rapporteure pour avis, en remplacement de M. Alain Milon, rapporteur pour avis. - À l'issue de bientôt deux mois de confinement, et alors que nous nous réunissons aujourd'hui pour la première fois depuis l'adoption de la première loi d'urgence, je ne peux entamer mon propos sans vous faire part d'une grande satisfaction, dont la période qui s'achève s'est pourtant montrée particulièrement avare. Pendant que le pays, dépourvu à ce jour de toute certitude sur son avenir, est engagé dans un moment de son histoire dont il gardera pour longtemps la mémoire et les marques, le Parlement n'a pas un instant cessé d'exercer, dans la tempête sanitaire dont nous avons été et continuons d'être violemment secoués, la vigilance essentielle et indispensable à tout état d'exception.
Alors que nous avons à examiner aujourd'hui le second projet de loi d'urgence, par lequel le Gouvernement nous demande de proroger l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 23 juillet prochain inclus, l'avis de notre commission des affaires sociales reste à mon sens plus déterminant que jamais.
Je vous propose que notre avis porte plus particulièrement sur les articles 2, 3 et 6.
L'article 2 du projet de loi, qui apporte plusieurs restrictions matérielles aux compétences du Premier ministre en cas de déclaration de l'urgence sanitaire, s'attarde plus particulièrement sur les cas de mise en quarantaine, qui concerne les personnes potentiellement atteintes du Covid-19, et de mise à l'isolement pour les personnes qui en sont effectivement atteintes. La mise en oeuvre généralisée du confinement, dont le présent projet de loi prépare la sortie, a jusqu'à présent rendu logiquement inutile la prise de mesures individuelles de cet ordre.
La question se posera néanmoins avec une acuité particulière à partir du 11 mai, lorsque nous recouvrerons tous notre liberté d'aller et venir. Par quels moyens pourrons-nous alors nous protéger de cette « seconde vague » d'hospitalisations, légitimement tant redoutée, et à laquelle notre système hospitalier durement éprouvé par deux mois de tensions ininterrompues ne manquerait pas de succomber ? La solution proposée par l'article 2, qui ne réserve les cas de quarantaine et d'isolement contraint qu'aux entrées sur le territoire national et aux déplacements entre la partie continentale et les parties insulaires de la République, est à mon sens bien trop limitée. Pire, elle est dangereuse. En désignant aussi explicitement les seuls cas d'isolement prophylactique contraint, elle fait courir le risque réel d'une insouciance de nos concitoyens qui, légitimement grisés par leur liberté retrouvée, ne manqueront pas d'y voir le signe abusif que le danger est écarté tant qu'on reste au sein des frontières terrestres du pays. J'y vois là une imprudence majeure.
Je ne peux bien sûr que m'associer à la volonté du Gouvernement d'emprunter désormais des voies décisionnelles plus incitatives que coercitives, mais, alors que la menace est encore loin d'être écartée, notre vigilance doit se maintenir. C'est pourquoi je vous proposerai de prévoir un autre cas d'isolement prophylactique contraint, imposé au patient qui, par un refus réitéré des prescriptions médicales qui lui sont faites, contribuerait à un inéluctable rebond de l'épidémie. J'ai conscience que cette position n'emportera pas que des adhésions, surtout à quelques jours de la levée tant attendue du confinement. Je l'estime néanmoins de responsabilité, et je lui trouve la marque distinctive du souci que la commission des affaires sociales a toujours pris des impératifs de santé publique.
L'autre grand sujet de ce projet de loi dont nous nous sommes saisis figure à l'article 6, et concerne l'ouverture d'un fichier de données nominatives relatives aux patients atteints ou potentiellement atteints du Covid-19.
En cohérence avec l'avis que j'ai précédemment formulé sur l'article 2, les dérogations importantes qu'appelle la création d'un pareil outil me paraissent parfaitement fondées au regard de l'objectif d'intérêt général qu'il entend servir : le suivi sanitaire, aussi dénommé tracing, de tout patient atteint et de l'ensemble des cas contacts. Cela ne s'est certes jamais vu, mais, au regard du caractère extrêmement transmissible de l'épidémie que nous traversons et de l'obligation qui est la nôtre de réussir notre sortie de confinement, les moyens sont, à mon sens, justifiés par la fin.
Je tiens néanmoins à apaiser les alarmes légitimes : la levée du secret médical et la suspension du recueil obligatoire du consentement du patient à la collecte de ses données personnelles de santé ne me semblent pas présenter de menace particulière, pour autant qu'on ait très soigneusement circonscrit les données visées. Le texte présentait à cet égard une lacune importante, que je proposerai de combler par amendement.
Voilà, mes chers collègues, en quelques mots, résumée la doctrine de que je vous propose de défendre, au nom de la commission des affaires sociales.