Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous a saisis en urgence d’un projet de loi exceptionnel visant à faire face à la crise dramatique que notre pays, comme tant d’autres, traverse. Le Parlement a donc apporté sa contribution à la lutte contre le virus, comme tous les Français apportent la leur.
Je tiens d’abord, comme nos concitoyens le font désormais tous les soirs à vingt heures, à rendre de nouveau hommage aux soignants qui sont à pied d’œuvre et ne ménagent pas leurs efforts, malgré l’épuisement, les craintes et les larmes. Comme nous tous, je pense aux malades et à leur famille.
La situation est grave, mais nous la surmonterons, à une condition : rester unis et solidaires. Car, comme on nous l’a appris il y a des siècles, toute demeure divisée périra.
Il nous fallait d’abord nous donner les moyens d’atteindre nos objectifs. Personne n’aurait compris que nous n’y arrivions pas ensemble. Avec nos collègues députés, nous sommes donc parvenus à un texte commun.
Il fallait nous donner des moyens, mais aussi garantir le respect du droit. Ce texte consacre la création d’un régime d’état d’urgence sanitaire, prévoyant notamment la possibilité de réquisitionner toutes les personnes et tous les matériels nécessaires à la lutte contre le virus. Ce régime nouveau permet aussi d’encadrer, pour des raisons sanitaires, l’ouverture des commerces et les déplacements de nos concitoyens.
Ces mesures sont radicales, mais c’est la condition de leur efficacité. Dans une démocratie comme la nôtre, toutefois, il est essentiel de veiller à leur contrôle. C’est donc le Parlement qui décidera de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire.
Les fermetures de lieux de vie et de commerces et les mesures de confinement, qui impliquent un contrôle accru de nos frontières, ont pour objectif de ralentir la propagation du virus et d’éviter la saturation des hôpitaux. Mais ces mesures ont aussi des effets redoutables sur l’économie.
Les médecins savent qu’il y a des remèdes pires que le mal. De là leur devise, primum non nocere : avant tout, ne pas nuire. C’est la raison des mesures exceptionnelles que nous devons prendre pour soutenir l’économie.
Or, paradoxalement, l’épidémie nous impose deux impératifs contradictoires : agir vite et suspendre le cours du temps – en même temps agir vite pour lutter contre le virus et ralentir les autres activités pour limiter sa propagation. Il faudra donc suspendre largement les délais, ceux qui pèsent sur les entreprises, bien sûr, mais aussi tous les autres : forclusion, prescription, déchéance et nullité.
Néanmoins, cette suspension ne doit pas signifier la paralysie de notre pays. Il faut continuer de travailler, de produire. Il faut aussi assurer la continuité de nos services. Les allocations ou les prises en charge dues à nos concitoyens doivent continuer d’être versées malgré la crise – ou plutôt, à cause de la crise.
L’épidémie de coronavirus a fortement perturbé la tenue des élections municipales. Le projet de loi comporte les adaptations nécessaires au bon fonctionnement des institutions locales.
L’épidémie que nous traversons est une épreuve redoutable, mais, comme le disent les Anglais, une mer calme n’a jamais fait un bon marin… Grâce à notre détermination et à notre créativité, nous pouvons faire de cette crise une opportunité de nous dépasser et de nous renforcer.
Ce projet de loi marque une avancée importante dans la résolution de la crise. Le groupe Les Indépendants le soutient pleinement.
« Le commencement est la moitié du tout », disait Aristote. Nous avons commencé. Et nous nous tenons prêts, dès aujourd’hui, avec l’ensemble de nos collègues, à accompagner le Gouvernement dans la suite de ce combat !
Nous avons tous conscience des contraintes que créent les décisions que nous prenons aujourd’hui. Nous allons imposer aux Français l’obligation de la patience. Chacune et chacun d’entre eux va devenir pour quelques semaines un Robinson Crusoé. Les rivages de notre île seront les murs de nos maisons ou de nos appartements. Certains y vivront seuls, d’autres auront la chance de les partager avec un ou plusieurs Vendredi.
À mesure que les jours succéderont aux jours, une forme de routine étrange va s’installer pour les Français. Ce sera dur pour eux, car ils sont plus obstinément attachés à leur liberté qu’ils ne sont naturellement doués de patience. Ils vont devoir s’adapter à une situation contre nature, contre leur nature, et faire confiance à leur allié dans ce combat : le temps.
Jusqu’à ce jour, le temps était un ennemi, du moins un adversaire. Notre époque, qui est plutôt celle de la fulgurance, confond volontiers le rapide et le vivant. Nous vivons au temps du haut débit et du train à grande vitesse. Nous avons même appris à multiplier le temps, ou plutôt les tâches : désormais, nous travaillons sur nos ordinateurs tout en dialoguant par WhatsApp avec des amis et en consultant nos mails, le tout sur fond d’un concerto de Mozart.
Le problème, avec la recherche de l’intense, c’est qu’elle ruine la sensibilité et l’intimité. Nous ne recherchons plus le calme, parce qu’il nous semble un sommeil…
Je voudrais proposer aux Français de profiter de ces quelques semaines d’isolement forcé pour partir, comme nous le suggérait Proust, à la recherche du temps perdu. Tout le monde connaît la première phrase de son œuvre : « Longtemps, je me suis couché de bonne heure. » Nous allons pouvoir nous coucher et nous lever à l’heure que nous voulons et retrouver pendant un moment la maîtrise de nos journées. Nous allons pouvoir penser, car, comme le dit le Bouddha, « la patience est la plus grande des prières ».
Peut-être même parviendrons-nous à mettre en pratique cet aphorisme de Vauvenargues : « La patience est l’art d’espérer. » Car, en définitive, la seule chose dont les Français aient besoin en ce moment, c’est l’espoir. Par chance, cette qualité ne leur a jamais fait défaut.