Bien entendu, il faudra que cette mesure soit reprise à l’échelon européen, les compétitions étant également organisées à ce niveau, tandis que le marché des transferts, quant à lui, est mondial.
Cette uniformité en Europe est indispensable. Vous le savez bien, madame la ministre, et nous comptons sur vous pour continuer à relayer la position de la France dans sa bataille, qui sera difficile, pour l’intégrité financière du sport en Europe.
Nous savons que les instances de l'Union européenne de football association, l’UEFA, présidée par Michel Platini, plaident en faveur du « fair-play financier », qui a précisément pour objet de freiner l’inflation des dépenses engagées par les clubs.
La tendance est donc favorable à un assainissement de la vie financière du football. Il faut persévérer dans ce sens. C’est la seule voie possible, selon nous, pour restaurer éthique et confiance dans le monde du football professionnel et du sport professionnel en général et pour éviter une grave crise.
Toujours dans le même esprit, l’article 5 de la présente proposition de loi tend à renforcer le contrôle de gestion applicable aux clubs professionnels.
Le dernier article que nous avions souhaité inscrire au titre Ier consacré au respect des valeurs du sport concerne la prévention des conflits d’intérêt. En effet, en matière de sport comme pour la chose publique, on ne peut être à la fois juge et partie. Il est temps d’encadrer et de limiter certains cumuls de fonctions.
C’est pourquoi l’article 6 du texte initial prévoit certaines incompatibilités dans le domaine sportif. Il sera désormais interdit à une même personne privée de détenir le contrôle ou d’être dirigeant de plus d’une société sportive dont l’objet social porte sur une même discipline sportive.
Lors de l’examen en commission de notre proposition de loi, un certain nombre d’articles ont été ajoutés au titre Ier par M. le rapporteur, avec notre accord. Ils concernent la revente illicite de billets aux abords des enceintes sportives ou sur internet, le plafonnement de la rémunération des agents sportifs, la prévention des conflits d’intérêt en matière de paris, ou encore la création d’un délit pénal de manipulation de compétition sportive. Toutes ces mesures garantissent une plus grande éthique dans le monde du sport, pris au sens le plus large. À l’évidence, nous les approuvons pleinement.
Le deuxième pan de ce texte concerne la formation des sportifs.
Le sport professionnel se trouve confronté au problème de l’adaptation de l’enseignement, notamment dans le secondaire. De trop nombreuses difficultés subsistent qui entravent la mise en œuvre d’un double projet de vie, sportif et professionnel.
La formation des jeunes sportifs est donc indispensable pour assurer leur éducation et leur avenir de ces derniers, au même titre que leur engagement dans une carrière sportive est indispensable pour irriguer les disciplines en futurs talents.
C’est pourquoi nous avons souhaité que les établissements scolaires du second degré permettent aux sportifs évoluant dans des centres de formation agréés de concilier le déroulement de leurs études avec la poursuite de leur carrière sportive, comme c’est déjà le cas pour les sportifs de haut niveau. Tel est l’objet des articles 7 et 8.
Un amendement de la commission visant à ouvrir aux centres de formation agréés par le ministère des sports la possibilité de bénéficier de la part « barème » de la taxe d’apprentissage est venu, avec notre accord, compléter le dispositif.
Le dernier grand chantier proposé par notre texte, et non des moindres, est la lutte contre le dopage. Ce dernier porte atteinte aux valeurs éthiques fondamentales du sport. Il met en péril non seulement la santé des athlètes, mais aussi la crédibilité et l’intégrité de leur discipline. Il est, selon nous, la négation même de l’esprit sportif. Il constitue un fléau qu’il convient d’éradiquer !
Le sportif doit être un modèle de dépassement de soi, aussi bien au moment de la compétition que pendant toute la période d’entraînement. La devise des jeux Olympiques modernes, – plus vite, plus haut, plus fort –, traduit une conduite à suivre au quotidien, une manière de vivre pour les sportifs, une exigence de chaque instant, autrement dit une éthique. Le sportif doit songer à son propre dépassement avant de chercher à dépasser les autres.
