En ma qualité de rapporteur de ce texte pour notre commission, je souhaite vous faire un point sur l'état de l'application, au 31 mars, de la loi du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement.
C'est la première fois que nous nous penchons sur l'application de cette loi promulguée il y a neuf mois. Depuis pourtant, elle a donné lieu à un changement majeur : la mise en service, le 1er janvier dernier, d'un nouvel établissement public, l'Office français de la biodiversité (OFB), devenu le principal pilote en matière de biodiversité et de nature dans le paysage administratif français.
Il y avait là une vraie gageure, vous vous en souvenez : mettre à flot une nouvelle agence d'État en à peine cinq mois et moins de trois ans après la création de sa prédécesseure, l'Agence française pour la biodiversité (AFB), qui se retrouve ainsi fusionnée dans le nouvel établissement avec l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).
Pour rappel, outre la création de ce nouvel établissement public, la loi du 24 juillet 2019 comprenait un volet renforçant les pouvoirs de police judiciaire donnés aux inspecteurs de l'environnement ainsi qu'un volet visant à mettre en oeuvre la réforme de la chasse et le plan biodiversité de juillet 2018.
Vous vous en souvenez certainement, ce volet a notamment inscrit dans la loi l'engagement des fédérations de chasseurs d'amplifier leurs actions en faveur de la biodiversité, ainsi que la mise en place d'un dispositif de gestion adaptative, qui permettra d'adapter à l'état de conservation de certaines espèces le nombre de spécimens pouvant être prélevés.
Au 31 mars 2020, soit environ huit mois après son entrée en vigueur, dix mesures réglementaires d'application ont été prises sur les seize prévues, soit un taux global d'application de 63 %. Comme le ministère nous l'a indiqué et comme nous pouvons le comprendre, la crise sanitaire actuelle liée à l'épidémie de coronavirus est venu perturber le calendrier de publication des textes d'application de la loi. En effet, tant les services du ministère que le Conseil d'État ont été depuis plusieurs semaines pleinement mobilisés sur de nombreuses urgences.
À ce jour, six décrets doivent encore être pris, principalement relatifs à la réforme de la chasse.
En ce qui concerne le premier volet relatif à l'OFB, toutes les mesures réglementaires prévues par la loi ont été prises, permettant ainsi au nouvel établissement de voir le jour le 1er janvier dernier et de tenir son premier conseil d'administration le 3 mars dernier. Le décret n° 2019-1580 du 31 décembre 2019 relatif à l'Office français de la biodiversité rassemble toutes ces mesures. L'arrêté du 30 décembre 2019 a nommé Pierre Dubreuil à la tête de l'établissement et onze arrêtés prévus par le décret que je viens de vous citer ont été pris pour permettre le bon fonctionnement du nouvel établissement - fixation du siège de l'OFB à Vincennes, désignation du commissaire du Gouvernement, modalités de la contribution financière de l'OFB aux parcs nationaux, contribution financière des agences de l'eau à l'OFB. En outre, la décision interministérielle du 1er janvier 2020 a fixé le budget initial de l'établissement pour 2020 : 423,39 millions d'euros en recettes et 433,39 millions d'euros en dépenses, une autorisation de prélèvement sur fonds de roulement de 10 millions d'euros ayant été accordée.
En revanche, ni le conseil scientifique ni le comité d'orientation prévus par la loi n'ont été mis en place. S'agissant du conseil scientifique, la liste fixant sa composition est en cours de finalisation et devrait être publiée fin avril ou mi-mai 2020 selon les informations qui nous ont été transmises par le ministère. Quant au comité d'orientation, l'objectif semble être une première réunion de cette instance d'ici la fin de l'année.
Il convient de noter que le projet de décret prévu par l'article 3 de la loi et qui doit préciser les missions d'intérêt général par l'État aux conservatoires botaniques nationaux, n'a en revanche pas encore été pris. Il a été soumis à la consultation du public et à celle du Conseil national de protection de la nature (CNPN) en décembre 2019, qui a émis un avis favorable.
Il est apparemment toujours en cours d'examen par le Secrétariat général du gouvernement en vue de sa soumission au Conseil d'État.
Je regrette en revanche que les deux rapports prévus par la loi relatifs aux carrières des personnels de l'OFB n'aient toujours pas été transmis, alors qu'ils devaient l'être dans un délai de six mois suivant la publication de la loi. Ce retard est d'autant plus regrettable que l'installation de l'OFB s'est faite en urgence dans un climat social tendu pour une grande partie des agents de terrain.
J'en viens à la réforme de la chasse. Sur ce volet, moins de la moitié des mesures d'application ont été publiées à ce jour - six sur les treize prévues par la loi. La plupart de ces décrets devant être pris devant le Conseil d'État, leur calendrier de publication est aujourd'hui soumis à l'incertitude liée à l'épidémie de coronavirus, qui entraîne un grand nombre de textes urgents à examiner par le Conseil d'État.
Trois décrets ont été pris visant principalement à renforcer le rôle des acteurs du monde cynégétique à la protection de la biodiversité : le décret n° 202087 du 5 février 2020 relatif à l'autorisation de chasser accompagné et aux procédures de rétention et suspension administratives du permis de chasser, le décret n° 202092 du 6 février 2020 relatif à certaines ressources et charges de la Fédération nationale et des fédérations départementales des chasseurs et le décret n° 20191432 du 23 décembre 2019 relatif aux missions de service public des fédérations départementales des chasseurs concernant les associations communales de chasse agréées et les plans de chasse individuels.
Concernant ce dernier décret, je signale que alors que l'article 13 de la loi prévoit une intervention obligatoire du préfet en cas de défaillance grave dans la prise en compte par le plan de chasse des orientations du schéma départemental de gestion cynégétique ou d'augmentation importante des dégâts de gibier lorsqu'il est établi qu'elle résulte de prélèvements insuffisants, la mesure réglementaire publiée ne prévoit dans ces cas qu'une simple faculté pour le préfet. L'intention du législateur n'a donc pas été respectée sur ce point.
Les services du ministère que j'ai interrogés m'ont indiqué qu'il s'agissait d'une erreur et qu'une modification du décret était prévue afin de la rectifier. J'y serai attentif.
Cinq mesures réglementaires restent à prendre, pour certaines dans un calendrier relativement incertain étant donné la surcharge actuelle du Conseil d'État. C'est le cas du décret relatif au fichier national du permis de chasser ou encore du décret définissant les modalités de la gestion adaptative des espèces, qui a fait l'objet d'un premier examen par le Conseil d'État très récemment, le 20 avril 2020.
Le rythme de publication des mesures réglementaires de cette loi est globalement satisfaisant, moins d'un an après son entrée en vigueur et malgré les difficultés actuelles qui ont ralenti certaines procédures requises pour la publication de ces mesures. Nous serons attentifs à la poursuite de la mise en application de la réforme de la chasse.