Intervention de Bruno Angles

Commission d'enquête Concessions autoroutières — Réunion du 11 mars 2020 à 9h35
Audition de M. Bruno Angles représentant des sociétés concessionnaires d'autoroutes dans les discussions avec l'état sur les contrats de concession de 2014 à 2015

Bruno Angles, représentant des sociétés concessionnaires d'autoroutes dans les discussions avec l'État sur les contrats de concession de 2014 à 2015 :

Si je vous répondais que tout était faux dans le rapport de l'Autorité de la concurrence, cela ne serait pas sérieux. Bien sûr, tout n'est pas faux, mais le rapport de l'Autorité et sa communication ont envoyé l'exécutif et les parlementaires dans le mur ; je maintiens mes propos.

À l'époque, j'avais regardé attentivement tous les rapports qui sortaient sur les autoroutes, mais mon rôle transversal n'a duré que quatre mois et six jours ; j'étais davantage focalisé sur APRR et AREA. Je n'ai pas souvenir que la Cour des comptes ou l'Autorité de la concurrence aient mis en évidence le moindre manquement d'APRR et AREA dans l'exécution de leur contrat. Les sociétés d'autoroute voulaient alors respecter le contrat et ne demandaient qu'une chose au concédant, qu'il fasse de même.

Je me souviens de l'hystérie collective sur les tarifs au coeur de la polémique. L'Autorité de la concurrence avait pointé que les tarifs avaient évolué plus rapidement que l'inflation depuis la privatisation. C'est un point exact du rapport. Mais la véritable interrogation est : pourquoi une telle augmentation ? Or il n'y a que deux raisons au monde pour que ces tarifs augmentent plus rapidement que l'inflation, puisque par défaut, les contrats de concession stipulent que les tarifs évoluent à 70 % de l'inflation. La première, c'est l'existence de contrats d'entreprise quinquennaux, qui rémunèrent des investissements supplémentaires par une formule tarifaire contractuelle. Il n'y a aucune obligation de conclure un tel contrat quinquennal. À l'époque où j'étais en charge du sujet, de mémoire, seules les trois sociétés du groupe Vinci, AREA et APRR avaient un contrat d'entreprise, mais pas la société des autoroutes du nord et de l'est de la France (Sanef) ni la société des autoroutes Paris-Normandie (SAPN) - dont les tarifs ont continué d'évoluer à 70 % de l'inflation. En cas de contrat d'entreprise, le contrat de concession prévoit une rémunération à 85 % de l'inflation, plus un terme constant. Pour le contrat d'entreprise d'APPR de 2014-2018, la formule était de 0,85 plus 0,37 ; pour AREA, de 0,85 plus 0,41.

La seconde raison pour aller au-delà des 70°% est la compensation, éventuelle, prévue par le contrat de concession, de toute hausse de taxes spécifiques comme la taxe d'aménagement du territoire ou la redevance domaniale. Les sociétés ne sont évidemment pas favorables à de telles augmentations de taxe, malgré la compensation : toutes choses étant égales par ailleurs, cela ne leur rapporte rien, voire peut faire diminuer le trafic. Ces deux décisions sont aux mains du concédant.

L'association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA) avait calculé qu'entre 2000 et 2006, lorsque l'État était actionnaire, unique puis majoritaire, pour une inflation moyenne de 1,63 %, les hausses de tarifs ont été de 2,06 %. Entre 2007 et 2014, pour une inflation moyenne de 1,43 %, les hausses de tarifs ont été de 1,81 %. Quoi qu'en dise l'Autorité de la concurrence, ces tarifs ont augmenté moins vite quand les actionnaires étaient privés que lorsque l'État était actionnaire. Certes, l'inflation n'était pas la même, mais en corrigeant de l'inflation, les deux chiffres deviennent exactement comparables, à la deuxième décimale près. Ce n'est pas le fruit du hasard, mais cela est dû au fait que le contrat de concession n'a pas changé.

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