Intervention de Nicole Belloubet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 9 avril 2020 à 16h00
Audition de Mme Nicole Belloubet garde des sceaux ministre de la justice sur les mesures prises dans le cadre de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je partage l'avis de Jean-Philippe Derosier : il faut agir, mais pas n'importe comment... Au ministère de la justice, nous agissons. Point !

Une personne en détention provisoire peut effectivement demander la mainlevée de cette mesure, mainlevée que le juge peut d'ailleurs accorder d'office. Je ne crois pas que la procédure soit plus complexe : il suffit du dépôt, par le détenu ou son avocat, d'un courrier au greffe du lieu de détention. Je ne connais pas le nombre exact de ces mainlevées, mais nous enregistrons actuellement de nombreuses demandes de mise en liberté, qui sont toutes examinées dans un délai à peine rallongé de quelques jours. En cas de recours, il y aura débat contradictoire devant la chambre de l'instruction. Les droits sont donc préservés, même s'ils ne s'exercent pas de la même manière durant cet état d'urgence sanitaire.

Je suis très sensible aux difficultés économiques rencontrées par les avocats, notamment par les petits cabinets. C'est pourquoi j'ai insisté auprès de mes collègues Muriel Pénicaud et Bruno Le Maire pour que les avocats soient insérés aux dispositifs de droit commun, avec, notamment, l'accès aux deux volets du Fonds de solidarité, l'intégration de leurs salariés au dispositif de chômage partiel, la prise en compte de la situation de leurs collaborateurs, le report des cotisations sociales, ainsi que la prise en charge des loyers ou autres fournitures. Les autres points relevant de cette profession sont examinés dans le cadre de la commission Perben, qui reprendra son activité dès que possible. J'ai conscience qu'il faut apporter des réponses.

Dans le cadre des plans de continuation de l'activité, entre 1 800 et 2 000 magistrats sont présents dans les juridictions et environ 6 000 magistrats sont en télétravail. Ils sont dotés d'ordinateurs portables et sont en mesure de travailler. La situation dans les greffes - 10 000 personnels en tout - est un peu différente : sont présents dans les juridictions 2 000 personnels, dont des greffiers, et l'équipement pour télétravailler est moindre. Mais, comme vous le savez, le ministère de la justice avait une « dette technologique » très importante, que nous sommes en train de rattraper à vive allure.

La question de la notification des décisions rendues est abordée dans une circulaire d'application diffusée le 26 mars. Il y est précisé que les décisions pourront être portées à la connaissance des parties par le greffe par tous moyens, notamment par courriel, ce qui ne dispensera pas d'une notification en bonne et due forme.

Deux ordonnances ont concerné les juridictions administratives : la première date du 25 mars et la seconde du conseil des ministres d'hier. Il fallait effectivement apporter quelques correctifs et précisions pour un fonctionnement optimal, notamment en permettant les visioconférences.

Le sujet des tribunaux de commerce est important à mes yeux, et je m'entretiens tous les dix jours, par audioconférence, avec l'ensemble des acteurs de la juridiction commerciale. Nous avons adapté les dispositions concernant les procédures collectives, de sorte que les tribunaux de commerce puissent fonctionner par des moyens audiovisuels et, quand c'est possible, accueillir les personnes souhaitant s'y rendre. L'activité est moindre - 250 ouvertures de procédures collectives depuis l'édiction de l'ordonnance, contre 1 000 environ par semaine en temps ordinaire -, mais ce premier chiffre n'est peut-être pas significatif. Les dispositions prises nous permettront de gérer un rythme proche de la situation antérieure. Néanmoins, nous voulons éviter un trop grand nombre d'ouvertures de procédures collectives qui n'auraient pas lieu d'être du fait des mesures d'accompagnement et entendons développer la procédure de conciliation afin que certaines entreprises, au sortir du confinement, ne tombent pas immédiatement sous le joug d'une procédure collective.

S'agissant des libérations anticipées, il est difficile de raisonner territoire par territoire, certains, comme l'Île-de-France, accueillant un nombre très élevé de détenus. Toutefois, la pratique pénale que j'ai définie est conduite de manière harmonisée par tous les juges de l'application des peines (JAP) et les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP).

Enfin, actuellement, les audiences de comparution immédiate ont baissé de 40 %. Nous ne constatons pas de reprise à la hausse, les comparutions immédiates constatées concernant la délinquance liée à la situation sanitaire et les phénomènes ne pouvant s'en abstraire.

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