Vous avez tout à fait raison, le phénomène des rumeurs croise celui du complotisme. Toutes les rumeurs ne sont pas complotistes. La rumeur selon laquelle untel tromperait sa femme ne relève pas de ce phénomène. En revanche, il en est qui sont véritablement complotistes.
Je vous rejoins sur votre analyse : c'est ce que les psychosociologues appellent le besoin d'unicité. Il s'agit de se poser en initié, comme une personne qui a la connaissance d'une vérité cachée, supérieure, qui a compris le dessous des cartes. Cela remplit une fonction narcissique évidente. C'est un ressort psychologique important dans l'adhésion aux théories du complot.
J'en ajouterai un autre, qui est notamment très présent dans cette crise sanitaire : la fonction consolatoire du complotisme, qui renvoie au besoin de se rassurer. On sait qu'il y a une corrélation entre le sentiment subjectif de perte de contrôle sur son environnement et une disponibilité plus grande aux théories du complot. Identifier, désigner une menace, c'est aussi la fixer, la circonscrire. On se dit que, finalement, il y a un pilote dans l'avion. On n'est peut-être pas d'accord avec la destination, mais, au moins, il y a quelqu'un dans le cockpit. Le monde n'est pas un chaos désordonné et la planète n'est pas une boule qui fonce dans l'espace sans aucun sens, de manière absurde.
Se dire que, derrière cette crise sanitaire, il y a les agissements diaboliques d'un petit groupe d'individus, c'est plus rassurant que de se dire que c'est arrivé un peu par hasard, par mutation naturelle. En effet, cela signifie qu'il suffirait de neutraliser ces personnes pour régler le problème. S'il ne s'agit pas d'un complot, alors le problème reste entier : est-ce que l'on aura un jour un vaccin contre le coronavirus ? C'est assez vertigineux, et cela explique aussi le besoin de se rassurer avec les théories du complot. Ce n'est pas une raison pour les excuser.