Intervention de Laurence Rossignol

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 16 avril 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Adrien Taquet secrétaire d'état à la protection de l'enfance

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Je voudrais revenir sur la prévention des violences, en particulier dans les familles monoparentales qui sont en ce moment particulièrement exposées à l'épuisement et à des situations matérielles compliquées. Avoir la responsabilité d'un ou de plusieurs enfants quand on est seule pendant la période actuelle peut soulever d'importantes difficultés.

Je vais vous adresser, Monsieur le ministre, une demande que je vous remercie de bien vouloir transmettre à ceux de vos collègues dont c'est la compétence : il faudrait que les familles monoparentales soit incluses dans la catégorie qualifiée de personnes vulnérables au regard des possibilités de visites pendant cette période de confinement afin qu'elles puissent bénéficier d'aide et de soutien, au même titre que ce qui existe pour les personnes âgées ou handicapées. Je crains en effet qu'il existe des situations de délaissement des enfants, de violences sur les enfants ou de défaillance du parent.

Je voudrais également attirer votre attention sur les violences intrafamiliales que constituent celles des adolescents violents avec leurs parents, notamment avec leur mère, sujet tabou s'il en est...

Je considère que ces enfants relèvent de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante : un enfant violent est un enfant délinquant, donc un enfant en danger qui relève de la protection de l'enfance. Je sais que c'est un sujet difficile. Mais il faut dire que ces situations existent car les parents, les mères en particulier, qui subissent ces violences, sont dans une dissimulation et une culpabilité encore plus grandes que lorsque l'auteur des violences est le conjoint. Il faudrait leur faire savoir qu'elles peuvent, elles aussi, se signaler dans les pharmacies et que la situation qu'elles vivent ne signifie pas obligatoirement qu'elles sont des mères défaillantes ou en échec.

Vous avez annoncé un abondement de 500 000 euros supplémentaires. Pourriez-vous nous préciser la provenance de ces fonds que je n'ai pas vus dans le projet de loi de finances rectificative ? S'ils proviennent des budgets du Fonds national d'action sociale (FNAS) ou de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), pourriez-vous faire en sorte que les conditions d'attribution aux familles soient assouplies ?

Les critères du FNAS ou de la CNAF n'incluent pas le réseau d'entraide des familles monoparentales, car il regroupe des associations locales. Il n'est pas éligible aux subventions de ces deux organismes et n'a donc pas de moyens pour se développer en réseau. Pourrions-nous, pendant cette période, adapter les critères - parfois un peu rigides - d'attribution de ces subventions, que satisfont plus facilement les organisations nationales et les « têtes de réseau » ?

En ce qui concerne le sujet de la prostitution des mineurs, je suis également très inquiète : les stocks de drogue pourraient être rapidement épuisés. Je crains donc que ce soit au travers de la prostitution de leurs soeurs, cousines ou copines que les dealers poursuivent leur trafic.

Décidément, les raisons pour lesquelles la police ou les pouvoirs publics persistent à ne pas mettre à profit la loi du 13 avril 20161(*) pour repérer les mineurs victimes de la prostitution m'échappent. Je ne cesse d'expliquer que si l'on applique la loi, c'est-à-dire si l'on verbalise les clients, on finit par repérer les mineurs dont ils sont les clients. Si l'on ne poursuit pas les clients, on passe forcément à côté de cette dimension de la prostitution. Si les parquets n'insistent pas, la police aura toujours mieux à faire qu'à appliquer cette loi !

Je sais que ce sujet de la prostitution des mineurs fait partie de ceux qui vous préoccupent mais j'insiste : plutôt que de créer de nouveaux outils, ne vaudrait-il pas mieux utiliser et maximiser ceux qui sont déjà à notre disposition ?

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