Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les circonstances qui nous réunissent aujourd’hui sont particulièrement dramatiques. Elles le sont au niveau mondial, au niveau européen et pour notre pays : l’épidémie de Covid-19 fait des centaines de milliers de malades, des milliers de morts et exige de prendre toutes les dispositions nécessaires pour ralentir et, nous l’espérons, stopper la propagation du virus. Ces mesures fortes et nécessaires ont évidemment une incidence sur notre économie, sur nos perspectives de croissance et sur la situation de nos finances publiques. Par ailleurs, de nouveaux moyens financiers doivent être mobilisés pour soutenir notre système de santé, nos hôpitaux déjà fragiles avant la crise, et pour maintenir à flot nos entreprises, quels que soient leur taille ou leur secteur d’activité.
Ainsi, la prévision de croissance associée au projet de loi de finances, qui était une hausse de 1, 3 %, est désormais une baisse de 1 %, soit une dégradation de 2, 3 points. Il y a tout juste un mois, alors que notre pays n’était pas encore touché comme aujourd’hui, la dégradation était estimée par le ministre de l’économie et des finances à 0, 1 point de PIB.
Depuis, la situation a évolué, mais tout peut aussi changer demain si les mesures de confinement se prolongent au-delà d’un mois, si l’environnement économique européen et mondial continue de se dégrader ou si la crise économique se double d’une crise financière. Le Haut Conseil des finances publiques souligne à cet égard un contexte d’incertitude « exceptionnellement élevée ».
Il affirme que le scénario du Gouvernement repose sur deux hypothèses fortes, qui ne sont pas acquises : celle d’un confinement limité à un mois et celle d’un retour rapide à la normale de la demande française comme étrangère.
Autrement dit, rien ne permet aujourd’hui d’exclure que la chute du PIB ne sera pas plus importante, comme en 2009 lorsque les prévisions n’ont cessé d’être revues à la baisse dans le cadre de plusieurs collectifs budgétaires successifs.
Bien sûr, on peut se réjouir que la Banque centrale européenne vienne de créer le « programme d’achat urgence pandémique » à hauteur de 750 milliards d’euros, mais les risques demeurent élevés pour les pays européens dont la situation économique et financière n’était déjà pas florissante avant cette crise. Comme je le rappelais dans mon intervention en séance publique le 4 mars dernier, à la fin de l’année 2019, notre dette publique frôlait déjà les 100 % du PIB, contre 60 % pour l’Allemagne, et la France enregistrait le deuxième déficit structurel le plus élevé de la zone euro.
Alors que nous avons profité jusqu’à présent d’une charge de la dette allégée grâce aux taux d’intérêt bas, celle-ci risque de fortement remonter.
Le déficit public devrait, selon l’estimation du Gouvernement, atteindre 3, 9 % du PIB fin 2020 contre une prévision de 2, 2 %, soit une hausse de 15 milliards d’euros. Cela résulte des mesures nouvelles de soutien qui s’élèveraient à 11, 5 milliards d’euros – dont 8, 5 milliards d’euros pour la mise en activité partielle –, mais aussi de la chute des recettes fiscales de 10, 7 milliards d’euros, particulièrement celles de l’impôt sur les sociétés et la TVA.
Cependant, l’incidence de la crise sur les dépenses budgétaires et les recettes fiscales pourrait être très largement supérieure si la crise perdure. De manière complémentaire, les mesures pour répondre au choc économique pourraient se révéler insuffisantes. Des secteurs économiques souffrent fortement, comme ceux de la restauration, de l’événementiel, des spectacles, de la culture. D’autres, comme une partie du commerce, le transport aérien, le tourisme, risquent de souffrir aussi très fortement, très subitement et très durablement de cette situation.
Le fonds de solidarité pour les très petites entreprises en difficulté, cofinancé par les régions, est bienvenu, mais il paraît très sous-dimensionné et doit intégrer le secteur de l’économie sociale et solidaire. Je pense aux activités prises en charge par des associations régies par la loi de 1901, ainsi qu’à celles qui sont assurées sans statut d’entreprise, comme l’ouverture au public par leurs propriétaires de lieux de tourisme.
J’estime que la crise économique qui s’annonce, avec la baisse de nos recettes fiscales, devrait nous amener à reconsidérer les très importants allégements de fiscalité pour les détenteurs des plus hauts patrimoines. Les revenus en flux seront affectés, en forte baisse. Il sera donc difficile de les surtaxer. Mais les revenus en stock, c’est-à-dire liés à un capital détenu, restent possiblement contributeurs.
Certes, les marchés financiers sont en baisse, mais notre nation a plus que jamais besoin de la solidarité de tous et nous devons mobiliser celles et ceux qui sont le plus capables de contribuer aux efforts collectifs, surtout si l’on garde à l’esprit les importants allégements de fiscalité – ISF et prélèvement forfaitaire unique (PFU) – que nos récents travaux parlementaires ont permis de révéler !
En conclusion, ce collectif budgétaire n’est qu’une première réponse, très immédiate, à la crise. Il sera suivi nécessairement d’autres mesures. La crise que nous vivons aujourd’hui est inédite par sa soudaineté et par son ampleur. Pour qu’elle ne s’aggrave pas davantage, il faudra, au-delà de nos mesures nationales, que l’ensemble des pays européens adoptent des dispositifs forts de soutien à l’activité et fassent preuve de solidarité, notamment à l’égard des pays les plus fragiles, afin de ne pas risquer une déstabilisation de nos économies.