Intervention de Renaud Muselier

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 16 avril 2020 : 1ère réunion
Table ronde « les collectivités territoriales face à l'épidémie de covid-19 »

Renaud Muselier, président de l'association Régions de France :

La crise sanitaire qu'a connue le Grand Est a permis de préparer certains territoires par des réorganisations préalables et d'amortir le choc. Ici, à Marseille, la région a adopté la thèse du professeur Raoult : on dépiste tout le monde, on soigne toutes les personnes positives, on les isole et on réalise un confinement maximum. Cette méthode permet aujourd'hui à la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) de n'avoir, pour l'heure, pas connu de pic épidémique mais un plateau. Nous disposons de lits vides en réanimation et nos services, en urgence, en réanimation, en hospitalisation comme en post Covid, ne sont pas pleins. Sur 100 000 habitants, nous constatons 7,3 décès, contre une moyenne nationale de 14 et 32 à Paris.

Nous avons connu, comme beaucoup, des difficultés dans la gestion des masques. Nous en avons commandé conjointement près de 65 millions. Certains sont arrivés, d'autres non, certains ont été subtilisés. Malgré les frustrations, ces masques arrivent au fil de l'eau. Nous en avons déjà obtenu 2 millions et 5 millions sont attendus cette semaine. Nous avons organisé une filière sécurisée à l'achat, à la fabrication et à la livraison. Nous nous appuyons en effet essentiellement sur CEVA, numéro 1 mondial en matière de logistique, qui est une filiale de CMA CGM, transporteur marseillais et troisième transporteur au monde

Dans cette crise sanitaire, chacun fait comme il peut. Le désastre sur le plan économique est général et chez nous la situation est apocalyptique. Tous nos festivals sont annulés. Nous disposons de la compétence économique depuis la loi sur la Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) et nous travaillons donc avec le Gouvernement. Nous avons abondé pour un quart du fonds de solidarité nationale. Notre contribution a doublé afin que nous puissions traiter au niveau régional les deux vagues de dossiers selon leur montant. La plupart des présidents ont par ailleurs mis en place un fonds de résistance en lien avec la Banque des Territoires, les EPCI, voire les départements pour tripler ou quadrupler les moyens financiers locaux. Ceci ne suffira toutefois pas pour éviter le désastre économique qui s'annonce. Je tiens à saluer la mécanique mise en place par le ministre Bruno Le Maire, avec qui nous sommes en ligne directe et qui nous apporte de nombreuses réponses complémentaires avec une souplesse administrative inédite et une réactivité appréciable.

Les pertes des régions sont d'environ 700 millions d'euros pour 2020 et sont estimées pour l'année prochaine à 3 ou 4 milliards d'euros. Le Premier ministre nous a expliqué à plusieurs reprises que le pacte de Cahors était caduc. Il nous faut donc inventer de nouvelles modalités de financement de nos territoires. Nos trois associations en discutent régulièrement et nous sommes à votre disposition pour échanger sur les pistes les plus efficaces envisageables.

Parallèlement à cette question, les contrats de plan État-région devaient avancer et se retrouvent aujourd'hui bloqués. Nous imaginons, là aussi, de toutes autres modalités de fonctionnement. Il faut que nous arrivions à construire une forme de « New Deal » environnemental et industriel. La réindustrialisation de nos territoires et la mise en avant de l'environnement sont essentiels à moyen et long terme. Tout cela doit être repensé dans les plus brefs délais.

La méthodologie du déconfinement diffère selon les territoires et connaît quelques tâtonnements. Les scientifiques ne sont jamais d'accord, l'organisation territoriale n'est pas la même par exemple dans le Grand Est ou en PACA, notamment en ce qui concerne l'organisation du système de soins. Il est donc nécessaire de trouver un moyen de coordonner sur le plan médical cette sortie du confinement. Je me permets d'attirer votre attention sur des choses simples, mais qui ont été oubliées et méritent d'être rappelées.

La diminution du nombre de patients positifs est nette. Dans notre région, nous sommes passés de 22% à 5%. Parallèlement à cela, nous devons maintenir le confinement. Cela peut sembler paradoxal, mais le confinement et la distanciation sociale sont des mesures essentielles.

Les théories sur les masques sont très divisées et les débats complexes. Les types de masques sont nombreux et les intervenants, qu'ils soient élus, membres du Gouvernement, scientifiques ou prétendus sachants, nous disent tout et son contraire. En région PACA, nous avons décidé d'établir avec notre ARS une méthode assez simple : celui qui a été testé positif et a été soigné a développé un anticorps positif. Il doit donc avoir la possibilité de circuler librement. Pour les personnes devant être dépistées, il existe plusieurs situations, dont celle des personnes fragiles et notamment les plus de 70 ans, qui devront restés confinées.

Il faut ensuite trouver des tests. Nous n'avons de notre côté pas de problème de matériel concernant les tests PCR. Pour les tests sérologiques, peu de laboratoires sont capables de réaliser des dépistages sérologiques en grand nombre. Les tests en laboratoire ne sont d'ailleurs pas toujours fiables - là où le professeur Raoult au Centre hospitalier universitaire (CHU) peut en effectuer 5 000 par jour -, et le matériel qui a été livré aux laboratoires de nos régions comportait de nombreuses erreurs. Ce volet sanitaire nécessite une clarification. Les masques chirurgicaux ne sont pas les mêmes que les masques FFP2, et les masques en tissu fabriqués par les couturières de la Marne sont utiles mais je doute de la possibilité d'une production massive. Ce qui est certain aujourd'hui, c'est que le masque est utile en cas de non-distanciation et inutile lorsque l'on est seul.

De façon très concrète, par rapport au 11 mai, le premier problème concerne les lycées. Nous échangions avec Jean-Michel Blanquer hier ; des groupes de travail se mettent en place. Les questions sont multiples, tant sur les masques ou les blouses que sur les cantines ou encore le transport scolaire. Une réouverture progressive et le calendrier exact sont également incertains. Il est indispensable de commencer par les lycées professionnels, et pourtant rien n'est pour l'heure organisé en la matière.

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