 et 3 procèdent aux ouvertures et annulations de crédits respectivement sur le budget général et sur les comptes spéciaux. L'Assemblée nationale a adopté deux amendements du Gouvernement qui prévoient une baisse de recettes de 500 millions d'euros du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », compensée par un prêt du Trésor comptabilisé dans le compte de concours financier « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

Si je regrette parfois le caractère lacunaire des informations qui nous sont apportées, je ne m'opposerai pas aux mesures proposées dans ce projet de loi de finances rectificative. Elles s'inspirent en effet de procédures déjà expérimentées et qui devraient contribuer à apporter un soutien aux entreprises.

Il faut toutefois être conscient que ce plan est le premier et certainement pas le dernier. Les montants présentés ici ne seront suffisants que si la crise s'achève rapidement, ce qui paraît malheureusement peu probable : il est donc possible que nous devions nous retrouver, d'ici à quelques semaines, pour examiner un nouveau collectif budgétaire. Peut-être faudra-t-il aussi - mais à plus long terme - mettre en oeuvre un plan de relance pour ranimer la demande, lorsque l'offre pourra y répondre.

En tout état de cause le caractère extraordinaire des mesures qui nous sont présentées exige que nous soyons en mesure d'en suivre précisément et régulièrement la mise en oeuvre. Tout au long de l'application du plan de relance de l'économie adopté en 2009, le ministre de la relance a rendu des comptes chaque trimestre, au travers de rapports circonstanciés.

C'est pourquoi je souhaite qu'il en soit de même pour les mesures prévues par la nouvelle mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » et la garantie des prêts prévue par l'article 4. Je vous proposerai donc un amendement prévoyant la mise en place de ce mécanisme de suivi. Le Gouvernement préfère la création d'un comité de suivi, mais le Parlement doit être informé directement et dès à présent.

Par ailleurs, j'ai entendu le Président de la République et le ministre de l'économie dire que les salariés doivent continuer de travailler dans les secteurs prioritaires - santé, alimentation, énergie, transport. Il faut aussi les y encourager ! C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à exonérer de l'impôt sur le revenu et de cotisations sociales les rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires effectuées par les salariés depuis le 16 mars 2020, début du confinement, et ce jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire. Il faut soutenir les salariés qui continuent à travailler en dépit du contexte. Le Gouvernement évoque une prime exceptionnelle, se référant probablement à la prime d'activité exceptionnelle défiscalisée de 1 000 euros instaurée lors de la crise des « gilets jaunes ». Mais cette prime est versée par les entreprises, non par l'État. Les grandes entreprises pourront la verser, pas les petites entreprises que nous voulons pourtant aider.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'adopter ce PLFR, qui répond à une urgence, ainsi modifié par ces deux amendements. Si le Gouvernement prend des engagements en séance, nous les retirerons pour parvenir à un vote conforme. Il est possible aussi que le Gouvernement dépose un amendement visant à faciliter le versement d'une prime en faveur de ceux qui continuent à aller travailler.

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