Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi instaurant des mesures d’urgence porte dans son titre même le défi qui se pose au législateur depuis trois jours : répondre en droit et dans des délais réduits, pour assurer la continuité de la vie nationale, à une urgence imposée par de tristes circonstances de fait.
Plusieurs écueils étaient face à nous : confondre réactivité et précipitation et être pris de « démangeaisons législatives », pour reprendre la terminologie si éclairante de Guy Carcassonne ; analyser l’urgence par opposition à la situation normale, celle où le respect des règles et les considérations de droit s’imposeraient parce qu’on a le temps.
Mes chers collègues, je suis fier de porter la parole de mon groupe sur les conclusions auxquelles la commission mixte paritaire est parvenue, car je suis convaincu que nos travaux, par leur construction et l’approche choisie dès leur ouverture, nous ont gardés de ces écueils. De ce point de vue, je salue le travail de notre rapporteur, la qualité de nos débats et les évolutions introduites par le Sénat et reprises par l’Assemblée nationale pour renforcer les garanties juridiques et la cohérence du projet de loi ordinaire.
Je pense notamment au report de l’installation des conseils municipaux élus au complet dès le premier tour, à la clarification des conditions de prorogation des mandats des conseillers municipaux et à l’assouplissement des modalités de réunion des assemblées délibérantes pendant la crise sanitaire.
Je pense également à l’extension des prérogatives du Premier ministre pour la mise à disposition de certains médicaments et le contrôle des prix des produits nécessaires à la lutte contre l’épidémie, ainsi qu’à la déclaration de l’état d’urgence sanitaire sans délai et pour deux mois. Cette disposition dérogatoire, assortie de garanties, donnera au Gouvernement les moyens de poursuivre l’action qu’il mène pour faire face à l’urgence collective.
Je me réjouis particulièrement que la commission mixte paritaire ait réussi à dépasser nos points de divergence, dans l’esprit que j’ai appelé de mes vœux pour le traitement de l’urgence : sans précipitation, sans renoncement à la nuance ni au débat, mais dans la responsabilité et la permanence de l’État de droit, à travers une conciliation plurielle entre les nécessités de l’urgence, la protection des libertés fondamentales et la préservation des droits sociaux.
Permettez-moi de revenir brièvement sur les trois axes qui ont été utilement débattus.
S’agissant d’abord de l’état d’urgence sanitaire, l’instauration d’un régime distinct de celui issu de la loi du 3 avril 1955, inscrit dans le code de la santé publique, confère une base juridique solide et claire aux mesures prises pour lutter contre l’épidémie, assorties de sanctions et de garanties renforcées en matière de compétences, de procédures et de contrôle parlementaire.
Ensuite, des mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie sont indispensables pour assurer la continuité de la vie économique et sociale et éviter la défaillance des entreprises, tout en protégeant la vie, la santé et les droits des salariés. Le périmètre de ces mesures a été utilement précisé, par exemple en renvoyant à un accord collectif de branche ou d’entreprise la possibilité de réduire les délais de fixation des dates de congés payés par l’employeur, dans la limite de six jours.
Je pense également aux 300 milliards d’euros de garanties d’État pour les prêts de trésorerie aux entreprises et aux 45 milliards d’euros de soutien aux entreprises, à travers notamment la suspension des principaux impôts, le report des charges sociales, le chômage partiel et un fonds de solidarité pour les TPE.
Ces ordonnances, je tiens à le souligner, auront également pour objet de protéger les plus vulnérables, en particulier les personnes en situation de pauvreté, dont le dénuement et la solitude risquent d’être aggravés par la crise sanitaire. C’est ainsi que la trêve hivernale sera allongée et le jour de carence des fonctionnaires, suspendu.
Enfin, je ne m’étendrai pas sur les dispositions électorales – principalement, les modalités de report du second tour des élections municipales –, mais l’accord auquel a abouti la commission mixte paritaire sur l’échelonnement des opérations du scrutin me paraît équilibré et pertinent. Le dépassement constructif du désaccord initial illustre bien, sur ce sujet aussi, l’esprit de conciliation qui a présidé aux débats parlementaires dans ce moment d’urgence.
Les Français n’auraient pas accepté que nous terminions nos travaux par une commission mixte paritaire non conclusive pour la seule raison que nous n’aurions pas su nous entendre sur une date de dépôt des listes pour le second tour des élections municipales…