Intervention de Jacqueline Gourault

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme Jacqueline Gourault ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et de M. Sébastien Lecornu ministre chargé des collectivités territoriales

Jacqueline Gourault, ministre :

Peut-être quelques éléments de réponses sur l'avenir des impôts de production, sans prendre une position définitive, car sur cette question des arbitrages doivent être faits. C'est un sujet très important. Bien entendu, il y a une réflexion qui a été engagée, vous l'avez rappelé. Gérald Darmanin l'a dit, il est bien naturel de continuer à réfléchir pendant la crise et à regarder les impacts de celle-ci. Cependant il faut aussi poser la question d'une action sur les impôts de production en termes d'utilité économique. Je ne peux pas m'empêcher d'être la ministre des collectivités territoriales qui a exercé pendant longtemps des responsabilités locales et qui sait très bien que les impôts de production sont des ressources importantes pour les collectivités territoriales. Le conseil d'analyse économique avait préconisé dans une note de juillet 2019 de supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui est acquittée par les grandes entreprises sur la base de leur chiffre d'affaire et répercutée en cascade sur leurs clients, ce qui renchérit le coût de production en France. On peut noter que cette taxe ne concerne pas les collectivités. Je suis sûre que Bercy, dans sa réflexion sur les impôts de production, intègre cette analyse. S'agissant de la CFE, le conseil d'analyse économique a démontré qu'il y avait peu de raisons économiques de la remettre en question. C'est un impôt sur lequel les élus peuvent jouer en modulant le taux, contrairement à la CVAE. Cette dernière a une assiette plus étroite que la C3S et n'est pas payée à taux plein par beaucoup d'entreprises puisque celles dont le chiffre d'affaire est inférieur à 50 millions d'euros en sont dégrevées. De fait, on voit que les impôts économiques locaux ne sont peut-être pas si nocifs que cela pour la compétitivité dans notre pays. Par ailleurs, comme vous le savez et comme vous l'avez dit tout à l'heure, la relance ne se fera pas sans les collectivités locales. Et l'ambiance générale, les circonstances, me font dire personnellement qu'il faut être prudent sur l'idée de baisser des recettes des collectivités territoriales. La crise que nous ne maîtrisons pas a déjà suffisamment de conséquences sur les recettes des collectivités pour ne pas se diriger, dans les circonstances actuelles, vers une baisse de recettes supplémentaire. En ce qui concerne la relance, comme vous le savez, nous étions avant la crise en train de négocier avec les régions et les autres collectivités sur les contrats de plan État-régions qui devaient aboutir pour la fin de l'année 2020. Vous savez aussi qu'il y avait, en parallèle, la nouvelle période de contractualisation des fonds européens et que tout cela constituait des circonstances intéressantes pour soutenir les investissements dans notre pays et dans d'autres éventuellement. Mais la crise a stoppé nos négociations et je pense que, dans un moment où on parle de relance, alors qu'on a la chance d'avoir déjà un support sur lequel on a travaillé en identifiant beaucoup de projets locaux, il ne faut pas bannir cette méthode. Il faut continuer et reprendre le travail. Nos cabinets ont beaucoup travaillé avec les régions et les secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR) durant le confinement pour identifier les dossiers qui sont prêts. Il faut continuer ce dialogue contractuel entre l'État et les collectivités territoriales pour favoriser la relance économique, à travers une contractualisation et une concertation. On peut avoir des préoccupations macroéconomiques nationales par filière mais, en même temps, il ne faut pas abandonner le travail fait collectivement par l'État et les collectivités territoriales sur le terrain, sur des projets locaux d'infrastructures ou avec « Action Coeur de Ville » ou d'autres outils. Je pense que les dotations de soutien à l'investissement local (DSIL) et d'équipement des territoires ruraux (DETR) sont aussi très importantes, et j'en profite pour dire que leurs montants n'ont pas été modifiés.

Le sénateur Julien Bargeton a par ailleurs demandé s'il y avait des actions particulièrement efficaces menées en matière d'aides versées par les collectivités locales. Ce qui est fondamental, c'est le travail fait par les régions avec les EPCI, qui se partagent la responsabilité économique. L'abondement des EPCI aux fonds régionaux est le bienvenu. La participation des régions, et des autres collectivités volontaires, au fonds de solidarité nationale est très importante également.

Concernant la CNAF, une vérification va être faite. Les engagements pris par la CNAF doivent être maintenus ; ça n'est pas le moment de supprimer les aides de la CNAF aux collectivités territoriales.

Concernant la taxe de séjour, elle est, comme vous le savez, payée par les touristes ou payée de manière forfaitaire par les entreprises. Les communes peuvent bien sûr la reporter, on ne forcera pas une commune à recouvrer une taxe dont elle ne veut pas.

Enfin, le sénateur Yvon Collin a parlé de la responsabilité des élus. Je tiens à rappeler qu'elle est aujourd'hui protégée par la loi Fauchon de 2000. Elle est extrêmement protectrice pour les élus : la jurisprudence l'a prouvé depuis vingt ans. Le Premier ministre a dit hier qu'il n'était pas fermé à ce que l'on revienne sur ce sujet et que l'on en débatte, mais dans un cadre dédié et de manière mûrement réfléchie.

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