Intervention de Sophie Joissains

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 9 avril 2020 à 16h00
Audition de Mme Nicole Belloubet garde des sceaux ministre de la justice sur les mesures prises dans le cadre de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19

Photo de Sophie JoissainsSophie Joissains :

Compte tenu de la situation sanitaire, le Gouvernement a autorisé des aménagements de peine afin de réduire le nombre de détenus : 8 000 condamnés en fin de peine sont sortis de prison. C'est une bonne chose, car le risque sanitaire est réel au vu de la surpopulation carcérale. Néanmoins, cela rend encore plus criante la justice expéditive réservée aux détenus présumés innocents, lesquels non condamnés, contrairement aux 8 000 détenus qui ont été libérés, restent privés de liberté de manière arbitraire et courent donc un risque. Parmi eux, il y a des innocents ! S'il est évidemment nécessaire de ne pas libérer ceux qui sont soupçonnés d'être dangereux, ne faudrait-il pas également envisager pour les autres une libération sous contrôle judiciaire ? Plutôt que d'allonger de plein droit les durées de détention, pourquoi ne pas prévoir une possibilité de prolongation exceptionnelle sous contrôle du juge judiciaire, garant d'une individualisation et d'un discernement essentiel dans ce domaine ?

Vous avez également annoncé la présentation d'une nouvelle ordonnance rectificative mercredi prochain. Le ministère de la justice compte-t-il prendre de nouvelles mesures applicables aux détentions provisoires ?

En ce qui concerne l'hospitalisation sans consentement pour les soins psychiatriques, le code de la santé publique prévoit l'intervention du juge des libertés et de la détention tout au long de la procédure. Il est la seule forme de recours dont bénéficie le patient, qui doit pouvoir le saisir à tout moment afin d'ordonner la mainlevée d'une mesure de soins psychiatriques. Il est prévu que le patient soit entendu à l'audience, sauf motif médical donnant lieu à un certificat attestant qu'il ne peut être auditionné. Cette audience peut se tenir soit à l'hôpital, soit au tribunal judiciaire. Cette disposition pose de nombreux problèmes. Je prendrai l'exemple d'un centre hospitalier du nord de la France. L'année dernière, le président du tribunal judiciaire a refusé que ce type d'audience ait lieu à l'hôpital, ce qui mobilise en temps normal deux agents. Les ordonnances relatives à l'adaptation du fonctionnement de la justice, sauf erreur de ma part, n'ont pas abordé la question spécifique des soins sans consentement. Le ministère de la santé a donc publié le 23 mars dernier des consignes et recommandations, lesquelles indiquent que les établissements doivent prendre contact avec la juridiction de leur ressort pour organiser les audiences du juge des libertés et de la détention de façon dématérialisée. Or le tribunal du ressort du centre hospitalier en question a indiqué que le recours à la visioconférence était prohibé et a proposé de joindre à la procédure un certificat attestant que le patient ne peut être auditionné, alors que la personne malade pouvait tout à fait être entendue par vidéoconférence. Il ne s'agit malheureusement pas d'un cas isolé, comme en fait largement état la lettre adressée le 27 mars dernier par Mme le Contrôleur général des lieux de privation de liberté au ministre de la santé.

Dans ce contexte, les droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques ne sont pas du tout respectés et le recours à un tel certificat médical est un non-sens pour justifier la privation d'une audience pour ces patients. Quelles mesures le ministère compte-t-il prendre pour permettre enfin à ces patients de bénéficier d'une audience devant le juge des libertés et de la détention ?

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