Intervention de Sébastien Soriano

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 22 avril 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Sébastien Soriano président de l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la distribution de la presse arcep en téléconférence

Sébastien Soriano, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la distribution de la presse (Arcep) :

À propos de l'application StopCovid, nous n'avons été informés de l'initiative d'Orange ni par Orange ni par le Gouvernement. Les Français et les Allemands rassemblent autour de l'Inria et du Fraunhofer Institut un consortium de plus en plus large de pays, pour développer une application. S'il n'entre pas dans les compétences de l'Arcep d'émettre un jugement sur celle-ci, je note qu'il existe un débat sur son opportunité. Il y a aussi des discussions sur le type de protocole qui sera utilisé, sur la nature des informations qui seront échangées entre les smartphones, et sur le rôle de l'entité centrale - s'agira-t-il d'un serveur d'Apple ou de Google, ou de celui d'une autorité publique de santé ? Ce débat ne doit pas être ramené à la dialectique centralisation-décentralisation. Parfois, en décentralisant, on crée des brèches... Et, dans les systèmes d'Apple et de Google, ces deux entreprises restent toujours présentes. La CNIL joue pleinement son rôle et fera respecter le règlement général sur la protection des données (RGPD). Les concepteurs de cette application sont aussi très profondément inscrits dans une logique de protection de la vie privée.

Pour l'Arcep, cette application interroge sur le pouvoir de ce qu'on appelle parfois le « GApple » sur ce qui se passe à l'intérieur des réseaux. Une proposition de loi déposée par Mme Primas, présidente de la commission des affaires économiques, et votée à l'unanimité par le Sénat, vient prendre le relais de la proposition, formulée par l'Arcep il y a deux ans, d'étendre la régulation des télécoms aux OS. Pourquoi réguler les télécoms, en effet ? Parce qu'il s'agit d'une infrastructure essentielle pour la collectivité. Mais on ne peut pas s'y connecter sans un terminal : impossible de mettre son doigt dans une prise optique ! Longtemps, nous avons pensé que le fonctionnement des terminaux garantirait que le jeu soit vraiment ouvert.

De fait, au début, sur les ordinateurs fixes, nous pouvions maîtriser ce que nous faisions : installer des logiciels, changer des équipements, bricoler... Bref, l'ordinateur appartenait à son utilisateur. Nous constatons à présent que les smartphones, qui ont changé nos vies, sont aussi des prisons dorées, car les « GApple » y décident beaucoup de choses à notre place. Nous ne souhaitons pas que l'État prenne ces décisions en lieu et place des « GApple », mais qu'une autorité publique soit en mesure de discuter ces choix, et en particulier les restrictions - par exemple, les applications préinstallées du fait de partenariats commerciaux, qu'on ne peut parfois pas désinstaller. Autre exemple : Apple a réservé la fonctionnalité qui permet de payer sans contact pour Apple Pay, alors que d'autres solutions existent. Pour l'application contre le Covid-19, Google et Apple sont en train de dicter leurs règles.

Il est anormal qu'aucune autorité publique ne soit en situation de discuter leurs choix, c'est-à-dire de les comprendre et d'arbitrer : après tout, les restrictions peuvent avoir des motifs légitimes... Il faut donc un arbitre, comme le prévoit la proposition de loi. Cela nous mettrait en capacité d'avoir un dialogue nourri et, le cas échéant, musclé, avec ces acteurs. Et, au besoin, de lever les restrictions non nécessaires.

Un opérateur public assurerait-il un meilleur équilibre territorial ? Oui, certainement. Mais, à travers les réseaux d'initiative publique, il existe déjà de tels opérateurs. Simplement, je recommande de continuer à s'appuyer sur la force motrice du marché. En France, le secteur des télécoms investit quelque 10 milliards d'euros par an, pour un chiffre d'affaires d'environ 40 milliards d'euros. C'est le taux d'investissement le plus élevé au monde. Habituellement, on observe plutôt 15 ou 20 %. Nous n'hésitons pas à faire pression pour que cet argent soit investi dans l'intérêt des territoires.

Comment répondre dans l'urgence au problème des zones blanches ? C'est justement la vitesse qui est difficile : on touche assez vite des limites. La capacité d'un pays à développer des réseaux n'est pas infinie et, avec 4,9 millions de lignes optiques déployées en 2019, nous avions atteint un niveau déjà très ambitieux. La vitesse, donc, nous l'avons. Reste à ce que les opérateurs se montrent responsables et la retrouvent rapidement après la crise. Changer complètement de modèle casserait ce qui existe et nous ferait perdre beaucoup de temps.

Oui, la 5G consomme 30 % d'énergie en plus, mais de quoi parlons-nous ? Pour l'instant, la 5G n'existe pas en France... Nous invitons donc les associations à travailler avec nous pour éviter que l'impact environnemental des réseaux ne s'accroisse, et pour cantonner la part des télécoms - qui font déjà beaucoup d'efforts en la matière - dans la consommation générale. Ce qui inquiète, ce n'est pas tant la consommation d'énergie du numérique, qui reste plus faible que celle de beaucoup d'autres secteurs, que sa croissance potentielle. La solution n'est pas de tout arrêter, mais de continuer à développer les usages à l'intérieur d'une enveloppe environnementale donnée.

La 5G est-elle utile ? Avant d'apporter l'internet des objets, elle donnera davantage de fréquences, ce qui permettra de mieux affronter l'augmentation du trafic sur les réseaux mobiles. La médiation numérique incombe au Gouvernement, et notamment à M. Cédric O.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion