Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, la commission mixte paritaire s’est accordée voilà quelques heures sur un projet de loi de finances rectificative que nous n’approuverons pas.
Au cours des débats de ces derniers jours, nous avons relevé les manques criants de ce texte et formulé de nombreuses propositions. À chacune d’entre elles, ou presque, le Gouvernement et la commission des finances nous ont répondu : ce texte est un texte d’urgence, nous renvoyons le débat de fond à plus tard. En quelque sorte, l’heure serait non pas au débat politique, mais à l’action. Nous réfutons totalement ce point de vue : en agissant dans l’urgence, nous faisons, vous faites de la politique. Les choix d’aujourd’hui engagent l’après. Or l’après se pense, se débat, se prépare, s’organise pendant.
Pourquoi vouloir mettre le couvercle sur le débat contradictoire au nom de l’urgence ? Pourquoi n’est-il pas question de contester les options profondément libérales que vous maintenez au nom de cette urgence ?
Un autre argument est invoqué pour voter ce texte, celui de la responsabilité. Cet argument est pour nous totalement irrecevable. Ainsi, même en doutant de la démarche gouvernementale face au rejet de l’essentiel de nos propositions, il faudrait voter pour, « en responsabilité ». Nous estimons que le choix existe, y compris dans cette période – surtout dans cette période, ajouterai-je.
Lorsque des priorités sont données – et comment ne pas voir que priorité est donnée à la reprise d’une certaine conception de l’économie sur la sécurité sanitaire de tous, dans une sorte de hiérarchie ? –, on peut les contester et en proposer d’autres. Le principe même de la démocratie ne peut pas être remis en cause au nom de la responsabilité, qui se voudrait une mise au pas.
Nous avons un avis différent. Nous l’assumons ici, mais aussi devant le peuple. J’insiste sur ce dernier point : nous ne sommes pas dans une bulle ; les citoyens écoutent ce qui est dit ; ils réfléchissent ; même confinés, ils expriment des opinions. Un sondage publié mardi dernier était d’ailleurs édifiant quant à la défiance à l’égard de l’action gouvernementale.
L’Assemblée nationale et le Sénat débattent, et c’est une bonne chose. Il faut avoir le courage de s’opposer, lorsque l’on estime que les valeurs que l’on défend sont remises en cause. L’opinion évolue, est attentive ; la situation évolue aussi.
Certains ont dit, notamment vous, monsieur le secrétaire d’État : il y a eu de nombreuses avancées. Il n’est qu’à voir, pourtant, le dernier scoop relatif à la question des paradis fiscaux. Une disposition est votée ici, Bruno Le Maire fait une annonce ce matin et, dans le texte que nous avons reçu voilà à peine une demi-heure, elle a disparu ! Excusez-moi de le dire ainsi, mais il y a bien un diable libéral…
Vous avez rejeté, comme aux plus beaux jours de la présidence des riches, toutes nos propositions d’une participation accrue des plus fortunés de la solidarité nationale. Rétablir l’ISF ? C’est toujours non ! Supprimer le prélèvement forfaitaire unique ? Non ! Augmenter la contribution des plus hauts revenus ? C’est encore non ! Accroître les taxes sur les dividendes et les transactions financières ? C’est aussi non ! Prévoir une dotation exceptionnelle pour les collectivités territoriales ? C’est finalement non !
Une petite information sur l’argent roi. Monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, Disney vient de confirmer le versement de 1, 5 milliard d’euros de dividendes, alors que 15 000 de ses salariés sont au chômage partiel en France. Pouvez-vous nous indiquer si l’État prend en charge ce chômage partiel ?
Être responsable, c’est déterminer qui va payer la dette, ce qu’elle va devenir. Allez-vous continuer à casser le service public, à contraindre les plus défavorisés ? Votre rejet de nos propositions de justice fiscale le laisse craindre.
Le débat parlementaire est incomplet. Vous annoncez 20 milliards d’euros de participation financière de l’État pour aider les entreprises stratégiques en difficulté. Nous n’avons pas obtenu la liste de ces dernières. Nous n’avons pas réellement débattu de la stratégie industrielle qui sous-tend cet investissement considérable. En outre, vous avez balayé les critères environnementaux, aussi bien que sociaux, que nous défendions avec d’autres.
Il n’est donc pas question pour nous de valider ainsi une opération de secours aux actionnaires défaillants pour leur rendre la maison assainie dès la crise passée. Nos amendements visant à améliorer le sort des plus démunis, des mal-logés ou des étudiants, ou à améliorer le service de santé des armées, amendements d’urgence s’il en est, ont été balayés, comme bien d’autres.