Intervention de Édouard Philippe

Réunion du 25 mars 2020 à 15h00
Questions de contrôle au gouvernement — Politique de nationalisations pour l'avenir économique social et sanitaire du pays

Édouard Philippe :

Madame la présidente Assassi, il y a plusieurs temporalités dans votre question. Vous soulevez le problème de l’urgence, et je vais évidemment essayer de vous répondre, mais vous posez aussi la question de l’après, à savoir du monde que nous souhaitons une fois que la crise urgente que nous connaissons sera traversée, dans les meilleures conditions je l’espère.

Je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous n’envisageons pas exactement de la même façon le monde d’après. Cela ne signifie pas que nous sommes, par définition, en désaccord sur tout, mais cela veut dire que l’idée d’une appropriation collective des moyens de production – dont j’ose à peine parler, mais qui ne vous dérange pas §– ne recueille pas tous mes suffrages. Nous aurons l’occasion d’en débattre, et il s’agira, après tout, d’une discussion saine et nécessaire.

Le plan qu’a présenté le Gouvernement s’élève à 45 milliards d’euros de mesures d’urgence immédiates, auxquels s’ajoutent 300 milliards de garanties apportées par l’État sur les prêts consentis par les banques. Il ne s’agit pas de défendre les banques, il s’agit de faire en sorte que les entreprises puissent obtenir un financement pour continuer à vivre : 300 milliards de garanties données par l’État, c’est loin d’être négligeable ! L’ampleur du plan, si on le rapporte à la population, correspond à la norme de ce que pratiquent nos voisins allemands ou d’autres pays comparables. Nous mettons beaucoup de forces en œuvre pour alimenter notre capacité à surmonter la crise.

Je suis certain que vous serez d’accord avec moi sur ce point, madame la présidente Assassi : lorsque nous aurons réussi à passer la crise – car nous la passerons –, il faudra relancer la machine et faire repartir le corps économique. Faut-il parler en ce qui le concerne d’un arrêt cardiaque ou d’une interruption de la circulation sanguine ? Quoi qu’il en soit, cet effort de redémarrage sera certainement considérable. Il ne devra d’ailleurs pas être seulement national, même s’il aura évidemment une dimension nationale ; il devra aussi être coordonné aux niveaux européen et mondial. Bref, il y aura un champ considérable d’actions économiques collectives et publiques à mettre en œuvre.

Vous avez évoqué l’instrument des nationalisations. L’État est d’ores et déjà actionnaire d’un certain nombre de grands groupes qui lui paraissent stratégiques ou pour des raisons historiques, les deux n’étant pas incompatibles. Il n’a évidemment pas vocation à être actionnaire de toutes les entreprises françaises ou de toutes les entreprises qui exercent leur activité en France.

S’il fallait prendre des mesures pour veiller à l’outil industriel ou à l’outil économique dont la France est en partie ou complètement propriétaire, évidemment l’État le fera et prendra ses responsabilités.

S’il fallait intervenir – au-delà des entreprises dans lesquelles l’État est déjà actionnaire – soit par des prêts particuliers, soit par des prises de participation dans des entreprises que nous jugeons stratégiques et qui auraient été mises en difficulté par l’interruption de l’activité, voire menacées dans leur existence ou dans la répartition de leur capital par des interventions, par exemple étrangères, alors nous prendrons aussi nos responsabilités, comme l’a souligné le ministre de l’économie et des finances et comme je m’y suis engagé en tant que chef du Gouvernement. Nous avons bon espoir de pouvoir y parvenir et de faire en sorte que ces entreprises puissent repartir de l’avant lorsque la crise sera passée.

Nous n’excluons donc aucun mouvement, mais, compte tenu de l’ampleur des sujets, le fait d’annoncer par principe les interventions de l’État reviendrait à se condamner à ne pouvoir toutes les réaliser, vous le comprendrez aisément, madame la présidente Assassi.

En tout état de cause, nous serons extrêmement mobilisés. Je puis vous assurer que le ministère de l’économie et des finances suit d’un œil très attentif toutes ces questions pour déterminer où et quand il conviendra d’intervenir en fonction de la capacité desdites entreprises à passer cette période délicate et de leur caractère stratégique ou non pour le tissu productif national ou pour la souveraineté française.

Je vous ai répondu de manière générale, j’en ai conscience, dans des termes qui ne vous satisfont pas, car nous n’allons pas nationaliser l’ensemble de l’économie française ni même l’ensemble des entreprises industrielles.

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