J'ai plaisir à vous retrouver, monsieur le rapporteur. Nous entretenons de bonnes relations avec les autorités organisatrices, avec qui nous avons organisé une décroissance du trafic adaptée aux besoins sanitaires, très précisément, région par région.
Nous ne sommes pas encore entrés dans le coeur des discussions juridiques ou contractuelles. Il semblerait néanmoins que les régions, dans leur grande majorité, acceptent d'honorer les coûts engagés pour le service. Nous menons également des discussions, région par région et contrat par contrat, sur le risque de pertes en recettes, qui se sont effondrées. Cette crise étant irrésistible et très difficile à anticiper, elle constitue pour nous un cas de force majeure. Les obligations de recettes devraient donc être largement amendées par les régions. Pour l'instant, les discussions sont empreintes de bonne volonté et de compréhension mutuelles, et j'espère que cet état d'esprit perdurera au moment de signer les avenants.
Rien n'a été entrepris pour l'instant sur le niveau des péages. Des voix s'élèvent pour demander leur réajustement, et des activités comme le fret pourraient en effet en bénéficier. N'oublions pas toutefois que ces péages servent à financer les travaux d'infrastructures sur le réseau. Si leurs tarifs sont réduits, il faudra trouver une autre forme de financement. Et, selon une loi d'airain, ce que l'usager ne paie pas, c'est le contribuable qui le paye !
Si la région Île-de-France devait être déconfinée en dernier, ce serait en effet très pénalisant pour le trafic et le chiffre d'affaires du TGV, par définition transrégional. Mais nous respecterons les décisions prises par les pouvoirs publics et les autorités sanitaires.
Sur la concurrence, votre question est presque de nature philosophique, monsieur le sénateur. On peut en effet se demander comment cette crise aurait été gérée si le trafic avait été morcelé entre plusieurs opérateurs. À ce stade, et à ma connaissance, le calendrier général d'ouverture à la concurrence n'est pas remis en question. Du côté de la SNCF, nous acceptons la mise en concurrence. SNCF Réseau et Gares & Connexion, qui devront garantir l'équité entre les différents concurrents, s'y préparent. La partie de la SNCF concernée par la mise en concurrence doit s'y préparer également. Par exemple, l'appel d'offres lancé par l'État sur les lignes d'équilibre du territoire Nantes-Lyon et Nantes-Bordeaux devrait être attribué à la fin de l'année.
La décision de la SNCF de participer à l'ouverture à la concurrence du TGV espagnol fin 2020 avait été prise avant la crise. Nous allons être attaqués sur le réseau français à grande vitesse par plusieurs opérateurs européens, notamment espagnols et italiens. Dès lors, il est logique de vouloir rattraper en Europe les volumes et parts de marché que nous perdrions en France. Le réseau ferroviaire espagnol à grande vitesse est très étendu en longueur de voies, plus que le nôtre, mais peu fréquenté. La compagnie espagnole Renfe est loin de le saturer. Notre stratégie consiste donc à tester en Espagne le concept Ouigo des TGV à petits prix, avec des rames fabriquées par Alstom et adaptées au réseau espagnol.
Selon moi, la crise du coronavirus ne va pas arrêter la tectonique des plaques ; nous allons bel et bien entrer dans l'ère de la concurrence, et ses premiers effets devraient se faire sentir en Europe dès la fin de l'année.