Pour réguler les grands acteurs d'internet, l'idéal est de se placer à la plus grande échelle possible. L'échelle internationale paraît peu crédible, au vu de la difficulté qu'on observe, déjà, à les taxer : faire financer les routes et les écoles par l'industrie du vingt-et-unième siècle semble compliqué... C'est l'échelle européenne qu'il faut viser, même si elle comporte aussi des points de vue assez divergents. Lors d'une crise sanitaire, des enjeux de souveraineté nationale se manifestent aussi. La proposition de loi déposée par Mme Primas prévoit une échelle nationale, et cela a été validé par le Conseil d'État. La régulation du numérique ne se fait donc pas forcément au niveau européen, malgré la directive e-commerce, qui prévoit justement des exceptions.
Et il ne faut pas sous-estimer l'importance de la proximité du terrain. La proposition de loi permet, par exemple, à des start-up de saisir le régulateur de déréférencements abusifs. Il faut rester proche du tissu entreprenarial national : on ne traitera pas tous les jours de grands bras de fer entre multinationales. Bref, il faudrait un cadre juridique européen, et des applications par des autorités nationales, regroupées dans des organes de coordination, sur le modèle de l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques, le Berec - Body of European Regulators for Electronic Communications -, qui a permis une mise en oeuvre harmonieuse de la neutralité du net en Europe, dans le cadre du règlement de 2015, alors même que celle-ci posait des questions de fragmentation aussi importantes que la régulation des grands acteurs d'internet. Nous pourrions commencer par mettre en place une régulation nationale, et inviter ensuite nos partenaires européens à s'y joindre.
Sur l'accès social au numérique, les opérateurs ont pris des initiatives. Le plus simple, si l'on bute sur des questions administratives, est de distribuer massivement des cartes SIM dotées d'un forfait de données, même si cela peut compliquer la gestion des réseaux. Je suis conscient du décalage que suscite la 5G dans les ressentis. L'Arcep souhaite que, quelle que soit la technologie, tous les territoires aient accès à la même performance. Or la 5G constitue surtout une solution pour les zones urbaines saturées. En zone rurale, l'objectif est souvent d'amener la 4G. Dans l'attribution des fréquences, nous demandons aux opérateurs un quadruplement du débit obligatoire sur l'ensemble du réseau - en respectant un calendrier. L'Arcep veillera attentivement à ce que tous les territoires soient desservis.