Intervention de Sébastien Lecornu

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme Jacqueline Gourault ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et de M. Sébastien Lecornu ministre chargé des collectivités territoriales

Sébastien Lecornu, ministre :

Le débat est foisonnant. Madame la sénatrice des Hauts-de-Seine, Christine Lavarde : on va laisser du temps pour permettre la répartition du FPIC, c'est-à-dire 2 mois de plus. S'il y a des difficultés locales, n'hésitez pas à nous en faire part. Par ailleurs la crise va poser à nouveau la question de la solidarité entre les collectivités territoriales. Le FPIC est bloqué mais ça fait plusieurs années que l'on dit qu'on peut regarder les choses. C'est un sujet dont le Parlement peut parfaitement s'emparer, en particulier le Sénat.

Concernant la relance de l'investissement, il y a les enjeux de libération et les enjeux financiers. Sur les enjeux d'assouplissement des règles existantes, se pose la question d'assouplir la doctrine d'utilisation de la DETR et de la DSIL. On fait travailler la direction générale des collectivités locales (DGCL) sur ce point. Aujourd'hui, quand on a une notification de DETR ou de DSIL, elle est obligatoirement attribuée au projet pour lequel la commune a déposé un dossier. Or on voit bien, avec les élections municipales et avec la crise actuelle, que d'autres projets peuvent désormais être prioritaires. Nous allons permettre aux préfets de disposer de souplesse sur des bascules d'enveloppes pour des notifications déjà faites. On va aussi réinterroger les projets qui sont en panne, non pas pour réformer une décision d'attribution de subvention mais pour regarder avec les élus si les projets ciblés vont bien être menés.

On va également assouplir les règles de marchés publics : le relèvement des seuils de dispense de publicité et de mise en concurrence de 25 000 euros et 40 000 euros n'a pas encore complètement créé ses effets dans les territoires. On a également des seuils à 90 000 euros pour certains types d'achat. Gérald Darmanin et Bruno Le Maire sont ouverts à ce qu'on continue à regarder comment assouplir les marchés publics. Mais je rappelle que dans la loi « Engagement et proximité » nous avons collectivement introduit le pouvoir de dérogation des préfets pour aller jusqu'à 100 % de subventions pour un maître d'ouvrage sur certains types de travaux, notamment en ce qui concerne le patrimoine. Je rappelle aussi que la Caisse des dépôts et consignations a développé beaucoup de produits ces dernières années - les aqua-prêts, par exemple, pour les investissements en matière d'eau potable et d'assainissement - mais on peut continuer à imaginer des choses. Ce qu'il faut, c'est faire système et faire simple, notamment pour les collectivités les plus petites. Je crois beaucoup à la politique des petits travaux, notamment en milieu rural, avec le seuil de 40 000 euros qui permet d'intéresser les PME et TPE de proximité. Il est clair que ce volet relance méritera une communication spécifique devant le Parlement.

Monsieur le Président Philippe Dallier, vous avez dit que les recettes diminuent pour tout le monde - c'est vrai - et que les dépenses augmentent pour tout le monde. Il faut le documenter parce qu'un certain nombre de collectivités font paradoxalement aussi des économies sur certains postes, notamment à travers l'annulation d'évènements.

Sur la Métropole du Grand Paris, je le redis, il faut bouger, et l'équation financière va rendre les choses inéluctables. Les questions financières vont rejoindre les questions institutionnelles. Je souhaite que, dès le déconfinement, on puisse réunir un certain nombre d'acteurs politiques, économiques et institutionnels de l'Île-de-France, en faisant attention au calendrier électoral. Sur les établissements publics territoriaux (EPT), le sujet repose essentiellement sur la CFE. Il y avait également des transferts de fiscalité économique qui devaient se faire entre les EPT et la métropole. Je ne vais pas le traiter spécifiquement ce matin mais sachez que j'en ai conscience.

