Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 23 avril 2020 à 19h00
Loi de finances rectificative pour 2020 — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous salue à nouveau, bien que nous nous soyons déjà vus aujourd’hui, la nuit dernière, peu après 3 heures du matin.

La commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du PLFR (projet de loi de finances rectificative) pour 2020 s’est réunie en fin de matinée à l’Assemblée nationale ; elle a été, comme vous le savez, conclusive. Nous pouvons nous en réjouir, d’autant que c’est la deuxième fois d’affilée, monsieur le secrétaire d’État, puisque nous avions déjà vécu une CMP conclusive sur un PLFR en fin d’année dernière. J’espère que cela augure de bonnes nouvelles pour les prochains textes que nous aurons à examiner ensemble.

Le Sénat, donc, vient d’achever l’examen de ce PLFR ; dans la foulée, la CMP s’est réunie et a repris, je dois le dire, beaucoup d’amendements essentiels du Sénat – c’est une bonne nouvelle. Nous souhaitions – ce souhait s’est exprimé sur toutes les travées – que ce PLFR se conclue par un accord : d’emblée, lors de la discussion générale, les différents groupes politiques avaient indiqué qu’ils désiraient voter ce texte. Mais, évidemment, ils souhaitaient que le projet de loi soit amélioré avant d’être adopté. C’est ce que nous avons fait au cours de nos débats, qui ont été riches et nourris.

Je veux remercier mon homologue Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, de son écoute – nous travaillons dans des conditions difficiles, et vous imaginez quels échanges il faut pour arriver à un texte commun.

Je veux, très simplement, citer en quelques mots les apports du Sénat ; outre des améliorations techniques, outre des sécurisations juridiques, nous avons adopté de nombreux apports qui ont été conservés à l’issue de la commission mixte paritaire. Certains avaient été votés ici même par de larges majorités ; d’autres sont issus du texte de compromis que nous avons souhaité ensemble, députés et sénateurs, adopter.

Ils relèvent de plusieurs ordres. Tout d’abord, la lutte contre la pandémie : nous souhaitons l’accompagner par des mesures notamment budgétaires ou fiscales ; ainsi de l’amendement, qui a été très largement voté, visant à baisser le taux de la TVA à 5, 5 % pour les équipements de protection, gants, charlottes, surblouses, tous ces moyens évidemment essentiels dans la lutte contre la pandémie, et qui étaient auparavant frappés d’un taux de TVA de 20 %.

Vous savez que l’Assemblée nationale avait souhaité un taux réduit de TVA pour les masques et d’autres moyens de protection, notamment les gels hydroalcooliques. Nous avons étendu ce taux réduit à d’autres types de gels ainsi qu’aux tenues de protection que je viens d’énumérer. Ces moyens sont indispensables, dans nos hôpitaux et dans nos établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) en particulier. Cet amendement a été voté à la quasi-unanimité du Sénat.

Nous avons également envoyé un signe important en rehaussant à 1 000 euros le plafond de déduction de l’impôt sur le revenu avec un taux de déduction de 75 % pour les dons faits aux associations d’aide aux plus démunis. Vous savez que ces associations bien connues, Emmaüs, le Secours catholique, le Secours populaire, la Banque alimentaire et bien d’autres, remplissent en ce moment un rôle considérable. Il faut les soutenir ! Nous souhaitons, par ce dispositif, leur permettre d’assurer leurs missions les plus essentielles, en particulier l’aide alimentaire.

Nous avons aussi adapté la règle dite du service fait, qui impose en temps normal aux collectivités territoriales de ne pas payer lorsqu’un événement, un festival par exemple, a été annulé. Grâce à l’amendement que nous avons adopté, il pourra être dérogé à cette règle pour tenir compte des circonstances particulières qui sont celles de la période de l’épidémie. Un festival est annulé, l’organisateur essuie une perte sèche ; il est important que la collectivité puisse lui verser une subvention, ce que la règle du service fait interdit.

Nous souhaitons par ailleurs soutenir les salariés – c’est le deuxième objectif qui sous-tend les amendements que nous avons adoptés –, grâce notamment à l’augmentation à 7 500 euros du plafond d’exonération de l’impôt sur le revenu applicable aux rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires. Pendant cette crise, personne n’en disconviendra, de nombreux salariés sont certes au chômage partiel, mais de nombreux autres sont, eux, sur le front, dans les hôpitaux, dans les Ehpad, dans les commerces, mais aussi dans le domaine des livraisons ou de l’agroalimentaire. Ils assurent, malgré l’épidémie, les services essentiels à la vie de la Nation. Il importe qu’ils soient soutenus, parce qu’ils peuvent être amenés à effectuer des heures supplémentaires, à travailler au-delà des 35 heures, pour compenser notamment l’absence d’autres salariés, ou pour absorber un surcroît d’activité. Il faut absolument – nous en avons parlé à plusieurs reprises, monsieur le président – encourager ce travail supplémentaire.

C’est l’objet de cet amendement qui vise à rehausser le niveau du forfait au-dessous duquel les heures supplémentaires ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu. Ce plafond est augmenté de moitié pour être porté à 7 500 euros.

Nous avons en outre adopté un certain nombre d’amendements tendant à renforcer le plan de soutien aux entreprises. M. le secrétaire d’État irait peut-être jusqu’à dire que c’est là le cœur même du texte, puisqu’il s’agit d’un plan non pas de relance, mais bien de sauvetage. J’avais employé, en ouvrant les débats, l’image de la bouée de sauvetage qu’il fallait donner à nos entreprises et à nos entrepreneurs. Pour renforcer le plan de soutien aux entreprises, nous avons introduit, singulièrement pour les petites et très petites entreprises qui n’ont pas accès au prêt garanti par l’État ou qui se le voient refuser, un mécanisme de prêt participatif adossé au Fonds de développement économique et social (FDES). Le Gouvernement nous a proposé d’abonder ce dispositif à hauteur de 1 milliard d’euros supplémentaires.

