Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du 20 mars 2020 à 14h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Agnès Pannier-Runacher :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation que traversent la France et le monde entier est inédite. Et à situation inédite, plan inédit.

La crise sanitaire que nous connaissons aura pour conséquence l’arrêt brutal de certaines activités économiques, quand d’autres se poursuivront dans des conditions extrêmement dégradées.

Il s’agit également d’une crise financière ; j’y reviendrai à propos des garanties d’État.

Cette crise laissera une blessure profonde. La projection de la croissance française pour 2020 qui est faite dans ce projet de loi finances rectificative est négative, à – 1 %. Il y a seulement trois mois, la loi de finances initiale tablait sur +1, 3 %. Le décalage est donc de 230 points de base.

Afin de répondre à cette situation, nous avons établi un plan immédiat, puissant, exceptionnel.

S’agissant des mesures budgétaires, le dispositif de chômage partiel va permettre le maintien du lien entre l’entreprise et le contrat de travail et, dans un deuxième temps, le redémarrage rapide des entreprises, des objectifs que l’Allemagne avait réussi à atteindre en 2008.

Pour ce qui concerne la trésorerie des entreprises, des mesures très concrètes sont prises en matière de charges sociales et d’impôts, sur lesquelles je ne reviendrai pas.

Je souhaite m’arrêter un instant sur la question de la dette.

L’État se portera garant de tous les prêts de trésorerie aux entreprises à hauteur de 300 milliards d’euros. Ce dispositif, qui durera jusqu’à la fin de l’année, est ouvert à compter du 16 mars pour toutes les entreprises, qu’elles soient petites ou grandes, car la question de la dette est liée non pas à la taille de l’entreprise, mais à la pression financière actuellement exercée sur notre économie. Il apportera la garantie de l’État jusqu’à 90 % et permettra de financer jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise.

Enfin, nous ne laisserons pas tomber les plus petites entreprises, qui sont aujourd’hui les plus durement touchées.

Parce que ces entreprises sont les forces vives de la Nation, nous allons mettre en place un fonds de solidarité qui permettra de soutenir les TPE-PME, les indépendants et les micro-entrepreneurs – sous certaines conditions – dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros.

Des milliers de ces entreprises sont désormais à l’arrêt du fait des arrêtés pris pour préserver la santé des Français et limiter les contacts sociaux, mais nous n’avons pas le droit de les laisser à leur sort.

Le fonds de solidarité aidera également toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires a été diminué de 70 % entre le mois de mars 2019 et le mois de mars 2020. Je pense notamment aux secteurs de l’événementiel et du tourisme, qui ont connu un brutal coup d’arrêt il y a déjà plus d’un mois.

Nous avons décidé d’inclure dans le champ d’application du fonds de solidarité les professions libérales les plus modestes, celles qui pourraient être condamnées par la crise actuelle. Elles seront donc soutenues à hauteur de 1 milliard d’euros par mois, dont 750 millions financés par l’État et 250 millions par les régions. Je tiens à saluer la mobilisation de ces dernières et je me félicite de notre travail commun.

Ce fonds conduira deux actions. Il s’agit, tout d’abord, d’un soutien rapide de 1 500 euros aux entreprises qui en ont besoin et qui sera apporté par l’administration fiscale, car elle a la rapidité et la puissance de feu. Ensuite, un soutien complémentaire sera apporté au cas par cas aux entreprises les plus en difficulté, dans le cadre d’une instruction allégée pour que la rapidité d’exécution soit au rendez-vous.

Le paiement des factures de gaz, d’électricité, ainsi que des loyers des plus petites entreprises qui connaissent des difficultés pourra être reporté. Le principe que nous voulons défendre est le suivant : face à l’absence de chiffre d’affaires, il faut minimiser le poids des charges.

Pour ce qui est des loyers, nous échangeons avec les bailleurs publics, afin de reporter les échéances des plus petites entreprises. Je tiens à féliciter le Conseil national des centres commerciaux (CNCC), qui a accepté de reporter les loyers du mois de mars de 38 000 commerces. Nous travaillons également avec la profession immobilière pour qu’une telle démarche soit généralisée. Cela ne peut pas être fait de manière automatique puisque, dans le cas de certains commerces, une personne physique est derrière le bail commercial ; les difficultés financières se posent donc des deux côtés.

J’aimerais rappeler à chacun que la solidarité nationale doit jouer à plein régime. C’est pourquoi j’appelle tous les bailleurs privés à faire preuve de solidarité, dès lors qu’ils en ont les moyens.

Bien entendu, ces mesures ont un coût pour nos finances publiques. Par conséquent, le déficit public pour 2020 devrait atteindre 3, 9 % du PIB, au lieu des 2, 2 % prévus initialement. La dette française dépasserait donc 100 % du PIB en 2020.

Les circonstances, exceptionnelles, exigent cette réponse inconditionnelle et puissante. C’est le choix politique que nous faisons. Je salue la décision de la Commission européenne de lever en 2020 les contraintes réglementaires, prévues dans le pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui pèsent sur les États membres de la zone euro.

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