Dans cette épreuve, nous sommes tous mobilisés pour le soutien aux soignants et aux familles endeuillées, mais nous avons aussi la responsabilité de permettre que la vie économique se poursuive dans le respect des règles du confinement, pour que les Français puissent continuer à vivre.
Je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, pour les remontées de terrain précieuses que vous m'avez adressées, s'agissant des difficultés sociales, économiques ou administratives rencontrées par nos concitoyens. Cela s'inscrit en complémentarité des échanges téléphoniques que j'ai tous les deux jours avec les partenaires sociaux et les fédérations professionnelles des différents secteurs économiques. Il est important de prendre le pouls du terrain pour adapter les mesures que nous prenons.
Permettez-moi de saluer tous les agents de mon ministère pour leur mobilisation ainsi que l'ensemble des fonctionnaires du Sénat, qui ont réalisé un travail considérable en un temps extrêmement contraint lors de l'examen du projet de loi d'urgence et qui vous accompagnent dans le suivi de l'exécution de ces mesures.
Je ferai d'abord un rapide état des lieux des textes réglementaires déjà pris et à prendre dans les tout prochains jours, puis je reviendrai plus longuement sur les trois éléments majeurs déployés pour assurer la protection économique, sociale et sanitaire des actifs et de notre tissu entrepreneurial : le chômage partiel, les mesures de protection et la conciliation de l'impératif de santé et de sécurité des travailleurs avec la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique de la Nation.
Dans le champ du travail, neuf ordonnances ont été prises en moins de dix jours à compter de la promulgation du projet de loi d'urgence : une ordonnance en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos ; une ordonnance adaptant temporairement les conditions et les modalités d'attribution du « complément employeur » en matière de maladie pour les parents ; une ordonnance prolongeant les droits à assurance chômage des demandeurs d'emploi ; une ordonnance portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle - ou chômage partiel ; une ordonnance modifiant la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat ; une ordonnance adaptant les conditions d'exercice des missions des services de santé au travail à l'urgence sanitaire ; une ordonnance portant mesures d'urgence en matière de formation professionnelle ; une ordonnance relative au report du scrutin de mesure de l'audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés et à la prorogation des mandats des conseillers prud'hommes ; enfin, une ordonnance portant mesures d'urgence relatives aux instances représentatives du personnel.
Deux décrets sont parus : le premier, relatif à l'activité partielle, sera complété par un autre décret afin de prendre en compte des nouveaux publics, et le second portera modification du décret du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage.
Des décrets sectoriels seront également pris afin de permettre de déroger à la réglementation relative au temps de travail.
D'autres décrets, dont les plus urgents seront pris dans les prochains jours, concernent les modalités pratiques de l'activité partielle pour certains publics - VRP, personnels navigants... -, l'assurance chômage, les missions des services de santé au travail, les modalités de réunion du comité social et économique (CSE) à distance et le complément employeur des indemnités journalières.
La publication de ces textes, gage de sécurisation juridique des engagements pris pour éviter les défaillances d'entreprises et protéger l'emploi et les actifs, s'accompagne d'un travail considérable de communication de mon administration.
J'en viens aux mesures de protection. Parmi les mesures prises pour éviter les défaillances d'entreprises et les aider à garder les compétences, le Gouvernement opère une refonte profonde du système d'indemnisation d'activité partielle, qui devient le plus protecteur d'Europe.
Le 6 avril 2020, en raison du coronavirus, 637 000 demandes d'autorisation préalable d'activité partielle avaient été déposées par 544 000 entreprises. Ces demandes concernent 5,8 millions de salariés, pour un total de 2,4 milliards d'heures chômées.
Nous avons mis en place ce système puissant et inédit afin de sauver des millions d'emplois et de permettre aux entreprises de rebondir plus vite en ayant conservé leurs compétences. Cette refonte repose sur trois axes majeurs.
Le premier est le basculement vers un système de prise en charge proportionnelle. En effet, l'allocation versée par l'État à l'entreprise n'est plus forfaitaire, mais proportionnelle à la rémunération des salariés placés en activité partielle. Le salarié reçoit 100 % de son salaire net s'il est au SMIC ou en dessous et 84 % de son salaire net s'il est au-dessus. Les entreprises seront remboursées par l'État à 100 % de ces sommes, dans la limite de salaires équivalent à 4,5 fois le SMIC. La plupart des entreprises qui ont recours à ce dispositif ont moins de cinquante salariés.
Le deuxième axe est l'élargissement considérable des publics éligibles. Il s'agit en particulier des assistantes maternelles et des employés à domicile, des salariés au forfait jours ou des salariés, comme les chauffeurs, qui ont une durée légale du travail supérieure à 35 heures.