Enfin, nous avons amélioré le suivi et le contrôle des mesures prises en application des lois de finances rectificatives – nous y sommes tous très attachés, en particulier le président du Sénat, qui préside la séance ce soir. Nous avons souhaité renforcer l’information du Parlement en étendant les missions du comité de suivi – je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir nommés, le président de la commission des finances et moi-même, à ce comité, qui va se réunir dès la semaine prochaine. Ce comité de suivi pourra mieux contrôler le décaissement des budgets et l’exécution des mesures que nous avons votées.

Nous avons souhaité également garantir l’information préalable – je dis bien « préalable » – des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat lorsque l’État envisage, au-delà d’un montant significatif, d’entrer au capital d’entreprises. Vous savez que des moyens, 20 milliards d’euros dans ce PLFR, sont alloués à un programme permettant à l’État d’entrer au capital d’entreprises ou d’augmenter sa participation afin de les sauver. Des exemples ont été cités par le ministre de l’économie et des finances, tels que celui d’Air France. Si l’État a besoin d’entrer ou de monter au capital de telle ou telle entreprise pour la sauver, il est important qu’un contrôle du Parlement soit prévu. C’est le dispositif du Sénat qui a été retenu via, je le répète, une information préalable des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances.

Tels sont les principaux apports de notre assemblée. Je m’en félicite ; ces apports ne sont pas négligeables. On peut parfois se satisfaire d’une commission mixte paritaire conclusive bien que le texte issu de ses travaux reflète davantage le travail d’une assemblée que de l’autre. En l’espèce, ce n’est pas le cas. Le travail de chacune des deux assemblées, en particulier celui du Sénat, a été très largement intégré dans le texte qui est soumis ce soir à votre approbation.

Je voudrais revenir, dans la minute vingt qui me reste, sur trois sujets que nous avons examinés, sur lesquels vous vous êtes exprimés, mes chers collègues, au titre de ce PLFR d’urgence, même si les dispositions que nous avions adoptées en ces matières n’ont pas été retenues à l’issue de la CMP.

Premier sujet : la mobilisation des assureurs. Nous avons été nombreux à évoquer le secteur de l’assurance, qui, en cette période, peut éventuellement avoir de mauvais résultats sur tel ou tel type de police d’assurance, mais vit globalement une situation assez particulière. Je pense notamment à l’assurance automobile, qui, concrètement, permet aux compagnies d’engranger des résultats pour le moins singuliers. L’assurance est normalement la garantie d’un aléa, et l’aléa disparaît si l’on ne peut plus circuler… Nous avons en quelque sorte décidé de faire confiance aux négociations qui s’engagent entre le Gouvernement et les assureurs. Mais je vais être très clair : si chacun ne prend pas ses responsabilités, nous aurons l’occasion, lors de l’examen du prochain PLFR, d’y revenir en votant des dispositifs un peu plus contraignants.

Deuxième sujet : l’annulation des charges pour les entreprises les plus touchées par la crise. Elles sont nombreuses – je pense notamment aux restaurants ou à d’autres entreprises qui resteraient fermés. Il est important d’accorder à ces entreprises non pas un simple report, mais bien une annulation des charges fiscales.

Enfin, troisième sujet : la mise à niveau du fonds de solidarité. Ce fonds ne devra pas s’arrêter de fonctionner le jour du déconfinement, le 11 mai, monsieur le secrétaire d’État. On sait que ce déconfinement sera progressif et parfois, pour un certain nombre d’entreprises, un peu plus tardif – je pense à certains secteurs de la restauration et du tourisme. C’est la raison pour laquelle nous avions souhaité amender le dispositif.

Sur ces derniers points, le Sénat restera vigilant. Quant aux fonds de soutien à tel ou tel secteur, les candidats ont été nombreux : nous avons examiné, cette nuit, 99 amendements sur ce thème. Si nous n’en avons adopté aucun, c’est non pas par désintérêt, mais parce que nous considérons que ce sujet soit relève de la relance, soit nécessite des expertises budgétaires supplémentaires – je le dis singulièrement à l’intention de mes collègues qui siègent sur la gauche de l’hémicycle. Nous y reviendrons, puisque – je ne sais s’il faut y voir une bonne ou une mauvaise nouvelle – je peux d’ores et déjà vous annoncer, et je le fais à la place du Gouvernement, que nous serons amenés à nous revoir, sans doute au cours du mois de mai, en tout cas très prochainement, pour un PLFR n° 3. J’espère qu’il sera consacré à la relance post-déconfinement, mais nous serons sans doute, malheureusement, dans l’obligation de réviser un certain nombre de chiffres – je pense en particulier aux chiffres du chômage partiel, qui rencontre certes un grand succès, avec plus de 10 200 000 salariés concernés aujourd’hui, mais dont la traduction budgétaire va bien au-delà des quelque 24 ou 26 milliards d’euros annoncés.

Je conclurai en vous remerciant, les uns et les autres, de votre participation dans des conditions difficiles. Merci à nos administrateurs, qui ont été à nos côtés dans des conditions de travail là aussi un peu particulières. Et je vous prie, mes chers collègues, de m’excuser pour la rapidité avec laquelle j’ai mené nos débats sur certains sujets. Il ne faut y voir aucun manque d’intérêt, et le Sénat et sa commission des finances vous donnent un nouveau rendez-vous vigilant pour dans quelques semaines.

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