Intervention de Louis-Jean de Nicolay

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 29 avril 2020 : 1ère réunion
Bilan annuel de l'application des lois au 31 mars 2020 — Communication de m. hervé maurey président et des rapporteurs en visioconférence

Photo de Louis-Jean de NicolayLouis-Jean de Nicolay :

La loi portant création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été promulguée le 22 juillet 2019, son décret d'application est paru le 18 novembre 2019 et le décret nommant son directeur général, M. Yves Le Breton est paru le 23 décembre 2019.

Le processus de création de cette agence a été long : la mise en place d'un point d'entrée unique dans les services déconcentrés de l'État pour soutenir les collectivités territoriales dans la définition et la mise en oeuvre de leurs projets avait été évoquée par le président du Sénat en 2017. Nous l'avions également demandée dans notre rapport « Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité » avec le président Hervé Maurey, avant que le Président de la République ne fasse sienne cette idée et que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) dépose une proposition de loi pour créer cet opérateur.

Je rappellerai d'abord les points saillants de l'examen du texte au Parlement, avant de présenter l'état d'application de cette loi et de donner des informations pratiques sur sa mise en place. J'évoquerai enfin les projets du Gouvernement actuel s'agissant du soutien aux territoires ruraux.

S'agissant du premier point, l'une des spécificités du processus d'élaboration de cette loi est que le président du Sénat avait demandé l'avis du Conseil d'État sur le texte initial de la proposition de loi. Autre fait notable : c'est à l'initiative de notre commission que l'audition du directeur général pressenti de l'ANCT par les commissions compétentes du Parlement a été prévue en application de l'article 13 de la Constitution, avant que le pouvoir de nomination du Président de la République ne puisse s'exercer.

Enfin, je rappelle que si un consensus a pu être trouvé avec les députés au sujet des missions et du champ d'intervention de l'ANCT, nous ne sommes pas parvenus à nous accorder sur la question de la gouvernance : le Sénat souhaitait que les élus locaux et nationaux disposent de la majorité des voix au conseil d'administration de l'agence. Les députés et le Gouvernement ont refusé cette proposition. Nous avons ensuite proposé une procédure de minorité de blocage si une part importante des élus s'opposait à une décision du conseil d'administration mais la contre-proposition des députés lors de la commission mixte paritaire n'était pas satisfaisante.

Deuxième sujet : la loi portant création de l'ANCT est aujourd'hui applicable à 75 %. Onze mesures d'application étaient prévues, huit ont pu être traitées grâce au décret du 18 novembre 2019 notamment : la tutelle de l'ANCT, qui est exercée par les ministres chargés de l'aménagement du territoire, des collectivités territoriales et de la politique de la ville ; l'intégration de l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux (Epareca) et de l'Agence du numérique ; la composition du conseil d'administration, qui comprend 33 membres dont 16 représentants de l'État, 1 représentant de la Caisse des dépôts, 10 élus locaux, 2 représentants du personnel de l'agence et 4 parlementaires ; la composition et le fonctionnement du comité local de la cohésion territoriale et le rôle du préfet de région.

À l'heure actuelle, il manque encore trois mesures d'application : une convention entre le ministre chargé de l'aménagement du territoire et le ministre chargé des communications électroniques et du numérique est prévue pour définir la reprise des missions de l'ancienne Agence du numérique par l'ANCT - elle est en cours d'élaboration et sera présentée au conseil d'administration de l'ANCT dans les prochains mois ; les conventions pluriannuelles liant l'ANCT et ses opérateurs partenaires (Anru, Anah, Cerema, Caisse des dépôts, Ademe) et prévoyant les conditions de leur participation financière aux missions de l'ANCT manquent encore. Il sera difficile de rattraper le retard. La convention avec le Cerema est prête, de même que celle avec l'Anru. Pour l'Ademe, l'Anah et la Banque des territoires, l'élaboration des conventions devrait aboutir en juin. Je rappelle que ces conventions devront être transmises au Parlement lorsque les organes délibérants des établissements concernés les auront adoptées, comme le Sénat l'avait prévu.

Il manque également un décret d'application pour prévoir les catégories de personnes pouvant entrer dans la « réserve citoyenne pour la cohésion des territoires », la durée et les clauses du contrat d'engagement. Il s'agit d'une disposition introduite par les députés.

Enfin, le ministère de la cohésion des territoires m'a indiqué qu'une circulaire et un vademecum seront adressés aux préfets, pour clarifier la doctrine d'intervention de l'ANCT.

D'un point de vue concret et une fois ces étapes indispensables franchies, l'ANCT sera pleinement opérationnelle en octobre 2020. Elle rassemble près de 380 agents publics ou contractuels répartis sur quatre sites principaux - Paris, Lille, Lyon et Marseille - et son budget s'élève à environ 75 millions d'euros pour l'année 2020. Il est évident que la crise sanitaire actuelle ne permet pas aux projets locaux d'émerger et d'être soutenus par l'agence de façon aussi fluide qu'en temps normal. Nous devrons donc rester attentifs, localement, aux éventuelles situations de blocage avec les préfets pour intervenir en appui et faire remonter des problématiques au ministère, le cas échéant. Il serait également nécessaire que le Gouvernement indique s'il compte prioriser certains types de projets par rapport à d'autres, je pense par exemple à la mobilité, aux ouvrages d'art, aux circuits courts alimentaires ou au télétravail et à l'aménagement numérique du territoire, qui démontre ses forces et ses faiblesses pendant la crise.

Dernier point : quelle politique le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour les territoires ruraux ? Deux initiatives ont été mises en place : d'une part, une mission inter-inspections a été lancée pour faire des propositions sur l'évolution des dispositifs de zonage concernant les territoires ruraux, notamment les zones de revitalisation rurale. D'autre part, le directeur général de l'ANCT a saisi l'Insee le 10 mars dernier pour engager un travail de redéfinition de « l'espace rural » associant des critères démographiques, morphologiques et économiques.

Sur ces deux sujets, j'ai proposé à notre collègue Rémy Pointereau, rapporteur de la mission sur les zones de revitalisation rurale, de rédiger un courrier à l'attention de la ministre Jacqueline Gourault pour que nous soyons tenus informés et associés à ces travaux. Nous ne devons pas être mis devant le fait accompli sur ce sujet essentiel pour l'avenir de la ruralité.

Avant de conclure, je vous indique que le prochain conseil d'administration de l'agence se tiendra le 17 juin prochain et que vous pouvez me faire part de situations locales si vous le souhaitez.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion