Intervention de Elisabeth Borne

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 2 avril 2020 à 15h00
Audition de Mme élisabeth Borne ministre de la transition écologique et solidaire

Elisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire :

Monsieur le président, je vous remercie d'avoir organisé ce temps d'échanges. Dans les secteurs dont j'ai la charge, il n'est pas rare de connaître des crises, mais cette crise-là est inédite à la fois dans sa dimension et ses modalités de sortie.

Derrière cette crise sanitaire se dessine une crise économique, financière et sociale sans précédent dont il faudra tirer les conséquences et vos retours du terrain me seront précieux.

S'agissant des secteurs dont j'ai la charge, les services essentiels sont aujourd'hui assurés : distribution de l'eau, de l'électricité, du gaz, collecte des déchets et des ordures ménagères, approvisionnement des magasins d'alimentation. Je veux rendre hommage aux salariés de ces secteurs, qui continuent à être sur le terrain.

Mon rôle, aux côtés de mes secrétaires d'État, est de veiller à la continuité de ces activités et de protéger les salariés. Dans chacun de ces secteurs, les employeurs ont à réfléchir aux organisations de travail à mettre en place pour assurer la continuité de leurs activités tout en veillant à la protection de leurs salariés. Nous veillons à ce que les équipements de protection individuelle soient disponibles. Le contexte particulier de l'épidémie peut exiger de recourir à des protections lorsque la distance minimale d'un mètre entre deux personnes ne peut pas être garantie, ce qui est le cas par exemple dans les centres de commande des centrales nucléaires.

Ces mesures de protection étaient prévues dans les plans de continuité d'activité (PCA) des opérateurs d'importance vitale et de services essentiels à la vie de la Nation.

Certains disent qu'il faudrait uniquement maintenir l'activité des secteurs essentiels. Or il faut tenir compte de l'interdépendance des différents secteurs. Par exemple, les rubans adhésifs sont indispensables pour fermer les cartons contenant les produits destinés aux hôpitaux ou autres magasins ! Autre exemple, récemment, la présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) soulignait les difficultés que cause la fermeture des cimenteries, qui se servent des farines animales comme combustible.

Nous avons donc besoin de la mobilisation de tous nos concitoyens dans le respect du confinement, de ceux qui peuvent télétravailler et de ceux qui peuvent être sur le terrain.

S'agissant des transports de voyageurs nous avons, en vue de réduire les déplacements de longue distance, réduit l'offre. Ainsi, seuls 6 % des TGV circulent aujourd'hui. Le transport aérien, quant à lui, est quasiment à l'arrêt ; seuls sont assurés les vols de rapatriement de nos compatriotes bloqués à l'étranger et les vols permettant d'approvisionner les personnels soignants en matériel.

Le transport de marchandises est mis à rude épreuve puisque toutes les chaînes logistiques ont dû être réorganisées. Je pense en particulier à l'approvisionnement des commerces alimentaires. De même, pour assurer des conditions de travail décentes aux salariés des entreprises de transport routier, nous avons fait rouvrir un certain nombre de stations-service. Ce secteur est d'ailleurs en train de mettre en place une charte de bonnes pratiques négociée entre les syndicats patronaux et de salariés. Nous avons pris un certain nombre de mesures relatives à l'hygiène dans ce domaine.

Dans le secteur de l'énergie, la production et l'approvisionnement se poursuivent normalement. Je suis attentive aux conséquences à très long terme de cette crise sur ce secteur. J'ai rencontré ou rencontrerai prochainement les représentants des filières de l'énergie nucléaire, du gaz, des énergies renouvelables et de la production de chaleur et de pétrole. Nous exerçons une vigilance particulière sur le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), qui est indispensable notamment à la maintenance des centrales nucléaires et des éoliennes.

Un travail est en cours avec les entreprises du secteur pour que les chantiers puissent être poursuivis, notamment ceux qui sont indispensables au maintien des services essentiels, évidemment dans le respect de la sécurité des salariés.

S'agissant du paiement des factures d'énergie, la loi d'urgence du 23 mars dernier a prolongé la trêve hivernale jusqu'au 31 mai, ce qui permet d'interdire les coupures pour tous les consommateurs et la limitation de puissance pour les consommateurs bénéficiant du chèque énergie. Des dispositions similaires ont été prises pour les entreprises qui sont éligibles au fonds de solidarité, avec interdiction des coupures et de la baisse de puissance. Il est également prévu d'étaler le paiement de leurs factures sur une période d'au moins six mois après la fin de l'état d'urgence.

S'agissant des projets d'énergies renouvelables, nous accordons des délais supplémentaires pour les travaux de raccordement, sans perdre de vue nos objectifs en matière de transition énergétique.

La production de déchets, quant à elle, est inférieure à ce qu'elle est en période normale, notamment en raison d'une moindre production de déchets issus des activités économiques : la production de déchets industriels a baissé de 50 % et celle des déchets de chantier de 80 %. Le Syndicat mixte central de traitement des ordures ménagères d'Île-de-France (Syctom) indique que la collecte des ordures ménagères a diminué de 25 %. Celle-ci, en tout cas, est maintenue sur l'ensemble du territoire.

Pareillement, le volume des déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri) a augmenté, en particulier dans les régions les plus touchées comme le Grand Est et l'Île-de-France, mais leur collecte et leur traitement sont assurés. Avec Brune Poirson, nous faisons un point régulièrement avec les acteurs de la filière pour les accompagner pendant cette période de crise, afin qu'ils puissent continuer à exercer cette activité essentielle pour la salubrité publique. Par exemple, nous avons communiqué sur les bons gestes à faire pour l'élimination des mouchoirs, gants et masques, qui ne doivent pas être jetés dans les bacs jaunes. C'est important pour les agents qui sont chargés de la collecte et du tri de ces déchets. Nous avons également indiqué que le dépôt de déchets en point d'apport volontaire faisait partie des sorties autorisées. Il faut maintenir la collecte du verre pour assurer la continuité des fours verriers.

À ce jour, 60 % des centres de tri sont en activité et il importe de maintenir leur activité pour l'alimentation des chaînes de production en papier, carton et plastique recyclés, eux-mêmes nécessaires pour le secteur agroalimentaire.

On n'enregistre pas de difficulté non plus dans la continuité des activités de traitement de l'eau. Avec Emmanuelle Wargon, nous sommes en contact avec les acteurs du secteur pour répondre à leurs préoccupations et nous assurer qu'ils anticipent bien les difficultés. Ils ont notamment demandé à bénéficier de facilités de paiement des redevances aux agences de l'eau. Nous sommes en train de répondre à cette demande. De plus, nous avons veillé à ce que la loi d'urgence permette de répondre à plusieurs de leurs inquiétudes, notamment l'adaptation de certains délais en matière d'autorisation environnementale, dans la transmission de données ou dans la conduite des marchés publics.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a rendu un avis sur l'épandage des boues de stations d'épuration : elle préconise de ne répandre que les boues hygiénisées. Des instructions ont été adressées aux préfets pour mettre en oeuvre cette recommandation.

Des facilités de paiement des factures d'eau potable pour les petites entreprises en difficulté ont été accordées, certaines d'entre elles ayant vu leur chiffre d'affaires baisser de façon significative.

Enfin, les collectivités locales sont des partenaires essentiels de l'État dans cette période de crise, et nous associons systématiquement leurs associations représentatives aux décisions. Elles sont en première ligne dans la fourniture de tous ces services essentiels (eau, gestion des déchets, mobilité). Il faut les aider à adapter leurs modes de fonctionnement en tenant compte des consignes de sécurité sanitaire. Par exemple, saisie par mon ministère, l'Anses a indiqué qu'il n'y avait pas d'exigence supplémentaire par rapport aux règles habituelles concernant les équipements de protection dans les stations d'épuration et d'assainissement.

Nous nous assurons également que les grands opérateurs, entreprises privées comme régies, aident les différents opérateurs à s'équiper en moyens indispensables de protection individuelle.

Enfin, les collectivités locales ont un rôle important, en tant que donneuses d'ordres, pour soutenir la vie économique et les entreprises locales. Nous avons élaboré un guide de bonnes pratiques destiné au secteur du BTP pour permettre de relancer les chantiers urgents, pour continuer à assurer la maintenance des réseaux, les mises en sécurité et réparations indispensables.

On peut donc saluer le professionnalisme et l'engagement de tous ces salariés grâce auxquels la vie économique de notre pays se poursuit, dans le respect de leur sécurité.

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