En matière de gouvernance, l'organisation s'est construite au fil de l'eau. Au démarrage de l'épidémie, la structure REACTing s'est vu confier la mission de coordonner la réponse de la France et plusieurs projets ont pu être lancés dans ce cadre. Puis, ont été instaurés le conseil scientifique et le CARE, dont les rôles sont clairement différents : le premier a pour fonction d'aider la Présidence de la République et le Gouvernement dans la prise de décisions sur la gestion de l'épidémie ; le second de contribuer à l'amélioration de la coordination de la recherche et à une prise en compte la plus rapide possible des initiatives issues du tissu de la recherche, académique ou industrielle. Il existe donc des procédures permettant de faire remonter au niveau du CARE des projets, qui font ensuite l'objet d'une réflexion menée conjointement par le comité et le consortium REACTing.
L'instauration du CARE a été une mesure essentielle. J'avais remarqué, voilà un certain temps, que les initiatives étaient nombreuses en France, mais que le manque de coordination entre ces projets engendrait un risque de redondance. Une certaine redondance peut être intéressante, car chacun développe une approche spécifique, mais il faut absolument un partage d'informations, d'où l'importance du travail de coordination de CARE. À l'avenir, cette mission devrait revenir à REACTing, pour la gestion d'éventuelles futures épidémies.
On a donc un peu peiné pour mettre en place l'organisation, mais elle commence aujourd'hui à s'éclaircir. Il faut maintenant voir comment CARE et REACTing donneront suite aux remontées d'informations et comment les subsides pour la recherche sur le Covid-19 seront utilisés.
Les projets de recherche sur un possible vaccin sont nombreux sur le plan mondial et le partage d'informations est très rapide. Des articles sont mis à disposition sur des sites comme celui du New York Times, de medRxiv ou de l'institut Pasteur - l'article concernant le taux de personnes attaquées par le virus en France, par exemple, a été mis en ligne et ouvert à la communauté scientifique avant toute évaluation par des pairs. Le partage d'informations se fait aussi via les réseaux sociaux.
Par ailleurs, des chartes de partage d'informations ont été signées, notamment par certains porteurs de projets vaccinaux. Certes, on ne peut pas empêcher une forme de concurrence entre projets, mais cela n'enlève rien à la volonté de tous de trouver rapidement une solution.
La manière dont les consortiums de recherche se mettent en place est souvent le reflet de l'histoire. Nos collaborations avec l'université de Pittsburgh ou la société de biotechnologie autrichienne Themis ont été mentionnées. Nous travaillons avec celle-ci sur la rougeole depuis plusieurs années ; on ne va pas changer les choses au moment où l'épidémie survient ! Pour une bonne collaboration, il faut une connaissance et une confiance mutuelles. D'ailleurs, certains autres projets européens qui ont été financés se fondent aussi sur des projets préexistants, ce qui me permet d'insister, à nouveau, sur l'importance de la recherche au niveau européen et du caractère bottom-up de la recherche.
L'institut Pasteur n'est pas impliqué dans le programme Discovery, mais il l'est dans l'étude Covidaxis, visant à évaluer des stratégies chimioprophylactiques de prévention de l'infection chez les personnels soignants. Cette étude, pilotée par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Étienne, est en phase de démarrage. L'hydroxychloroquine sera évaluée dans un premier temps, suivie de la combinaison de deux antiviraux ciblant les protéases : le lopinavir et le ritonavir. De nouvelles molécules seront introduites au cours de l'étude. Celle-ci est intéressante à plusieurs titres, mais surtout parce qu'elle cible une population fortement exposée, ce qui permettra de travailler à sa protection tout en dégageant plus rapidement des résultats.
Enfin, avec 5,7 % des Français exposés au virus, nous sommes effectivement loin de l'immunité collective, qui serait atteinte avec un taux compris entre 60 % et 70 %. Si nous ne voulons pas que le déconfinement se traduise par une deuxième vague épidémique, nous devrons donc le mettre en oeuvre de manière progressive, en privilégiant le maintien du télétravail. Il faudra impérativement respecter les gestes barrières, la distanciation physique, et le port du masque devra être, autant que possible, systématique, en particulier dans les transports en commun et les environnements de travail.