Intervention de Christophe d'Enfert

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 22 avril 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Christophe d'eNfert directeur scientifique de l'institut pasteur sur la crise sanitaire liée à l'épidémie du covid-19 par téléconférence

Christophe d'Enfert, directeur scientifique de l'institut Pasteur :

S'agissant du budget de REACTing hors phase épidémique, je pense que cette épidémie doit nous interroger rapidement, dans les mois à venir, sur notre organisation globale. Nous devons faire en sorte d'être mieux organisés au moment du déclenchement des épidémies, afin de disposer d'une recherche coordonnée et de capacités à évaluer rapidement des médicaments.

Ce sujet est en lien avec celui du bouleversement des écosystèmes. L'institut Pasteur mène effectivement des travaux en Asie du Sud-Est pour mieux comprendre les transmissions de ces coronavirus entre insectes, chauves-souris, petits animaux et hommes, et savoir dans quelle mesure ces connaissances pourraient nous aider à mieux prédire de futures épidémies. Il faudra réfléchir aux moyens d'apporter un soutien financier à ces équipes de terrain, mettant en oeuvre une biologie souvent considérée comme moins intéressante et ayant pourtant toute sa part dans notre compréhension de l'origine de ces épidémies.

La visite de l'ambassadeur de Chine avait pour but de témoigner de la reconnaissance de la diaspora chinoise en France à l'égard de l'institut Pasteur, pour son engagement dans la compréhension d'une épidémie alors très active sur le sol chinois.

Je n'entrerai pas dans le détail sur la problématique du laboratoire P4 de Wuhan : d'une part, à ma connaissance, l'institut Pasteur n'a pratiquement pas été impliqué dans sa mise en place ; d'autre part, s'il existe des interrogations quant aux dispositifs de sécurité de cet établissement, il n'y a aucune preuve de la rumeur selon laquelle le coronavirus aurait émergé d'un laboratoire chinois.

Quant à la transparence de la Chine sur l'ampleur de l'épidémie, le faible nombre de morts qui y sont comptabilisés soulève effectivement de nombreuses questions. L'histoire nous dira ce qu'il en est réellement. Selon un article paru aujourd'hui dans le New York Times, je crois, l'étude de la surmortalité dans les pays permettra, dans le futur, d'avoir une image de l'impact de l'épidémie bien plus nette que celle qui transparaît à travers les chiffres communiqués par les États.

Peut-être l'OMS a-t-elle tardé à annoncer une épidémie de portée mondiale, ou pandémie, mais je ne suis pas certain que cela aurait changé quoi que ce soit. A contrario, elle a envoyé des signaux très clairs sur les risques associés à cette pandémie et martelé des consignes pour que l'on teste. Or, on le voit, la pandémie a été contenue dans les pays ayant généralisé les tests. On peut donc regarder ce qu'a fait l'OMS, mais, dans ce cas, il faut aussi regarder la façon dont on a pris en charge l'épidémie.

N'étant pas spécialiste, je ne veux pas trop me prononcer sur la réouverture des écoles. La question de savoir si les enfants sont vecteurs ou pas suscite effectivement des interrogations. Des études vont probablement être mises en oeuvre sur la séroprévalence au sein de cette population et permettront de dégager des connaissances sur le sujet. Selon les premières informations dont je dispose, il ne semble pas que les enfants soient particulièrement vecteurs de la maladie, mais, à nouveau, je ne suis pas spécialiste du sujet.

S'agissant de la protection contre le virus, l'interrogation demeure. Nous avons des exemples rapportés, indiquant des possibilités de recontracter le virus. En l'absence de certitudes, il faut donc maintenir les gestes barrières et la distanciation physique.

En quoi ce virus est-il problématique ? Il présente, au niveau moléculaire, une très bonne adaptation entre sa protéine de surface, la protéine S, et le récepteur ACE2 situé à la surface de nos cellules, ce qui facilite son entrée dans celles-ci. C'est probablement ce qui le rend plus virulent.

On sait par ailleurs que les coronavirus sont sensibles à une hygrométrie et une température élevées, ce qui peut laisser envisager une baisse de l'épidémie durant la phase estivale, mais avec un rebond probable à l'automne ou en hiver. Mais, comme on en apprend tous les jours avec ce virus, il est encore difficile d'avancer des hypothèses sur la suite de l'épidémie.

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