Monsieur le sénateur Pascal Savoldelli et Monsieur le rapporteur général, vous avez bien fait d'évoquer le sujet du taux réduit de TVA pour les masques et équipements de protection personnelle. L'arrêté est signé mais non encore publié.

Monsieur le sénateur Savoldelli, vous avez raison de rappeler le rôle des collectivités. Mais je n'irai pas regarder qui en fait le plus et qui en fait le moins dans le confinement comme dans le déconfinement. Moi qui aime l'État autant que j'aime les collectivités territoriales, je pense qu'il y a la famille de la puissance publique et que chacun essaye de remplir son rôle. Après, on peut faire une lecture politique de ce que chacun fait. Si je devais en faire un peu, je pourrais très bien dire que le fonds de solidarité pour le soutien de notre économie représente 7 milliards d'euros dont 6,25 milliards abondés par l'État, 500 millions d'euros par les régions et 250 millions d'euros par les assureurs. La part de l'État représente donc 90 % du dispositif. Chacun fait à la mesure de ses moyens et des compétences dont il dispose.

Concernant les bonnes pratiques des intercommunalités, il y en a beaucoup. Est-ce qu'il faut les circulariser ? C'est toujours curieux au nom de la libre administration des collectivités territoriales que le Gouvernement puisse montrer des bonnes pratiques.

Si les intercommunalités souhaitent faire un geste sur la CFE, elles ont jusqu'au 3 juillet pour en abaisser le taux.

Monsieur le sénateur Jean-François Husson, concernant la prise en charge des dépenses afférentes aux masques, les dates créent toujours un effet de seuil. Le 13 avril est une date que l'on sait justifier : c'est la date à laquelle le Président de la République a annoncé le déconfinement au 11 mai. On aurait pu se lancer dans une usine à gaz en ciblant certaines catégories de collectivités, mais on a fait le choix de cibler toutes les collectivités en partant du principe que les plus grosses et les plus riches aideraient les plus petites et les plus pauvres à irriguer le territoire de masques grand public. On le fait en outre de manière souple : date de facturation et non date de livraison. Les collectivités devront adresser la facture à la préfecture et c'est ensuite l'État qui remboursera. Très franchement, je crois qu'on ne sait pas faire plus simple dans des délais aussi brefs, sans regarder à la dépense.

Concernant la clause de compétence générale, c'est un débat qu'il faut avoir tous ensemble : est-ce qu'il est souhaitable d'y revenir ? Je suis pour la souplesse mais ça n'améliorerait pas les choses en termes de lisibilité. Au moment où les départements vont avoir des difficultés financières importantes, ce serait les soumettre à nouveau à une pression politique de nos concitoyens pour qu'ils se réintéressent à beaucoup de choses alors qu'intervenir en faveur des personnes en fragilité sociale, des personnes en situation de handicap, des personnes âgées, représente déjà un champ de dépenses très important. Je suis à la disposition du Parlement pour traiter ce sujet, mais il faut le faire à voix haute et non par à-coups. Le Président Muselier est très hostile à ce que les départements reviennent sur le champ économique. Il faut aussi que les associations d'élus se parlent entre elles et que Territoires Unis dise des choses claires sur la clause de compétence générale.

Enfin, on ne peut pas installer les maires et leurs adjoints par vote électronique, car leur élection se fait au suffrage universel indirect et que l'article 3 de la Constitution précise que le suffrage universel est égal et secret. Or la visioconférence ne permet pas le vote secret. Ce serait donc manifestement inconstitutionnel. On peut tout faire de manière dématérialisée sauf les élections au suffrage universel et j'ajouterais, par précaution, la constitution des commissions d'appel d'offres (CAO).

Concernant le second tour, les règles de droit électoral continuent de s'appliquer. La commission nationale des comptes de campagne et le juge des élections peuvent donc continuer à regarder ce que les équipes sortantes sont en train de faire. La même prudence qui s'appliquait 6 mois avant le premier tour continue de s'appliquer entre le premier tour et le second tour des élections

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