Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, face à la crise sanitaire sans précédent que vit notre pays, avec pour corollaire un impact potentiellement très grave sur nos entreprises et notre pouvoir d’achat, les mesures d’urgence décidées par le Gouvernement, visant à sauvegarder notre économie, nécessitent de voter ce collectif budgétaire, pour en garantir le financement, à travers, notamment, l’ouverture des crédits nécessaires.
Autant le dire tout de suite, le groupe Les Républicains votera bien évidemment ce texte.
Nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas fait ces trois dernières années les efforts nécessaires pour dégager des marges de manœuvre budgétaires, contrairement à la plupart de nos voisins européens, mais mon collègue Philippe Dominati reviendra sur ce point au cours de son intervention.
Nous estimons pourtant que, à ce stade, le Gouvernement est globalement à la hauteur dans les réponses qu’il apporte à la crise. Par expérience de la crise de 2008, nous savons qu’il faut répondre vite et fort.
Toutefois, ce collectif budgétaire tend seulement à sauvegarder, dans l’urgence, notre économie. Monsieur le ministre, confirmez-vous qu’il sera suivi d’un prochain collectif d’ici à l’été, visant cette fois-ci à relancer l’économie ? Les nouvelles prévisions contenues dans le texte que nous examinons aujourd’hui, que nous jugeons plutôt optimistes, seront alors très certainement de nouveau révisées, en fonction de l’évolution de la situation.
Pour le moment, les prévisions pour 2019 et le déficit structurel pour 2020 restent inchangés par rapport à la loi de finances pour 2020. Le déficit provisoire de l’année 2019 sera publié par l’Insee à la fin du mois de mars.
En revanche, le très fort ralentissement économique lié au double choc de l’offre et de la demande, consécutif aux mesures de lutte contre l’épidémie du coronavirus, constitue un effet de ciseaux inédit et redoutable, qui va entraîner une chute du PIB, dont l’évolution est reprogrammée de +1, 3 % dans la loi de finances pour 2020 à -1 %, soit une perte de 2, 3 points !
Lors de la dernière crise économique et financière, le PIB avait chuté de 2, 6 points : de +0, 3 % en 2008 à –2, 9 % en 2009.
Ce ralentissement de l’économie va entraîner une chute des recettes fiscales en 2020, de 10, 7 milliards d’euros : une baisse, notamment, de 6, 6 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés, de 1, 4 milliard d’euros de l’impôt sur le revenu et de 2, 2 milliards d’euros de la TVA.
Je rappelle que, dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, qui entrera en vigueur en 2021, mon groupe avait alerté le Gouvernement sur le risque de faire reposer l’essentiel des recettes fiscales des départements sur la TVA, très sensible à la conjoncture, et alors même que les conseils départementaux sont en première ligne en matière de dépenses sociales, en cas de retournement conjoncturel. Nous en avons l’illustration aujourd’hui, hélas !
Le déficit public va, en conséquence, s’envoler, de 2, 2 % prévus par la loi de finances pour 2020 à 3, 9 %. Cette prévision est d’ailleurs provisoire et sera probablement révisée à la hausse, car elle repose sur une hypothèse optimiste de sortie de crise et ne tient pas compte des futures mesures de relance.
D’ores et déjà, les mesures d’urgence et de sauvegarde vont entraîner une explosion de la dépense publique, qui sera financée par la dette publique, laquelle va dépasser très largement le cap des 100 % du PIB en 2020.
Les mesures d’urgence s’élèvent au total à 45 milliards d’euros.
Toutefois, près de 35 milliards d’euros prennent la forme d’une avance de trésorerie, puisqu’il s’agit du report pour les entreprises du paiement des charges sociales et des impôts : 12 milliards d’euros pour l’impôt sur les sociétés, 13 milliards d’euros pour les charges sociales dues par les grandes entreprises au 5 avril, 8, 5 milliards d’euros pour les charges sociales dues au 15 mars et 1 milliard d’euros pour la taxe sur les salaires. Sur ce point, nous regrettons très fortement que la TVA ne soit pas concernée. Ces 35 milliards ne devraient donc pas, au final, affecter les finances publiques.
Demeurent plus de 10 milliards d’euros de dépenses non remboursables, prévues pour les deux prochains mois, dont, notamment, 5, 5 milliards d’euros d’indemnisation du chômage partiel, 2 milliards d’euros pour le fonds de solidarité pour les TPE et les indépendants, avec une première participation des régions de 250 millions d’euros, et 2 milliards d’euros de dépenses de santé, soit le paiement des arrêts maladie, via la hausse de l’Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie), l’achat de masques, le versement des indemnités journalières et les mesures de reconnaissance pour le personnel médical.
Sur ce point, mon groupe regrette que l’Assemblée nationale n’ait pas adopté un amendement visant la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires. Le personnel médical, les forces de l’ordre, les magasiniers, tous les Français qui ne comptent pas leurs heures en ces temps difficiles pour tenter de maintenir le paquebot France à flot et sont parfois épuisés, méritent d’être encouragés.
Notre rapporteur général déposera un amendement similaire et nous espérons que le Sénat, dans son ensemble, le votera.
Les mesures d’urgence que j’ai détaillées constituent des dépenses a minima : elles sont calculées pour les mois de mars et d’avril, mais s’y ajouteront les futures dépenses du plan de relance économique qui devra être mis en œuvre après la crise.
De surcroît, les reports de paiement d’impôts et charges, qui sont aujourd’hui de simples mesures de trésorerie, pourront se transformer en annulations dans certains cas, comme l’a laissé entendre Bruno Le Maire.
Tout cela s’entend sans compter, pour les comptes publics, les dépenses des collectivités territoriales : les communes et les départements pour les aides sociales, ainsi que les régions pour les aides économiques.
Le coût de la crise pour les finances publiques devra aussi tenir compte des baisses importantes de recettes fiscales, qui pourraient être aggravées par une élasticité des recettes supérieure à un, comme c’est souvent le cas en période récessive, alors que le Gouvernement prend comme hypothèse optimiste une élasticité de 1.
Le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis du 17 mars 2020, souligne d’ailleurs que le PLFR repose sur des hypothèses « d’une grande fragilité » : un confinement pendant un mois seulement et une reprise rapide de la demande. Il estime que la dégradation de la situation macroéconomique pourrait être plus importante que ce qui est prévu dans le présent texte.
Pour financer les mesures du Gouvernement, la France va notamment lever 5 milliards d’euros de plus d’obligations à moyen et long terme sur les marchés en 2020, portant le montant total des émissions à un nouveau record de 210 milliards d’euros. C’est du jamais vu !
Par ailleurs, le collectif budgétaire prévoit une mesure de sauvegarde importante, que nous approuvons : une garantie de l’État relative aux prêts consentis par les banques aux entreprises. Assurée du 16 mars 2020 au 31 décembre 2020, elle atteint 300 milliards d’euros. Elle est gérée par Bpifrance, qui garantira donc jusqu’à 90 % des prêts bancaires, alors que le seuil habituel de garantie est de 50 %.
Ce dispositif doit permettre de rassurer les banques, afin que ces dernières continuent d’accorder des prêts aux entreprises pendant la crise, pour faire face, notamment, aux conséquences de celle-ci. En cas de difficulté de l’entreprise, la banque prêteuse ne supportera in fine que 10 % du risque.
Le montant de la garantie est dimensionné par rapport à l’encours total de crédits aux sociétés non financières, à hauteur de 1 063 milliards d’euros en janvier 2020, dont 240 milliards d’euros de crédits de trésorerie.
Notons, en outre, que cette garantie nationale est complétée par 1 000 milliards d’euros de garanties de prêts bancaires dans la zone euro, dont l’Eurogroupe a décidé l’engagement ce 16 mars 2020.
Les prêts visés devront répondre à un cahier des charges et ne pourront pas concerner des entreprises en procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation. La garantie publique n’est pas actionnable sur les procédures collectives. Ces conditions visent à réduire le risque financier pour l’État de voir une partie des 300 milliards d’euros engagée en cas de défaillances d’entreprises dont il aura garanti les prêts bancaires. Les banques pourront alors en effet y faire appel.
Ce panel de mesures constitue indéniablement une première réponse à la crise sans précédent que nous traversons.
Comme je l’ai déjà exprimé, mon groupe les votera sans hésitation. Il y va de la sauvegarde de notre économie.