Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le contexte de crise sanitaire très grave que connaît notre pays, face aux difficultés que traversent nos compatriotes, en examinant ce PLFR présenté dans l’urgence, nos pensées vont d’abord vers ceux qui luttent contre la maladie.
Partout ces jours-ci nous voyons de quoi sont capables les médecins, les infirmiers et les aides-soignants. Au nom de l’ensemble des membres du groupe Union Centriste, je tiens à leur faire part de notre admiration et à leur adresser nos remerciements les plus chaleureux. Nos pensées accompagnent également les policiers et les gendarmes, ainsi que tous ceux qui font fonctionner les services publics et tous ceux qui demeurent actifs dans notre économie, en particulier dans les filières d’approvisionnement.
C’est dire que le Sénat dans son ensemble et le groupe Union Centriste en particulier abordent ce PLFR avec esprit de responsabilité. Nous souhaitons aboutir vite à une vision commune avec le Gouvernement et l’Assemblée nationale, et nous savons déjà que ce projet de loi de finances rectificative sera inévitablement suivi d’autres.
Nous saluons la réactivité du Gouvernement et l’ampleur financière des mesures déployées, que justifient la gravité et l’urgence de la situation.
Afin d’amortir au mieux le choc économique et financier créé par l’épidémie de coronavirus, choc dont on peine à mesurer toute l’étendue, l’État doit déployer sans tarder l’artillerie lourde, faite d’une palette diversifiée de mesures qui vise à ne laisser aucune entreprise ni aucun particulier au bord du chemin… Le défi est gigantesque par son ampleur.
Nous devons parvenir à ne pas gripper les filières d’approvisionnement, à sauvegarder les compétences et les savoir-faire – d’où le chômage partiel –, à maintenir la capacité productive et le tissu économique, mais nous devons aussi parallèlement veiller à la solidité financière de l’État.
Cette double exigence – faire face aux effets de la crise sanitaire et en même temps préserver la solidité financière de l’État – constitue un immense défi. Il ne faut pas qu’une crise financière propre à l’État aggrave encore les difficultés du pays. De ce point de vue, le niveau des taux d’intérêt et la capacité à financer notre dette lors de chaque émission doivent rester des marqueurs.
Il faut d’abord faire face aux difficultés nées de la crise sanitaire que nous traversons.
Cela a été dit, les 45 milliards d’euros du plan de sauvetage à effet immédiat permettront de financer tout à la fois le report des charges fiscales et sociales des entreprises, le renforcement du dispositif de chômage partiel, le paiement d’indemnités journalières, ainsi que le fonds d’indemnisation pour les indépendants et les commerçants.
De la même manière, la garantie des prêts bancaires accordés aux entreprises à hauteur de 300 milliards d’euros doit permettre aux banques d’octroyer facilement des prêts aux entreprises qui se trouveront ou se trouveraient déjà en difficulté.
La conséquence de ces mesures et de celles qui immanquablement suivront sera une dégradation lourde, mais inévitable, de nos finances publiques. Cette dégradation est sans doute sous-évaluée à ce stade, mais comment faire autrement ?
Mécaniquement, les nouvelles prévisions budgétaires pour 2020 se dégradent. Le déficit budgétaire, qui se détériorerait de 15, 4 milliards d’euros, est ainsi revu à 108, 5 milliards d’euros pour la fin de l’année. C’est là, monsieur le ministre, une estimation qui nous paraît quelque peu optimiste…
Le niveau du déficit serait alors sensiblement équivalent à celui qu’avait déjà retenu le ministère de l’économie et des finances à la fin de l’année 2018, dans le sillage de l’annonce des mesures destinées à répondre à la crise des « gilets jaunes ». Or le séisme nous semble cette fois-ci relever d’une intensité et d’une magnitude autrement plus importantes…
La baisse à hauteur de 10, 7 milliards d’euros des recettes fiscales, supportée aux deux tiers par l’impôt sur les sociétés, est parfaitement intelligible. En revanche, peut-on assurer raisonnablement, comme le suggère l’exposé des motifs du présent PLFR, que la hausse des dépenses du budget général de l’État sera à peine supérieure à 6 milliards d’euros ?
Pour indispensables qu’ils soient, les crédits immédiatement débloqués pour freiner la propagation du coronavirus appelleront de nombreuses autres dépenses à la chaîne, pour l’heure peu prises en compte…
D’après certains conjoncturistes, et sur la base d’un scénario conventionnel calqué sur le scénario de sortie de crise postérieur à 2008, notre ratio de déficit public pourrait durablement franchir la barre des 4 %, voire celle des 5 %, celui de l’endettement dépassant même la barre des 115 % du PIB à l’horizon de 2024. Et encore un tel scénario repose sur une stabilisation du déficit structurel à son niveau de 2019…
Si maintenant nous essayons de nous projeter dans cet avenir incertain, il paraît inévitable qu’un plan de relance succédera, lorsque le virus sera moins actif, à ce plan de sauvetage. Nous pouvons nous féliciter que les mécanismes européens permettent de dépasser l’horizon des 3 %.
Sans doute y a-t-il dans la définition de politiques communes à l’échelle européenne des voies de solution pour l’avenir. Les initiatives prises vont dans le bon sens. Il faudra tirer le moment venu toutes les leçons de cette crise terrible. Il faudra bien sûr financer plus et mieux le régalien, au premier rang duquel le système de santé. Il faudra également tirer les leçons de l’interdépendance mondiale. Mais nous ne devrons pas oublier non plus que la solidité financière du pays passe par des mesures de meilleure gestion de l’État et de redéfinition de son volume, mesures que nous avons inlassablement soutenues sur ces travées.
Nous sommes nombreux à avoir lancé l’alerte et à avoir souligné qu’en cas de crise subite les marges de manœuvre financières manqueraient. Nous y sommes !
La crise du coronavirus doit nous inviter à revoir nos priorités et à engager enfin structurellement la réforme de notre appareil d’État, maintes fois différée…
La lucidité doit être le premier de nos courages. Tôt ou tard, et mieux vaudrait tôt que tard, il faudra avoir la force d’admettre que notre capacité à surmonter les défis n’est pas corrélée à celle de dépenser toujours plus, mais à celle de dépenser mieux.
Dans l’immédiat, le groupe Union Centriste se félicite de la radicalité des mesures prises par le Président de la République et le Premier ministre. Il faut un soutien radical de l’État pour sortir le pays d’une situation radicalement bloquée.
C’est évidemment dans cet esprit que nous voterons pour le présent projet de loi de finances rectificative, sous réserve de la discussion qui va intervenir et dont a fait état le rapporteur général.
Il reste deux sujets de débat, et je souhaite que la discussion permette de les surmonter : la prime aux salariés et le contrôle de la mise en œuvre de ces mesures.
Vous nous trouverez toujours à vos côtés pour surmonter avec nos compatriotes la crise sanitaire et, par ricochet, la crise économique et financière que la France affronte.
Je termine en remerciant tous ceux qui concourent à faire en sorte que cette séance se passe dans de bonnes conditions, dans le respect des règles sanitaires.