Intervention de Édouard Philippe

Réunion du 6 mai 2020 à 15h00
Questions d'actualité au gouvernement — Collectivités locales et crise

Édouard Philippe :

Monsieur le sénateur, je vais répondre à la dernière partie de votre question, qui porte sur un sujet central.

Vous avez été élu maire, je l’ai été aussi. Vous vous souvenez donc comme moi de l’étendue des responsabilités qui ont été les nôtres : je ne pense pas que, ni dans votre cas ni dans le mien, cela ne nous ait jamais empêchés de prendre des décisions en veillant, dans toute la mesure du possible, à respecter la loi. Ce faisant, nous n’avons jamais cherché à nous exonérer de nos responsabilités. De ce point de vue, nous sommes bien alignés.

Vous avez raison, la perspective du déconfinement interroge ; parfois, elle inquiète nombre de nos concitoyens, parce que le virus fait peur, parce que beaucoup d’inconnues subsistent encore à la fois sur l’impact médical, sur la réalité de ce virus et sur ses modes de transmission. Par ailleurs, après une si longue période de confinement, reprendre une vie normale, même prudemment, même progressivement, a forcément quelque chose d’inquiétant.

Comme vous l’avez indiqué à juste titre, nous sommes tous saisis de très nombreuses questions formulées parfois par les maires, parfois par des responsables associatifs, parfois par des chefs d’entreprise, parfois par des responsables administratifs, qui s’interrogent sur les bonnes décisions à prendre.

Quelquefois, mais à titre infiniment subsidiaire, ils se posent aussi des questions sur la mise en cause de la responsabilité qui pourrait être la leur. Je ne dis pas que la problématique n’est pas importante, je dis seulement qu’en général ceux qui ont des décisions à prendre se posent d’abord la question de savoir si la décision qu’ils vont prendre est bonne. Seulement ensuite, le cas échéant, ils se demandent si l’on pourrait venir la leur reprocher. Je pense que c’est l’expérience que vous aussi avez.

J’ai indiqué ici même, à la tribune, lundi, à l’occasion de la présentation du plan de déconfinement, que ces questions étaient importantes et qu’il fallait les traiter sérieusement. J’entends parfaitement que le Parlement, dans son pouvoir souverain, puisse essayer d’apporter des améliorations.

J’ai également indiqué, monsieur le sénateur, et vous m’avez certainement entendu, que j’étais parfaitement favorable à ce que l’on précise le droit existant, déjà très protecteur, grâce au Sénat, d’ailleurs. Ce dernier, il y a vingt ans, a permis que la responsabilité des « décideurs », comme on dit parfois par facilité de langage, soit beaucoup mieux encadrée de telle sorte qu’elle ne soit pas trop facilement et trop systématiquement attaquée dans des cas où ils ne peuvent être tenus pour responsables. Je crois que ce dispositif est bon.

S’agissant de la réouverture des écoles, c’est l’État qui prend la responsabilité de les rouvrir. C’est l’État qui a fermé les écoles et c’est l’État qui décidera de les rouvrir. Il s’agit bien d’une responsabilité de l’État.

Sans doute faut-il préciser, s’agissant de la responsabilité civile ou de la responsabilité pénale, le régime de responsabilité. Faudrait-il inclure dans la loi des choses qui sont déjà dans la jurisprudence ou préciser que l’on ne peut prendre de décisions, s’agissant d’une épidémie, qu’en état actuel des connaissances scientifiques ? Sans doute. Mais atténuer, monsieur le sénateur, la responsabilité d’une catégorie de décideurs ou même de tous les décideurs ne me semble pas une bonne idée.

Je le dis comme je le pense, en étant conscient que ma réponse peut susciter chez beaucoup de maires des interrogations, voire des oppositions : si nous donnions le sentiment d’atténuer ou, plus encore, si nous atténuions effectivement la responsabilité des décideurs, nous ne rendrions pas service à notre pays et nous ne redonnerions pas confiance à nos concitoyens.

Je me permets donc de dire clairement que je ne m’inscris pas du tout dans une logique d’atténuation de la responsabilité. Le Sénat s’est exprimé. La position du Gouvernement a été claire. L’Assemblée nationale est saisie du texte tel qu’il est issu des travaux du Sénat. J’ai tendance à penser que le débat sera intéressant. Je fais confiance à la navette, je fais confiance à la discussion entre les assemblées, comme je l’ai toujours fait, mais je vous ai indiqué de la façon la plus claire possible quelle était la position du Gouvernement.

Je crois, monsieur le sénateur, qu’il faut songer, y compris dans ces moments d’angoisse, à ce que penseraient nos concitoyens si nous prenions une telle décision.

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