Par ailleurs, nous protégeons mieux certains salariés, notamment les salariés à temps partiel en leur assurant le SMIC au prorata de leur durée du travail, les apprentis et les salariés en contrat de professionnalisation en leur assurant un maintien intégral de salaire, les saisonniers, notamment ceux des remontées mécaniques, et les salariés employés par une entreprise dont le siège social n'est pas établi en France, dès lors que ces salariés sont affiliés au régime de sécurité sociale français.
Nous avons également allégé la procédure concernant les salariés protégés et simplifié les règles applicables en matière de charges sociales pour les indemnisations versées au salarié, y compris au-delà de 70 % du salaire brut.
Enfin, nous incitons davantage les entreprises à organiser des formations pendant la période d'activité partielle : le Fonds national de l'emploi (FNE) prendra intégralement en charge les formations, notamment à distance.
Beaucoup de questions vous ont été posées s'agissant des critères d'éligibilité, des démarches à effectuer et des délais de paiement. Les critères sont clairement explicités dans l'infographie mise en ligne sur le site du ministère du travail. Toutes les entreprises qui connaissent une baisse d'activité sont éligibles.
Par ailleurs, et c'est le troisième axe de la refonte du système d'indemnisation de l'activité partielle, les démarches ont été considérablement simplifiées. Après quelques jours de difficultés, la refonte totale du système informatique a permis, depuis le 2 avril, de renforcer considérablement la capacité de traitement des dossiers.
Nous accordons un délai de trente jours à compter du placement des salariés en activité partielle pour déposer la demande, avec effet rétroactif. L'absence de réponse au bout de 48 heures vaut acceptation tacite de l'administration. Nous assurons des délais de remboursement des entreprises entre sept et dix jours, point essentiel pour les petites entreprises. Enfin, si nous avons fait le choix de la confiance a priori, nous mettrons en place des contrôles a posteriori.
Les indépendants, professions libérales et collaborateurs de professions libérales bénéficieront quant à eux du fonds de solidarité. Créé mercredi dernier, ce fonds bénéficie déjà à 622 000 chefs de très petites entreprises (TPE) et professionnels indépendants.
J'en viens à la protection des plus vulnérables. Nous avons pris cinq séries de mesures pour protéger les chômeurs les plus précaires. Tous les chômeurs en fin de droits bénéficieront au mois d'avril du prolongement de leurs droits du mois de mars. Tous les intermittents qui arrivaient en fin de droits continueront de toucher des indemnités jusqu'à la fin de la période de confinement, et celle-ci sera neutralisée dans le calcul des droits. Les intérimaires bénéficient automatiquement du chômage partiel jusqu'à la fin de leur contrat, qu'ils exercent encore leur activité ou non. Pour les saisonniers, le bénéfice automatique du chômage partiel a été prolongé au moins jusqu'au 15 avril, et au-delà si la durée de leur contrat le prévoyait, même s'ils n'ont plus de travail. Enfin, pour tous les chômeurs, la période de confinement sera neutralisée dans le calcul des droits.
Je souhaite enfin revenir sur la conciliation entre l'impératif de santé et de sécurité des travailleurs et la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique. Tous ceux qui travaillent doivent être protégés. Je ne transigerai pas sur leur protection et leur santé.
Protéger les salariés et travailler autrement doivent aller de pair. Les entreprises sont donc invitées à revoir leur organisation du travail afin de mettre en place les gestes barrières et de permettre l'application des règles de distanciation. Le dialogue social est évidemment la clé pour trouver ces réponses.
Pour garantir cette sécurité, nous élaborons avec les experts de chaque secteur des guides de bonnes pratiques. Un guide général et quatorze guides métier ou sectoriels ont déjà été publiés. Ils concernent par exemple les hôtes et hôtesses de caisse, la boulangerie, les chauffeurs-livreurs, le travail agricole, les saisonniers, la filière bois, le BTP...
Les services de santé au travail assurent le suivi médical de 16 millions de salariés. Nous avons recentré temporairement leurs missions sur la diffusion des mesures de prévention, l'appui aux entreprises dans la mise en oeuvre de ces mesures et l'accompagnement des entreprises amenées à accroître ou à adapter leur activité.
Certaines interventions des médecins du travail pourront être reportées pour privilégier les visites d'embauche ou de contrôle pour les salariés affectés à des postes à risque.
Enfin, les médecins du travail pourront être autorisés à prescrire des arrêts de travail en lien avec l'épidémie de Covid-19 et à procéder aux tests de dépistage du virus.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous faisons face à une crise sanitaire inédite dont les répercussions économiques et sociales sans précédent appellent des moyens exceptionnels. Notre détermination est totale pour répondre aux besoins de tous : entreprises, petites ou grandes, salariés, apprentis, salariés à temps partiel, chômeurs, intérimaires. Nous mettons tout en oeuvre pour les protéger des conséquences économiques et sociales de la crise, quoi qu'il en coûte, pour éviter les défaillances d'entreprises, les vagues de licenciements massifs, permettre aux entreprises de garder les compétences et, finalement, investir dans l'avenir.