Intervention de Muriel Pénicaud

Commission des affaires sociales — Réunion du 7 avril 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme Muriel Pénicaud ministre du travail

Muriel Pénicaud, ministre :

Je vous remercie de vos questions, qui montrent l'importance de ces sujets et votre engagement.

Il est clair que les TPE sont très impactées en termes de trésorerie. Les questions relatives aux banques et au fonds d'urgence relèvent du ministre de l'économie et des finances. Je peux juste vous dire que ce sont des sujets de préoccupation et que des pressions sont exercées sur tout le système bancaire afin qu'il joue son rôle auprès des TPE-PME, compte tenu des garanties apportées par l'État. C'est une priorité absolue.

Sur les nationalisations, nous ne sommes pas fermés dans l'immédiat. Si des entreprises cotées étaient en difficultés et risquaient d'être rachetées par des groupes étrangers, nous verrions le moment venu. Ce sujet relève lui aussi du ministre de l'économie et des finances.

Pour l'instant, les cotisations de sécurité sociale sont reportées, pour un montant de 4,5 milliards d'euros. Il n'y a donc pas de cotisations manquantes. Toute exonération devra faire l'objet de discussions.

Vous avez raison d'insister sur la protection effective des salariés. Les guides de bonnes pratiques sont récents, celui sur le secteur du bâtiment date de vendredi dernier. Il appartient désormais aux organisations syndicales et patronales, en plus du ministère du travail, de les diffuser afin qu'ils ne puissent plus être ignorés. La plupart des enseignes de la grande distribution ont mis en oeuvre les recommandations du guide, notamment les protections en plexiglas, mais pas toutes. Un hypermarché et un supermarché ont ainsi été mis en demeure et devront fermer dans un ou deux jours si ces recommandations ne sont pas respectées, afin de ne pas mettre en danger la vie des salariés. Un guide pour les agents de sécurité et les travailleurs à domicile sera publié dans les jours prochains.

Madame Jasmin, il est vrai que l'approvisionnement en matériel pose problème. Mme Agnès Pannier-Runacher travaille quasiment à plein temps sur la question de la production par les entreprises de gel hydroalcoolique, de masques de différents types. Il faut que ces matériels arrivent sur tout le territoire, en Guadeloupe comme ailleurs.

Les masques à usage professionnel ne peuvent en aucun cas être des masques artisanaux. Tous les masques à usage professionnel, y compris les masques en tissu en cours de fabrication ou de commande à l'étranger, sont homologués de façon interministérielle et sont d'une qualité quasiment équivalente à celle des masques chirurgicaux.

Nous sommes en effet en pleine saison de récolte de la canne à sucre. Un guide sur le travail agricole a été publié sur le site du ministère du travail. C'est très important pour sécuriser les salariés, mais aussi les employeurs.

La question des travailleurs indépendants qui pourraient ne pas bénéficier des aides parce qu'ils ne sont pas à jour de leurs cotisations relève du ministère de l'économie et des finances. Je vais leur transmettre la question.

Madame Berthet, je vous confirme que, si les mesures habituelles et obligatoires en termes de sécurité, ainsi que les recommandations figurant dans les guides de bonnes pratiques, sont respectées, l'entreprise a fait son devoir. Elle n'est pas en risque, et le salarié non plus. Dans le secteur du bâtiment, depuis la publication du guide, des entreprises discutent avec leurs salariés des modalités de reprise de l'activité. Ces guides sont importants ; ils sont rassurants, car ils permettent de savoir comment procéder.

La non-délivrance des extraits de casier judiciaire relève du ministère de la justice. Je lui transmettrai la question.

S'agissant du chômage partiel, une entreprise n'ayant pas encore demandé son remboursement doit néanmoins indemniser ses salariés. Les indemnités auraient donc dû être versées à la fin du mois. Il n'est pas question que le salarié fasse l'avance du chômage partiel.

Madame Féret, c'est le ministère de la santé qui indiquera à quel moment seront effectués les tests et par qui. Cela suppose de disposer des tests, mais également des équipements de protection.

Nous allons nous assurer avec le ministère de la santé que le secret médical sera bien respecté lorsqu'un arrêt sera délivré par un médecin du travail. Cela étant dit, le plus important est que les malades du covid-19 soient détectés et mis en congé maladie le plus vite possible et que leur entourage soit confiné afin d'éviter la propagation du virus.

Madame Cohen, vous avez posé plusieurs questions sur la santé au travail. Il y a quelques mois, je vous disais que l'une de mes réformes importantes en 2020 porterait sur la santé au travail. Nous étions tous conscients des manques, notamment dans les TPE-PME, et des nombreuses vacances de postes. C'est un problème non pas d'argent, mais d'attractivité de la profession. Je ne pensais pas en vous disant cela que nous connaîtrions une crise épidémique. Des réformes structurelles seront nécessaires. Les négociations avec les partenaires sociaux sont pour l'heure reportées.

Tous les acteurs se mobilisent sur la question des médicaments.

