Intervention de Christophe d'Enfert

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 22 avril 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Christophe d'eNfert directeur scientifique de l'institut pasteur sur la crise sanitaire liée à l'épidémie du covid-19 par téléconférence

Christophe d'Enfert, directeur scientifique de l'institut Pasteur :

La question de la maîtrise des outils de production, en particulier de production vaccinale ou médicamenteuse, relève de la politique nationale, plus que de celle de l'institut Pasteur. Il ne me revient donc pas d'y répondre - je pourrai le faire en tant que citoyen, mais vous ne m'avez pas invité pour cela.

En revanche, je peux évoquer la politique de l'institut Pasteur.

En tant que fondation de recherche, celui-ci n'est pas impliqué dans la production de médicaments ou de vaccins. Nous établissons, quand c'est nécessaire, des relations avec des industriels afin que nos innovations puissent être déployées auprès des populations avec le maximum d'efficacité. L'interaction avec l'industrie permet d'accélérer ce déploiement. Ce modèle ne doit pas être remis en cause et il ne faut pas réintégrer ces activités de production au niveau de l'institut Pasteur.

Nous disposons par ailleurs d'un réseau international, reconnu comme une véritable pépite. C'est grâce à lui, notamment, qu'un test de diagnostic mis au point à l'institut Pasteur de Hong Kong a pu être déployé rapidement en Asie du Sud-Est, mais aussi en Afrique de l'Ouest. L'internalisation de l'institut Pasteur doit donc être préservée.

S'agissant précisément du vaccin et de la persistance des anticorps, on s'interroge effectivement sur la durée nécessaire pour qu'une infection ayant induit une réponse immunitaire entraîne une production d'anticorps, sur la protection offerte par ces anticorps et sur leur persistance. Des travaux de recherche et des enquêtes sérologiques nous permettront d'apporter des réponses, mais nous n'en disposerons que dans le futur. Pour certains vaccins, comme celui contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, il faut trois injections initiales et plusieurs rappels pour établir une immunisation de longue durée. Mais, à l'heure actuelle, on ne sait pas ce qu'il en sera pour les vaccins développés contre le coronavirus.

Ce qui permet, par ailleurs, une réduction probable du délai d'obtention d'un vaccin, ce sont les procédures accélérées. Peut-être celles-ci n'étaient pas suffisamment en place au début de l'épidémie, ce qui a fait imaginer des phases d'essais cliniques allant de l'automne 2020 à l'automne 2021. On pense aujourd'hui qu'il sera possible de les démarrer en juillet et d'accélérer les phases 2 et 3 pour obtenir des résultats cliniques dans le courant du premier semestre de 2021. C'est ce que l'on peut espérer.

Oui, toute collaboration non européenne présente des risques. Cela doit probablement interroger l'Europe sur les modèles qu'elle a mis en place, mais, à nouveau, cela ne relève pas de mon rôle de commenter le sujet.

S'agissant de la propagation du virus, si l'institut Pasteur n'est pas concerné par des sujets comme sa propagation sur les surfaces, relevant plus de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), nous sommes impliqués dans des études épidémiologiques ayant pour objectif de comprendre sa propagation à l'échelle de la population : il s'agit d'études de modélisation ou d'études de sérologie en population.

Le confinement donne effectivement le sentiment d'injonctions contradictoires. Mais les modèles montrent toute son importance pour limiter la propagation de l'épidémie. Il nous a permis de réduire la pression sur les hôpitaux, donc d'améliorer la prise en charge des malades, et de revenir, dans une semaine ou deux, à un état épidémique équivalent à celui du 1er mars. Cela nous permettra de nous préparer pour mieux prendre en charge ce qui serait une deuxième phase épidémique, avec augmentation du nombre de tests, généralisation du port du masque, maintien des gestes barrières et de la distanciation physique.

D'après une étude de l'Imperial College de Londres, à la date du 28 mars, le confinement avait divisé par 2 500 le nombre de morts en France. C'est la raison pour laquelle il faut l'accepter, plutôt que de rêver d'une immunité collective. Il est vrai que les règles que nous allons devoir respecter dans les mois à venir permettront de limiter le nombre de morts au détriment de l'établissement d'une immunité collective, mais nous pouvons espérer qu'un vaccin sera disponible dans quelques mois, permettant alors d'obtenir une immunité collective artificielle.

Pour le moment, le virus mute relativement peu, ce qui est un bon signe sur le plan de la vaccination.

Je n'ai pas connaissance de travaux de l'institut Pasteur sur l'association promue par le professeur Didier Raoult. Mais, certaines études montrant que cette combinaison est associée à une augmentation des effets secondaires, une réflexion s'impose.

La différence entre les hommes et les femmes ou le fait que les enfants soient vecteurs sont des questions qui commencent à être étudiées. Les études de sérologie, en particulier, nous permettront d'avoir une meilleure connaissance sur la transmission du virus au sein des populations.

Enfin, 250 chercheurs mobilisés sur le sujet, c'est déjà beaucoup ! Tous les jours, de nouveaux chercheurs se joignent à ces équipes. Tous les jours, de nouvelles idées sont proposées. Mais la recherche fondamentale avance à un certain rythme et la multiplication d'intervenants n'aurait pas forcément un effet positif : ce qui compte, c'est d'avoir de bonnes idées et de réussir à les mettre en pratique le plus rapidement possible !

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