Le besoin d'argent public est une question centrale. Le ferroviaire a la caractéristique de consommer beaucoup de capitaux. Le réseau ferroviaire du pays appartient à la Nation. Il faut le maintenir et le développer. Pendant des décennies, le réseau ferroviaire classique n'a pas reçu une maintenance suffisante. Il a vieilli et s'est dégradé. Son âge moyen en France est de 35 ans alors qu'il est de 17 ans en Allemagne. Nous savons tous que la priorité a longtemps été donnée au TGV. C'est aussi ce qui a provoqué la dette globale du système. Il est clair que l'ambition de rénovation du réseau dépendra de la quantité d'argent apportée.
Il faut distinguer régénération et modernisation.
La régénération consiste à remplacer des composants anciens par des neufs : rails, caténaires, postes d'aiguillage, alimentation électrique. Cela ne signifie pas un changement d'équipement technologique. La régénération, dont nous parlons quand nous évoquons l'âge moyen du réseau, suscite beaucoup de questions. Quel périmètre pour l'effort ? Les petites lignes seront-elles incluses ? Quelle sera la participation des régions ?
La modernisation du réseau concerne deux grands dossiers : le premier est celui de la nouvelle signalisation européenne, celle du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS), qui rend possible le passage d'un pays à un autre et accroît les capacités des lignes - nous sommes très en retard sur ce dossier ; le second est la commande centralisée du réseau, qui implique d'immenses postes d'aiguillage à grand rayon d'action remplaçant beaucoup de petits postes isolés, pour plus d'économies, d'efficacité et de fiabilité.
Les besoins sont énormes : quelle quantité d'argent le pays pourra-t-il investir, pour quel projet de réseau ferroviaire ?
Le fret dépend de l'investissement et des aides, face à une concurrence routière extrêmement puissante. Il faut soutenir l'usage du fret ferroviaire, notamment par l'aide à la pince, pour passer un conteneur d'un bateau à un train - c'est une subvention autorisée par l'Union européenne - et par l'aide au wagon isolé, pour les territoires diffus.
C'est donc une question d'argent.
Cela renvoie au plan Marshall et au plan de relance. Je souhaite que ce dernier compte des dimensions fret et réseau importantes. Il devra être combiné au Green New Deal. Voilà une opportunité que, j'espère, nous saurons utiliser.
Nous avons déjà parlé des gestes barrière. Oui au gel ! Pour les masques, on verra. La SNCF est prête à participer mais ce n'est pas à elle d'équiper l'ensemble de la population française. Cela relève largement des pouvoirs publics. En revanche, je souhaite le port du masque dans les trains.
Si le groupe SNCF a en effet une vocation internationale, dans l'allocation des ressources, ma priorité est le ferroviaire français. Le Président de la République m'a donné pour mission qu'il fonctionne bien, en qualité et en maîtrise des coûts. L'international ne doit pas consommer une quantité de cash trop importante. S'il rapporte de l'argent qui aide la politique ferroviaire française, j'y suis favorable. Voilà la nuance et le recentrage stratégique que je souhaite apporter.
Effectivement, Eurostar souffre beaucoup, comme les TGV. Keolis ne s'en sort pas trop mal car son business model repose sur la délégation de service public. Geodis connaît des problèmes mais son activité asiatique assez importante bénéficiera peut-être de la reprise de la production industrielle en Asie.
Oui, il va falloir reprogrammer les travaux sur le réseau. Je suis incapable de vous dire comment. Certaines dates de réouverture sont remises en question. Je ne vois pas comment rattraper plusieurs mois de retard. Il y aura donc des problèmes de date et éventuellement des problèmes de priorité.
Sur les aspects sociaux, la SNCF n'est pas toute seule. Elle appartient à une branche gérée par l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP). La convention collective nationale est en cours de construction. La partie de la convention sur la classification et la rémunération a été votée par deux syndicats, quand trois autres s'y sont opposés. Aucun accord n'a donc pu être signé sur cette partie. Pour sauter l'obstacle, l'État peut prendre la main et traiter par ordonnance. Je n'y serai pas défavorable car nous sommes à l'arrêt, ce qui n'est pas bon alors que la concurrence s'amorce. Deux syndicats étaient tout de même favorables. Peut-être le ministère des transports prendra-t-il ses responsabilités.
Je suis conscient des besoins d'amélioration du réseau en Normandie, que je connais bien. Comptez sur moi pour soutenir des lignes telles que la ligne nouvelle Paris-Normandie. Il ne s'agit pas forcément de construire un TGV vers la Normandie ou l'Auvergne mais j'ai à l'esprit l'égalité entre les territoires et la nécessité de réhabiliter l'offre ferroviaire dans certaines régions.