À l’origine source de plaisir, le sport est trop souvent devenu, sous la pression des impératifs médiatiques, publicitaires et financiers, un combat acharné où tous les coups sont permis. On voit parfois, dans les manchettes des journaux, les mots : « Défaite interdite ! ». Que signifie une telle expression dans le sport ? Elle ouvre la porte à tout, en l’occurrence au dopage. Celui-ci constitue un grave problème de santé publique et surtout, je le répète, la négation de toutes les valeurs qui font du sport un instrument irremplaçable d’intégration sociale et de formation à l’esprit civique.
Nous savons tous à quelles pressions peuvent être soumis les sportifs : le poids des intérêts financiers, des médias ou, tout simplement, l’angoisse de l’échec, la peur de perdre, toutes ces pressions conjuguées sont à l’origine du dopage et des terribles drames humains dont nous avons tous connaissance.
La France, il faut le souligner, a été l’un des premiers pays à réprimer le dopage. En presque cinquante ans, plusieurs textes législatifs se sont succédé. Très tôt, dès 1965 avec la loi Herzog, puis, en 1989, avec la loi Bambuck, notre pays a organisé la répression de l’usage de stimulants lors des compétitions sportives. La loi Buffet de 1999 a ensuite fait de la lutte contre le dopage une priorité. Puis, la loi du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs a institué l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, dotée de pouvoirs étendus en matière de contrôles, d’analyses et de sanctions.
En outre, l’adoption, dans le cadre de l’UNESCO, de la Convention internationale contre le dopage dans le sport, ratifiée par la France en 2007, a permis de fixer un cadre juridique contraignant pour l’application du code mondial antidopage.
Enfin, la loi du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre le trafic de produits dopants a mis en place une législation pénale spécifique et renforcé les pouvoirs de l’AFLD. Des outils juridiques et des instances existent donc, mais cela ne suffit pas !
La France est reconnue sur le plan international pour son exigence dans ce domaine. Il nous a même été parfois reproché d’avoir une législation trop sévère par rapport à celle des autres pays… Ne tombons pas dans ce piège : nous devons montrer l’exemple et nous ne serons jamais coupables de trop en faire dans la lutte contre le dopage.
La France a considérablement contribué à faire avancer cette cause à l’échelle mondiale, et il faut s’en féliciter. La création de l’Agence mondiale antidopage, l’AMA, en 1999, et l’adoption, en 2003, du code mondial antidopage attestent d’une volonté réelle et générale d’enrayer ce fléau.
La proposition de loi que nous soumettons aujourd’hui à l’examen du Sénat permet d’avancer davantage dans la voie de la lutte contre le dopage.
La ratification de l’ordonnance du 14 avril 2010 était attendue : nous la rendons effective. Prévue par la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, cette ordonnance vise, d’une part, à harmoniser le code du sport avec les dispositions les plus récentes du code mondial antidopage, et, d’autre part, à clarifier certaines dispositions du code du sport relatives à la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.
D’un point de vue pratique, il nous avait semblé plus simple de proposer l’abrogation de cette ordonnance afin de réintroduire sans les modifier certaines de ses dispositions restant pertinentes et d’adapter celles qui en ont besoin. Au final, lors de mes nombreux échanges avec M. le rapporteur, mon point de vue a évolué, et nous avons accepté de procéder autrement. La ratification de l’ordonnance dans son ensemble, assortie de quelques modifications ponctuelles, permettra, notamment, une meilleure lisibilité de ce texte. Nous en avons pris acte.
Concernant les adaptations que nous avons souhaité proposer sur le thème de la lutte contre le dopage, un point me tient particulièrement à cœur : il s’agit du renforcement des pouvoirs de l’Agence française de lutte contre le dopage, notamment par le transfert à cette dernière du pouvoir de sanction des sportifs dopés, qui relève aujourd'hui des fédérations.
Je sais que cette mesure ne fait pas l’unanimité et je le regrette fortement. Aussi, je souhaite préciser notre position.
