Intervention de Geneviève Chène

Commission des affaires sociales — Réunion du 6 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme Geneviève Chêne directrice générale de santé publique france en téléconférence

Geneviève Chène, directrice générale de Santé publique France :

Concernant les masques, vous avez posé la question des couturières qui contribuent à la fabrication de masques « grand public ». Nous avons émis une position sur ce que l'on sait de ce type de masques et de leur utilité : cette synthèse est disponible en ligne sur notre site - je l'ai déjà commentée -, ils peuvent être utiles avec un certain nombre de conditions et de contraintes. Votre question relève davantage des normes de sécurité et donc de l'ANSM, de l'Afnor, et de la direction générale du travail ; je ne peux empiéter sur leurs champs : ce sont là des équipements de protection individuelle, ils ne relèvent pas des missions de Santé publique France.

Vous m'avez interrogée sur différents points concernant les tests. La première question portait sur les données produites par Santé publique France. Celles-ci ne sont pas exhaustives. Elles consistent à utiliser deux sources de données, l'une venant des laboratoires hospitaliers, l'autre venant d'un réseau de laboratoires biomédicaux de ville avec lequel nous travaillons de longue date et avons un historique, afin de pouvoir construire un indicateur de positivité. À partir du dénominateur connu et stable dans le temps, nous pouvons établir le taux de positivité, qui ne représente pas l'exhaustivité des tests. Nous sommes très clairs sur ce sujet, je pense, dans notre point épidémiologique hebdomadaire : nous ne sommes en pas en charge de mesurer le nombre de tests pratiqués sur le territoire français. Notre travail est différent des remontées faites par le ministère de la santé sur des aspects capacitaires. Si l'on se réfère au dernier point épidémiologique, nous n'aurons pas le chiffre de 280 000 : nous ne disposons que d'une partie des tests. Il faut prendre les données dont on dispose pour ce qu'elles sont : elles visent à mesurer le taux de positivité et voir la circulation du virus à travers le taux de positivité. On constate ainsi que le nombre de tests a augmenté mais que le taux de positivité a diminué avec le temps, signe d'une maîtrise de l'épidémie et d'une diminution de la circulation du virus, en particulier en ville. Je vous remercie de me donner l'occasion ici de préciser à nouveau ceci. Le ministère de la santé a toute légitimité à estimer la capacité de tests, nous avons de notre côté la mission d'évaluation de la positivité. La comparaison ne permet pas de conclure sur le capacitaire. Ce travail se fait en attendant la mise en place du système d'information Sidep, qui a vocation à être exhaustif, à mesurer le taux de positivité au niveau le plus fin sur le territoire et à donner une évolution dans le temps. Sidep permettra de connaître le nombre de tests, le taux de positivité et donc l'incidence de la maladie en temps réel : c'est un outil extrêmement puissant et important pour suivre l'épidémie et ajuster les outils de gestion de manière rapide.

Vous avez souligné que l'épidémie demeurait active avec un certain nombre d'hospitalisations. Nous ne faisons plus de contact tracing dans la phase 3, d'abord car la stratégie de test a changé. Nous sommes en capacité de faire du contact tracing efficace si nous testons largement : c'est la situation dans laquelle nous nous trouverons à nouveau à partir de la semaine prochaine et de la levée progressive des mesures de confinement. En phase 3, les ressources ne sont pas disponibles pour le contact tracing. Néanmoins, sur le point précis de ces hospitalisations, nous considérons qu'il est important de pouvoir les expliquer. Une série d'analyses est actuellement réalisée sur ces hospitalisations, avec un certain nombre de signaux dont nous disposons, comme l'âge qui semble augmenter. Nous veillerons à rendre publiques nos conclusions : ces enseignements peuvent être intéressants sur les modes de transmission. Dans une période où l'on constitue l'ensemble des connaissances au fur et à mesure, ils peuvent aider à une meilleure compréhension et à définir les meilleures mesures qui pourraient être préconisées.

Sur Stop Covid, je serai brève. Dans le champ des outils qui permettent le contact tracing en phase de déconfinement, il nous semblait - sous réserve, comme cela était prévu, qu'il respecte l'ensemble des droits et protections sur les données de santé individuelles - qu'il pouvait être un outil intéressant en complément de l'ensemble du dispositif. À partir du moment où il est volontaire, il sera un apport. Mais nous voyons que le dispositif qui se met en place est fondé sur une organisation avec une mobilisation de ressources humaines conséquente, avec une place importante donnée au médecin généraliste.

Vous avez souligné un certain nombre de points sur la promotion de la santé et la communication sur les gestes barrières. Nous le voyons, notamment dans les pays anglo-saxons, les aspects ludiques et bienveillants peuvent être un atout pour attirer l'attention et être mieux reçus des populations. Nous n'avons pour le moment pas de retour sur l'impact de cette communication télévisuelle sur la population. Notre enquête Covid-Prev, qui mobilise des méthodes de type baromètres, permet de mesurer régulièrement l'adoption des gestes barrières et l'évolution dans le temps. Nous voyons que le port du masque est extrêmement bien accepté. Un certain nombre de gestes barrières doivent eux en revanche faire encore l'objet d'une information et d'une communication soutenues pour en favoriser l'adhésion. D'autres méthodes de communication peuvent être intéressantes et l'impact des différents modes de communication doit pouvoir être mesuré.

Concernant les croisières, nous avons vu émerger un certain nombre de « clusters » et de cas groupés dans celles-ci. Dans ces situations, les données ne remontent pas s'ils ne sont pas situés dans le territoire français. Les cellules locales étaient largement mobilisées, dans les territoires d'outre-mer en particulier, pour être en appui sur le contact tracing et sur les préconisations en cas d'identification de cas d'alerte.

Les médicaments vétérinaires ne sont pas dans notre périmètre.

Vous soulevez enfin un point très important sur les personnes drépanocytaires. Une coordination des programmes de recherche, Reacting, vise à soulever l'ensemble des questions et hypothèses scientifiques qui peuvent être étudiées. Un effort important est fait pour mobiliser les chercheurs. Même si ce n'est pas dans notre champ, nous sommes en lien avec la coordination des chercheurs : un certain nombre de questions peuvent être utiles pour soulever des hypothèses. Nous suivons les questions des personnes particulières, en particulier atteintes de drépanocytose, et sommes vigilants à ce que ces personnes fassent l'objet d'observations particulières sur l'impact potentiel de la maladie et de l'épidémie en général. Encore une fois, nous nous posons la question de l'impact de l'infection chez ces personnes mais aussi celle du maintien du recours au soin et du suivi de ces personnes pour qu'il n'y ait pas, sur cette période, d'épidémie, de pertes de chances sur d'autres dimensions de santé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion