Intervention de Nicole Belloubet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 9 avril 2020 à 16h00
Audition de Mme Nicole Belloubet garde des sceaux ministre de la justice sur les mesures prises dans le cadre de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je vous ferai parvenir les chiffres sur les violences intrafamiliales. Nous observons au 119, le numéro d'appel pour les victimes, une recrudescence du nombre d'appels de femmes qui subissent des violences intrafamiliales. J'ai souhaité que les juridictions puissent continuer, au civil, à délivrer les ordonnances de protection et qu'au pénal les comparutions immédiates se poursuivent. Dans le cadre des contentieux actuels, nous observons une hausse importante du nombre des contentieux liés aux violences intrafamiliales, ce qui est logique.

Avec ma collègue Marlène Schiappa, nous avons mis en place une plateforme qui permet d'orienter les conjoints violents vers des logements et qu'ils quittent ainsi le domicile conjugal. Cette plateforme fonctionne depuis lundi dernier et a déjà reçu une quinzaine de demandes. S'il n'y a pas de logement disponible auprès de nos partenaires habituels, l'État prend en charge des nuitées à l'hôtel. Le conjoint violent est contraint de quitter le domicile conjugal par voie de justice, soit par le juge civil dans le cadre d'une ordonnance de protection, soit par le juge pénal dans le cadre d'un contrôle judiciaire prévoyant l'éviction du conjoint violent. L'objectif de cette plateforme est que les décisions de justice s'appliquent de manière effective. Nous comptabilisons, depuis l'instauration du confinement, 330 déferrements, 91 détentions provisoires prononcées et 82 requêtes déposées en ordonnance de protection.

Nous sommes extrêmement sensibles à la question de la délinquance opportuniste : j'ai donc demandé aux parquets de faire preuve, dans leurs réquisitions, d'une particulière fermeté. Je n'ai pas, à ce stade, de données chiffrées exhaustives, mais nous comptabilisons, depuis l'instauration du confinement, une trentaine d'affaires de vente illicite de matériel de protection, huit affaires d'appropriation frauduleuse de tel matériel et huit escroqueries aux faux ordres de virement. Nous traitons ces affaires avec rapidité et sévérité.

Les infractions contre les personnels soignants sont inadmissibles. Ces faits de menace, d'outrage et de violence contre les personnes doivent être traités rapidement et avec beaucoup de fermeté. Ils sont passibles de sanctions pénales très sévères. À Villeurbanne, une praticienne de l'association SOS Médecins s'est fait voler son véhicule et le matériel médical qu'il contenait : un suspect a été placé en garde à vue pour violence. J'ai demandé aux parquets d'être extrêmement vigilant sur ces sujets.

M. le député Olivier Serva, président de la délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale m'a récemment interrogée sur la situation de la chambre d'appel déconcentrée de Saint-Denis de La Réunion située à Mamoudzou. Un plan de continuation de l'activité a été mis en place. L'activité de la chambre de l'instruction étant, de droit, traitée à Saint-Denis en visioconférence, l'activité juridictionnelle est résiduelle à Mamoudzou. Les chefs de cour envisagent de tenir des procédures civiles sans audience et nous sommes en cours de discussion avec le barreau sur ce point. Mais la situation sanitaire mahoraise est inquiétante, compte tenu des difficultés de mise en confinement d'une population en situation de très grande précarité. La fermeture des liaisons aériennes, maritimes et commerciales est aussi un facteur d'anxiété pour les personnels en place, auxquels je souhaite rendre hommage. Les chefs de cour - avec lesquels j'échange chaque semaine en visioconférence - sont mobilisés en permanence pour permettre les déplacements nécessaires pour des motifs impérieux de service - notamment l'acheminement des moyens informatiques et de protection sanitaire. Le Premier ministre s'est exprimé à ce sujet et a fait part de son regard attentif.

Nous travaillons actuellement, en lien avec le ministère de l'intérieur et celui des collectivités territoriales, à l'élaboration d'un cadre juridique sécurisé permettant aux maires des communes qui ne sont pas dotées d'une police municipale, en leur qualité d'officiers de police judiciaire, de relever les infractions aux règles de confinement. Nous préconisons que leur action soit subsidiaire à celle des forces de sécurité intérieure et que toute intervention se fasse en coordination avec la brigade de gendarmerie ou le commissariat compétent, sous le contrôle du procureur local.

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