Ce transfert serait, je crois, le meilleur moyen de renforcer l’éthique, puisqu’il permettrait d’ôter toute suspicion dans les décisions des fédérations concernant d’éventuelles sanctions à l’encontre d’un sportif contrôlé positif. En effet, on comprend aisément qu’une fédération ait du mal à sanctionner l’un des siens sachant que cela revient à jeter le discrédit sur la discipline sportive qu’elle est chargée de promouvoir. Elle sera donc toujours tentée – me semble-t-il, mais je suis prêt à évoluer sur ce point – d’absoudre, de minimiser et de passer l’éponge. Et si elle le fait de façon totalement méritée et justifiée, il subsistera toujours un doute, pour ne pas dire plus, qui nuira au sportif concerné, comme à la fédération elle-même.
Aussi, selon moi, la moins mauvaise solution, qui rendrait d’ailleurs service aux fédérations sportives, serait bien de leur retirer ce pouvoir de sanction, conformément au principe de séparation des pouvoirs.
J’ajoute que la plupart des fédérations agréées sont de très petite taille et qu’elles sont gérées par des bénévoles. Il leur est parfois difficile de s’occuper des affaires de dopage.
En outre, elles ont été parfois amenées à juger de façon très différente des affaires similaires, ce qui pose, dès lors, un véritable problème d’équité entre les sportifs.
Enfin, au risque de me répéter, le conflit d’intérêt me semble patent. En effet, les missions des fédérations étant de défendre l’image de leur discipline, ainsi que les intérêts économiques liés à cette dernière, la lutte contre le dopage s’oppose à ces objectifs. Ce point fera sans doute l’objet d’un débat.
Notre proposition de loi vise également à confier à l’Agence française de lutte contre le dopage de nouveaux pouvoirs en matière de prévention et de recherche.
Nous nous réjouissons que la commission soit allée dans notre sens en rappelant l’importance du rôle tenu par le Laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry en matière de recherche sur les produits dopants.
Par ailleurs, dans ce même esprit, nous sommes satisfaits de l’initiative de M. le rapporteur, qui est très actif sur ce dossier, vous l’aurez noté, mes chers collègues, et qui souhaite donner à l’AFLD le pouvoir d’effectuer des contrôles sur des compétitions sportives nationales se déroulant à l’étranger. Il s’agit d’un réel progrès.
Pour terminer, je souhaite aborder la question des derniers articles qui ont été introduits dans le texte d’origine au travers des amendements adoptés en commission et qui sont sans aucun lien avec l’objet même de cette proposition de loi.
Sans même évoquer le fond de ces amendements, je trouve particulièrement regrettable qu’ils aient pu être introduits dans notre texte, avant la séance publique et sans notre accord, à la différence des propositions de M. le rapporteur. Je trouve pour le moins étrange que des amendements ne convenant pas aux auteurs d’une proposition de loi puissent, eux, à la différence de ceux du rapporteur, être intégrés dans ces conditions au texte qui doit être discuté en séance publique. Je tenais à le souligner.
Par conséquent, le texte qui est proposé au Sénat aujourd’hui correspond à ce que souhaitent les auteurs de la proposition de loi, à l’exception des deux dispositions issues des amendements que je viens de mentionner et visant, l’une, le contrat de concession entre l’État et le Stade de France – Mme la ministre évoquera sans doute ce dossier –, l’autre, les conditions de diffusion audiovisuelle de brefs extraits de compétitions sportives.
C’est pourquoi je vous présenterai des amendements de suppression de ces deux dispositions qui, encore une fois, n’ont rien à faire dans ce texte : elles sont hors sujet et, comme je l’ai souligné, il n’est pas question pour nous de faire de cette proposition de loi un véhicule législatif destiné à toutes dispositions autres que celles qui visent à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs.
Mes chers collègues, tout en souhaitant la suppression des deux dispositions que je viens d’évoquer, je vous invite à adopter la présente proposition de loi et, ainsi, à vous associer au groupe du RDSE pour adresser un message fort au monde sportif et à l’ensemble de la société française : la pratique du sport ouvre des droits pour les sportifs, comme pour les dirigeants, mais elle implique aussi, et surtout, des devoirs et le respect d’un certain nombre de valeurs et de principes. C’est précisément ce que l’on appelle « l’éthique du sport », qu’il convient de revaloriser pour le plus grand bien de tous !