Monsieur Lévrier, 150 nouvelles formations sont déjà en ligne sur le site de Pôle emploi. L'inscription se fait en ligne. Il suffit d'être enregistré comme demandeur d'emploi. Je n'ai pas de chiffres à vous communiquer, le dispositif étant nouveau, mais nous pourrons en reparler.

Je reviens sur le secteur du BTP. Certains chantiers sont interrompus du fait de donneurs d'ordres particuliers ou publics. Dans ce cas, les salariés concernés ont évidemment droit au chômage partiel. J'espère toutefois que le guide de bonnes pratiques va aider un certain nombre de collectivités territoriales à reprendre les chantiers, car elles se sentiront sécurisées.

Typiquement, les drive n'ont pas de raison d'avoir recours au chômage partiel, dès lors que leur activité peut se poursuivre et qu'ils ont des clients, à condition de protéger les salariés. La situation des Mc Donald's drive est en cours de contrôle.

Madame Meunier, les pouvoirs publics et les Urssaf ont bâti en un temps record un système pour les assistantes maternelles. L'employeur doit rémunérer son salarié au chômage partiel et sera remboursé dans quelques jours. J'indique que ce dispositif n'existait pas dans le droit il y a encore quinze jours. Je souligne une fois de plus à quel point les services sont sur le pont. Je n'aurais jamais pensé qu'il était possible de faire tout ce que nous avons fait en quinze jours ! Le même mécanisme est mis en place pour les emplois à domicile.

Les difficultés à remplir les télédéclarations ont été réglées chez Pôle emploi. L'actualisation, qui définit les droits, était à faire à la fin du mois. Seuls 10 % des demandeurs d'emploi se rendent habituellement dans les agences pour faire cette actualisation, car ils ne sont pas à l'aise avec l'outil informatique. Proactivement, Pôle emploi les a tous contactés par téléphone et a effectué la déclaration en ligne avec eux.

Madame Gréaume, des contrôles des entrepôts et des plateformes logistiques d'Amazon sont en cours. Amazon, comme tous les distributeurs en logistique, joue un rôle important, mais cela ne justifie pas de ne pas protéger les salariés. Quatre sites ont été mis en demeure de se mettre en conformité. Un contrôle sera effectué à l'issue du délai qui leur a été donné, dans un ou deux jours. À défaut, ces sites seront sanctionnés. Nous ne transigerons pas avec la santé des salariés.

Monsieur Daudigny, l'allongement de la durée du travail doit être exceptionnel et provisoire, dans des secteurs d'activité cruciaux. Conformément au droit européen, il sera possible de travailler 60 heures une semaine, mais la durée moyenne sur douze semaines ne pourra excéder 48 heures. Cela sera rappelé dans le décret. Ce n'est pas idéal, mais les médicaments vitaux doivent arriver dans les hôpitaux, les rayons ne peuvent pas être vides dans les supermarchés. Nous travaillons beaucoup avec les filières de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la distribution sur leur organisation. Je consulterai évidemment les partenaires sociaux avant de publier les décrets.

Comment seront contrôlées les personnes au chômage à mi-temps et en télétravail le reste du temps ? Nous avons déjà des signalements de fraude. Les entreprises doivent avoir conscience qu'il s'agit là de travail illégal. Nous effectuons un important travail sur cette question auprès des directeurs des ressources humaines des moyennes et des grandes entreprises et des experts-comptables des petites entreprises. Des contrôles auront lieu : les mails, les visioconférences les permettent. À ce stade, notre but est de faire de la prévention pour éviter ces situations.

Je reviens sur la société Amazon : c'est l'entreprise utilisatrice qui est responsable en droit des conditions de travail. Ici, c'est donc Amazon, et non pas la société d'intérim. Cela étant, nous travaillons avec les sociétés d'intérim, qui ont un grand sens des responsabilités sur ce sujet et qui font preuve d'exigence à cet égard.

Madame Lubin, les heures travaillées au-delà de 35 heures seront évidemment majorées.

Madame Taillé-Polian, la santé et la sécurité au travail sont au coeur du métier d'inspecteur du travail. Ce sont des priorités. La direction générale du travail est en train d'examiner la question des équipements.

Enfin, nous avons lancé avec la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (Fnsea), le ministère du travail et Pôle emploi l'opération « Des bras pour vos assiettes » afin de recruter des travailleurs. C'est la saison des asperges, des fraises et des semis, durant laquelle on fait habituellement appel à 200 000 saisonniers, dont 70 000 travailleurs détachés. Il n'y aura pas de travailleurs détachés cette année.

En quelques jours, nous avons reçu une petite dizaine de milliers d'offres. Il sera exceptionnellement permis à un salarié en chômage partiel de venir en aide aux agriculteurs et de cumuler deux activités pendant les quelques semaines à venir. Paradoxalement, 8 ou 10 millions de Français ne peuvent travailler alors qu'on manque de personnes dans certains secteurs. Des opérations coups de poing de cette nature seront également menées pour pourvoir les besoins en main-d'oeuvre dans les secteurs du transport et de l'agroalimentaire, toujours en protégeant les salariés.

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