Intervention de Muriel Pénicaud

Commission des affaires sociales — Réunion du 7 avril 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme Muriel Pénicaud ministre du travail

Muriel Pénicaud, ministre :

Avant la crise, l'Unédic finançait un tiers du montant des allocations d'activité partielle et les deux tiers restants étaient à la charge de l'État. Nous allons pérenniser cette répartition prochainement dans une convention. Par ailleurs, l'État continuera de garantir la dette de l'Unédic.

Si toutes les entreprises qui en ont obtenu l'autorisation utilisaient pleinement le chômage partiel pendant trois mois, le coût s'élèverait à 19,6 milliards d'euros. Ce montant est très évaluatif, car on ne sait pas quelle sera la durée réelle du recours à ce dispositif. Le coût sera élevé, mais c'est un investissement de la Nation pour éviter que des contrats de travail soient rompus et permettre aux entreprises de repartir plus rapidement demain. Il s'agit d'éviter une catastrophe.

Toutes les dispositions que nous prenons ont a priori un caractère exceptionnel. Pourrait-on envisager de pérenniser un tel niveau de remboursement du chômage partiel ? Pour l'instant, nous sommes concentrés sur les mesures d'urgence.

Nous avons fait le choix de la confiance a priori et du contrôle a posteriori. Sans cela, nous aurions eu une vague de licenciements. Dans certains secteurs faisant l'objet de mesures de fermeture administrative, les contrôles seront très faciles. Dans d'autres cas, nous effectuerons des contrôles aléatoires, et nous diligentons des contrôles lorsque nous avons des signalements par des salariés. Nous communiquons pour éviter les erreurs et les fraudes, notamment par rapport au télétravail, mais les cas de fraude qui ont été relayés par les médias sont minoritaires.

Nous avons demandé aux 1 000 centres de formation d'apprentis de consacrer tous leurs efforts à la formation à distance. Ils se sont massivement mobilisés, si bien que 92 % des apprentis continuent de suivre leur formation à distance. Cela permettra peut-être demain d'alléger la partie présentielle des formations, notamment pour les jeunes en milieu rural.

Depuis la semaine dernière, nous proposons avec Pôle emploi des formations gratuites et rémunérées aux demandeurs d'emploi. Par ailleurs, le FNE formation financera à 100 % les formations des salariés en chômage partiel, et 150 organismes de formation ont décidé de rendre l'ensemble de leurs formations à distance disponibles gratuitement pendant le confinement. Enfin, 100 000 formations à distance sont disponibles sur le site Mon compte formation. C'est l'occasion de changer d'échelle en matière de formation à distance.

La situation actuelle aura des incidences sur le rapport au travail, sur le sens du travail et sur la manière de travailler. En juillet 2017, vous aviez voté la création d'un droit au télétravail. Nous savons que, aujourd'hui, 8 millions de salariés sont susceptibles d'être en télétravail, et, même si nous ne disposons pas encore des chiffres exacts, je pense qu'un grand nombre d'entre eux le sont. C'est une manière de réduire les transports.

Le ministère de l'économie et des finances est mobilisé sur le sujet de la médiation bancaire. En huit jours, 100 000 entreprises ont demandé 20 milliards d'euros de prêts. Un tiers des petites et moyennes entreprises (PME) de plus de cinquante salariés ont demandé le report de leurs charges sociales et fiscales pour le mois d'avril, ce qui représente 4,5 milliards d'euros. Par ailleurs, de nombreux litiges interentreprises, relatifs notamment au paiement de fournisseurs par les PME, mobilisent le médiateur des entreprises.

S'agissant des réserves émises par la sécurité sociale sur le fonds de solidarité des indépendants, je ne peux vous répondre faute d'éléments, ce dossier relevant du ministère de l'économie et des finances.

De même, concernant nos concitoyens placés sous tutelle ou curatelle, je vous renvoie vers le ministère des solidarités et de la santé. De manière générale, nous veillons à ce que tous les minima sociaux soient versés dans les temps.

L'inspection du travail est aujourd'hui mobilisée en particulier sur la santé et la sécurité des travailleurs. Cela n'exclut pas le contrôle du recours au chômage partiel, mais il s'agit d'un contrôle sur pièces plutôt que sur place. Nous avons mis en demeure quelques entreprises qui n'avaient pas pris les mesures nécessaires à la protection des salariés alors que d'autres entreprises du même secteur les avaient prises. Le contrôle est nécessaire pour éviter tout dérapage, ne serait-ce que d'une minorité. Par ailleurs, nous encourageons l'inspection du travail à développer un rôle de conseil. Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) répondent de fait à de nombreuses questions des entreprises pour la mise en oeuvre du chômage partiel.

Bruno Le Maire a indiqué que les entreprises qui sont dans l'incapacité de livrer à temps des chantiers ou des prestations pour l'État pourront invoquer le cas de force majeure. Les collectivités sont d'ailleurs invitées à faire de même. La notion de force majeure n'est toutefois pas reconnue en droit du travail et ne saurait justifier la rupture d'un contrat de travail.

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