Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux me féliciter, à mon tour, de l’accord intervenu en commission mixte paritaire sur ce deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, après les débats de ces derniers jours à l’Assemblée nationale puis au Sénat qui, je le crois, ont permis d’enrichir le texte.
Ce texte est en réalité un plan d’urgence visant à compléter la première loi de finances rectificative, afin de répondre à l’ampleur de la crise que subissent les populations et les entreprises dans le contexte de l’épidémie que nous connaissons, et d’en affronter les conséquences économiques et sociales.
Ce plan d’urgence prenant en compte l’allongement du confinement, notre prévision de croissance pour 2020 a été modifiée, passant de –1 % dans la précédente loi de finances rectificative à –8 %.
La profondeur de la crise et le repli de l’activité économique impliquent une réponse à la hauteur des enjeux, qui aura des conséquences sur notre budget. Le déficit des administrations publiques pourrait ainsi s’élever à 9, 1 % en 2020, soit 2 points de plus de PIB qu’en 2009, dernière année de référence en matière de crise de systémique. La dette publique pourrait atteindre 115 % du PIB, soit 20 points de plus qu’à la fin de 2019 puisque notre estimation était alors de 98 %.
La force du soutien de l’État se traduira par un déficit budgétaire qui doublera par rapport à la loi de finances initiale en atteignant plus de 185 milliards d’euros, contre 93 milliards d’euros initialement prévus dans le budget que vous avez adopté fin 2019.
Ces chiffres sont inhabituels et d’une certaine manière vertigineux, mais ils traduisent notre action massive face à une crise d’une ampleur exceptionnelle.
Le Gouvernement a renforcé son plan de lutte contre la crise, lequel passe dans ce projet de loi de finances rectificative de 45 milliards d’euros à plus de 110 milliards d’euros.
Les dépenses mobilisées atteindront 44 milliards d’euros pour protéger les salariés, maintenir leurs compétences, accompagner les entreprises et préserver notre système de santé. Parmi ces dépenses, outre l’augmentation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), à hauteur de 8 milliards d’euros, permettez-moi de souligner deux dispositifs de notre plan de lutte contre l’épidémie.
Tout d’abord, le financement du chômage partiel passe de 8 milliards d’euros à près de 27 milliards d’euros, financés aux deux tiers par le budget de l’État et à un tiers par l’Unédic, pour préserver la situation des salariés. De ce fait, le relèvement du plafond d’emprunt de l’Unédic garanti par l’État passera de 7 à 10 milliards d’euros.
Ensuite, le fonds de solidarité est rechargé à hauteur de 7 milliards d’euros, dont 6, 25 milliards d’euros sont financés sur le budget de l’État.
À date, plus de 1, 150 million d’entreprises ont sollicité l’aide de 1 500 euros, soit le premier étage du fonds de soutien. Près de 1 milliard d’euros a d’ores et déjà été versé. Grâce aux dispositions du présent projet de loi de finances rectificative que vous vous apprêtez à voter, les petites entreprises les plus en difficulté obtiendront près de 8 000 euros, totalement exonérés.
J’ai entendu la remarque du Sénat et de M. le rapporteur sur la date du 11 mai. Bien évidemment, je vous l’ai dit voilà quelques heures, le fonds de solidarité ne s’arrêtera pas le 11 mai. Si nous devions manquer de crédits pour financer les aides aux entreprises, nous disposerions, entre autres, des crédits mis en réserve sans être affectés, à hauteur de 1, 7 milliard d’euros. Par ailleurs nous reviendrions vers vous avec un troisième texte financier.
Ce projet de loi de finances rectificative a mobilisé deux autres instruments.
Nous provisionnons 20 milliards d’euros pour renforcer la participation financière de l’État dans certaines grandes entreprises en difficulté. Monsieur le rapporteur l’a souligné, ce provisionnement s’accompagnera d’une information préalable du Parlement, en l’occurrence des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Nous avons abondé le fonds de développement économique et social (FDES). Rechargé pour atteindre 1 milliard d’euros, il sera mobilisé pour accompagner les entreprises.
Enfin, en sus de ces différentes dépenses, il existe un dernier dispositif : les prêts garantis par l’État, à hauteur de 300 milliards d’euros, qui permettent de soulager les trésoreries des entreprises. Ce projet de loi de finances rectificative prévoit aussi que les entreprises placées en procédure de sauvegarde depuis le début de l’année soient éligibles à ce programme.
L’action du Gouvernement passe également par des facilités de paiement pour les échéances fiscales ou sociales.
À ce jour, le montant des reports d’échéances fiscales s’élève à plus de 4 milliards d’euros et à plus de 12 milliards d’euros pour les échéances sociales. Ce sont donc 16 milliards d’euros qui permettront d’alléger la trésorerie des entreprises concernées. Nous remboursons, en outre, de manière accélérée les créances des entreprises restituables en 2020 : crédit d’impôt sur la TVA, crédit d’impôt recherche (CIR), crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et tout autre crédit d’impôt restituable au cours de l’année.
La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat des agents publics, que Gérald Darmanin et moi-même avons portée, sera exonérée d’impôts et de cotisations sociales, de même que les sommes versées aux entreprises éligibles au fonds de solidarité.
Je le disais dans mon propos liminaire, la discussion à l’Assemblée nationale et au Sénat a permis d’enrichir le texte. Parmi les dispositions que le Parlement a défendues et votées, je retiens plusieurs mesures qui me paraissent particulièrement importantes.
Les foyers les moins favorisés bénéficieront d’une aide exceptionnelle pour un montant de 880 millions d’euros, conformément à l’engagement du Président de la République. Le fléchage des crédits nécessaires a été défini dans un amendement du rapporteur général, adopté par l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, les salariés bénéficieront d’une indemnisation sécurisée grâce au basculement à compter du 1er mai des personnes actuellement en arrêt de travail pour cause de garde d’enfant ou de vulnérabilité, au sens médical, dans le dispositif d’activité partielle, lequel sera alimenté à hauteur de 1, 8 milliard d’euros.
Les salariés bénéficieront aussi, sur l’initiative du Sénat, d’une exonération des rémunérations versées à raison d’heures supplémentaires ou complémentaires réalisées entre le 16 mars et la fin de l’état d’urgence sanitaire, dans un plafond de 7 500 euros, comme l’a souligné le rapporteur.
Les secteurs fragiles seront accompagnés plus fortement : 19 millions d’euros sont accordés aux parcs zoologiques, aux refuges et aux cirques familiaux au titre des soins prodigués aux animaux. Ce dispositif sera complété pour apporter un soutien aux centres équestres accueillant du public.
Les bailleurs dont les locataires sont des professionnels, que nous avons invités à ne pas percevoir les loyers qui leur reviennent, pourront déduire de leurs revenus imposables les sommes auxquelles ils ont renoncé. C’est une initiative de l’Assemblée nationale, que nous avons soutenue.
Le dispositif des prêts garantis par l’État pourra être étendu aux entreprises intermédiaires en financement participatif. Il s’agit d’un apport parlementaire utile.
La production et l’acquisition des matériels de protection sanitaire ont été facilitées. D’une part, des mesures budgétaires ont été prises pour soutenir l’investissement dans les machines permettant la production de matériaux utilisés pour la confection des masques et d’autres équipements. D’autre part, des mesures fiscales ont été adoptées pour réduire le taux de TVA applicable aux masques de protection, aux gels hydroalcooliques et aux autres équipements de protection.
Enfin, la commission mixte paritaire a retenu trois autres mesures qu’il convient de citer.
Pour soutenir les territoires ruraux, la dotation particulière « élu local » (DPEL) sera majorée de 8 millions d’euros, afin d’élargir dès 2020 le nombre des communes éligibles à la seconde part de cette dotation.
Pour soutenir le monde associatif, les collectivités pourront également décider de maintenir une partie de leurs subventions.
Pour soutenir la solidarité, le plafond des dons alimentaires et de première nécessité donnant droit à un avantage fiscal passera d’un peu plus de 500 euros à 1 000 euros.
Je tiens à remercier l’ensemble des parlementaires, comme je l’ai fait à l’Assemblée nationale, de leur contribution et leur apport.
Cela dit, le travail continue en vue de définir des plans de soutien sectoriels pour les activités les plus exposées, comme l’hôtellerie et la restauration. Je sais que votre assemblée est particulièrement attentive à la question des annulations de charges. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le cadre de ces plans. Nous vous soumettrons très certainement des dispositions législatives visant à donner un fondement juridique établi à ces annulations de charges en cours d’examen et d’instruction.
Je veux rassurer les auteurs d’amendements portant ouverture de crédits budgétaires. Je partage le sentiment du rapporteur, qui a souligné le caractère frustrant d’un examen par trop rapide de ces amendements dans le cadre du projet de loi de finances rectificative.
Nombre d’entre vous ont mis à profit la présentation de ces amendements portant crédits budgétaires pour appeler l’attention du Gouvernement et du Parlement sur la situation de secteurs qui rencontrent des difficultés particulières.
J’y insiste, tous les engagements pris par le Gouvernement qui ne font pas l’objet d’inscription de crédits dans ce texte seront financés. Je l’ai dit, nous disposons en effet d’un peu plus de 1, 7 milliard d’euros de crédits non affectés.
Ces engagements seront financés, car les moyens de l’État ne sont pas limités aux seuls crédits votés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Sont ainsi inscrits dans la loi de finances initiale un certain nombre de crédits ainsi qu’une réserve de précaution dont nous disposons au titre du droit commun et qui nous permettent de faire face à l’ensemble des mesures annoncées, comme celles qui ont été faites par Christelle Dubos, ce matin, en matière de lutte contre la précarité, ou par Marlène Schiappa pour le soutien aux femmes et la protection des personnes plus fragiles.
Je conclurai mon propos en remerciant de nouveau l’ensemble des sénateurs de leur participation à ces débats et en me félicitant que nous ayons pu aboutir à un texte de compromis.