Merci d'avoir organisé cette rencontre par visioconférence. Mes pensées vont naturellement vers ceux qui, parmi vos collègues sénateurs et vos collaborateurs, sont atteints par le Covid-19.
Mon action en tant que ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est actuellement centrée sur trois priorités : soutenir la recherche ; garantir la continuité pédagogique, qu'il s'agisse des formations, des examens ou des concours ; accompagner nos étudiants dans cette crise, sur le plan tant sanitaire que social.
Les scientifiques, dans les centres de recherche, les universités et les centres hospitaliers universitaires (CHU), sont pleinement mobilisés. Plus d'une cinquantaine d'équipes de recherche travaillent sur ce virus, notamment au sein du consortium multidisciplinaire REACTing, piloté par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
Dès le mois de février dernier, une vingtaine de projets de recherche ont été sélectionnés par REACTing. D'emblée, nous avons mobilisé 8 millions d'euros à cette fin. Il y a deux semaines, nous avons ajouté 50 millions d'euros à cette enveloppe afin de financer tous les projets utiles à la résolution de cette crise. Le réseau REACTing travaille en étroite collaboration avec l'ensemble des équipes mobilisées au niveau européen. L'Europe joue un rôle important, notamment par l'ouverture d'appels à projets.
Les chercheurs travaillent sur les molécules antivirales qui nous permettront de traiter la maladie. Trouver une nouvelle molécule prendra nécessairement du temps ; c'est pourquoi ils travaillent principalement à réorienter des médicaments existants, c'est-à-dire à les tester selon des procédures rigoureuses afin de vérifier leur efficacité contre le virus. C'est ainsi que se déroulent actuellement six essais cliniques, dont l'essai clinique européen « Discovery », et des recherches sur des traitements préventifs pour les soignants.
Nous savons aujourd'hui que les formes les plus graves de Covid-19 entraînent des réactions immunitaires très fortes dans l'organisme. C'est pourquoi les chercheurs travaillent aussi sur des immunomodulateurs, qui calment la réponse immunitaire grâce à des anticorps monoclonaux : c'est l'objet de l'essai clinique « Corimmuno ».
L'enjeu est de permettre aux soignants de déterminer la meilleure des stratégies thérapeutiques sur la base de protocoles éprouvés et loin de toute analyse subjective.
La recherche est également mobilisée pour éclairer la décision publique. Un comité scientifique, présidé par le professeur Delfraissy, doit faire au Gouvernement des propositions relatives aux décisions de politiques publiques générales. Un comité d'analyse, de recherche et d'expertise, présidé par le professeur Barré-Sinoussi, est chargé de donner un avis scientifique sur les différents projets de traitements, de détection ou de tests, et d'analyser la littérature scientifique produite dans le monde. Nous avons d'ailleurs décidé de placer toutes nos données et tous nos résultats en accès ouvert, afin que l'ensemble de la communauté scientifique puisse en bénéficier. De plus en plus de pays font de même.
En parallèle, plusieurs projets conduits dans le cadre de REACTing ont vocation à mieux comprendre le virus, son histoire naturelle, ses modes de transmission, de l'animal vers l'homme, mais également au sein de la population. Des équipes en sciences humaines et sociales travaillent sur la diffusion territoriale du virus ou sur la propagation des fausses informations, dont les conséquences sanitaires peuvent être lourdes dans les circonstances actuelles.
Enfin, qu'il s'agisse de l'Institut Pasteur, de l'Inserm ou du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de très nombreux laboratoires sont engagés dans la recherche d'un vaccin, sur lequel nous espérons réaliser les premiers tests d'ici à la fin de l'année. C'est fondamental pour de nombreuses régions du monde dans lesquelles le Covid-19 commence à se propager et qui auront besoin d'un vaccin efficace ; de plus, rien ne nous protège d'un retour saisonnier de l'épidémie.
La crise sanitaire que nous traversons illustre plus que jamais à quel point nous avons besoin de renforcer le lien entre la science et la société. Elle démontre aussi à quel point nous devons porter une ambition pour notre recherche scientifique. C'est d'ailleurs le fait que le consortium REACTing existe en continu, même en dehors de toute crise épidémique, qui nous a permis de mobiliser des équipes dès le mois de janvier, et de formuler les premières propositions de recherche dès le mois de février.
Le Président de la République a annoncé un effort budgétaire de 5 milliards d'euros pour notre recherche, en plus des 15 milliards d'euros qui y sont actuellement consacrés. Cela correspond à un flux d'investissement de 25 milliards d'euros sur les dix prochaines années.
Ma responsabilité, en tant que ministre, est aussi de veiller à la continuité du service public de l'enseignement supérieur. Dès le 13 février dernier, nous avons travaillé, avec les conférences d'établissements, les représentants du personnel et les organisations étudiantes, à chercher des solutions pour permettre aux étudiants de suivre leurs formations à distance.
Les établissements ont mobilisé leurs environnements numériques de travail afin de permettre aux enseignants de poursuivre leurs cours, d'envoyer du contenu écrit et de conserver le lien avec leurs étudiants, y compris en visioconférence, parfois à un rythme très soutenu. Nous avons également mis à disposition la plateforme Fun MOOC de manière à ce que les étudiants comme leurs enseignants puissent y trouver des ressources et des contenus, utiliser la plateforme pour donner des cours en ligne, ou y déposer des cours qui puissent être partagés entre plusieurs établissements. À ce jour, les remontées des conférences d'établissements sont plutôt positives et la bascule du présentiel vers le distanciel s'est bien passée.
Naturellement, les étudiants ne doivent pas être pénalisés par la situation actuelle et nous essayons de maintenir les grandes articulations du calendrier universitaire. À cette fin, vous avez habilité le Gouvernement, dans la loi d'urgence sanitaire, à prendre des ordonnances, notamment pour permettre aux écoles et aux universités de changer leurs modalités de contrôle des connaissances dans un cadre procédural plus souple. Cela nous permet de basculer les examens en ligne ou en contrôle continu, de reporter des concours et de neutraliser les notes de stage lorsque les étudiants n'ont pas pu terminer leur stage.
Vous avez été nombreux à être interpellés sur les questions liées aux examens nationaux, aux concours et au calendrier de Parcoursup.
Pour Parcoursup, changer le calendrier dans les circonstances actuelles susciterait surtout de la confusion. Le calendrier de la procédure nationale demeurera le même, mais nous traiterons avec bienveillance les dossiers qui devraient être finalisés après l'échéance du 2 avril pour les candidats qui seraient entravés parce qu'ils sont en zone blanche ou qu'ils ne disposeraient pas d'outils informatiques.
Les concours post-bac seront, pour l'essentiel, basculés en examen sur dossier via Parcoursup. La plateforme fonctionne, les équipes sont au travail et le calendrier de préparation de la prochaine rentrée sera tenu.
Pour les concours post-prépa et ceux qui sont organisés par les formations en santé, notamment la première année commune aux études de santé (Paces) et les examens classants nationaux (ECN), nous avons opté pour un report. En effets, ces concours ou examens nationaux nécessitent des épreuves écrites qui ne pourront pas être organisées de manière satisfaisante en avril et mai. J'ai confié à Caroline Pascal, la doyenne de notre inspection générale, la présidence d'un comité de pilotage chargé de réorganiser le calendrier et les modalités de ces concours, principalement en juin et juillet prochains. Nous afficherons dès que possible sur le site du ministère une information actualisée pour l'ensemble des candidats, chaque école se chargeant ensuite de donner des informations spécifiques.
Au-delà des questions pédagogiques, accompagner et soutenir les étudiants dans la crise actuelle, c'est aussi faire attention à leur santé. Le 13 mars dernier, nous avons invité tous les étudiants qui le pouvaient à regagner leur domicile familial, ou principal. Un grand nombre d'entre eux, néanmoins, se sont confinés au sein de leurs résidences étudiantes : ils sont un peu plus de 62 000 dans ce cas. Pour faire face à cette situation, notamment sur le plan sanitaire, j'ai pris un décret permettant aux services de santé des universités, en liaison avec les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), les rectorats, les agences régionales de santé (ARS) et les centres de santé de proximité, d'assurer le suivi sanitaire des étudiants restés en résidence étudiante. Il s'agit à la fois de les informer et d'identifier ceux qui seraient malades ou qui rencontreraient des problèmes de santé liés au Covid-19 ou à d'autres formes de pathologies. Nous avons mobilisé à cette fin les organisations étudiantes, les services de santé universitaires, mais aussi les étudiants en médecine. Une attention particulière est apportée à la prévention des risques psychosociaux pendant ces semaines de confinement.
Sur le plan social, nous avons pris des mesures pour accompagner les étudiants selon leur situation. Les étudiants salariés dont l'activité est suspendue du fait du confinement peuvent, comme tout salarié dans une situation identique, bénéficier de la mesure de chômage partiel mise en place par le ministère du travail. Les étudiants auto-entrepreneurs sont également éligibles aux dispositifs de soutien mis en oeuvre par le ministère de l'économie et des finances. Pour les étudiants qui sont attachés temporaires de vacation - ce sont souvent des doctorants -, leurs contrats seront maintenus, ainsi que leur paie, pendant toute la durée du confinement. Les bourses sur critères sociaux sont évidemment maintenues.
Plus largement, avec les conférences d'établissements, nous avons décidé de mettre le produit de la contribution vie étudiante et de campus (CVEC) à la disposition des établissements pour fournir des aides sociales aux étudiants qui en ont besoin, qu'ils soient déjà boursiers ou non. Que ce soit par la distribution de bons d'achat alimentaire ou électronique ou par des aides financières directes, nous souhaitons permettre à tous les étudiants qui en ont besoin de trouver un appui et une aide pendant la crise sanitaire. J'ai aussi déplafonné la part du Fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE) pouvant financer des aides sociales. J'ai également décidé de redéployer 10 millions d'euros à destination des aides d'urgence opérées par les Crous. Ces aides pourront être ouvertes aux étudiants qui ont perdu leur gratification de stage ou qui ne sont pas concernés par le chômage partiel. Nous tâchons de travailler sur le périmètre le plus large possible, car aucun étudiant ne doit être laissé dans une situation difficile.