Je suis heureux de vous retrouver depuis Vernon. Je forme des voeux de bonne santé pour vous et vos proches. Il est précieux pour moi de vous retrouver : cela me permet de faire circuler et remonter l'information et de prendre le pouls de vos départements. Sur les points plus techniques, je vous ferai parvenir des réponses écrites.
Depuis le début de la crise, l'État a demandé trois choses aux élus locaux - en particulier ceux du bloc communal qui se trouvent en première ligne -, mais aussi à ceux des départements qui sont en première ligne sur le plan social et ceux des régions qui le seront bientôt sur le plan économique.
Il leur a demandé d'abord de les aider à faire respecter le confinement. Les maires sont agents de l'État, officiers de police judiciaire et officiers d'état civil. Tenir le confinement, c'est l'enjeu majeur. Le moment que nous vivons reste bien celui du respect du confinement. Le président Larcher l'a rappelé dans la presse, le partenariat efficace entre le maire et le préfet est essentiel. Cela n'a pas été sans poser des questions de méthodologie concernant les marchés. On parle beaucoup de différenciation territoriale, mais lorsque le Gouvernement la met en pratique, des questions légitimes relatives à l'égalité se posent et les préfets doivent passer beaucoup de temps à expliquer pourquoi tel maire a obtenu une dérogation et pas tel autre, à quelques kilomètres. Les arrêtés sont pris en bonne intelligence, notamment sur le couvre-feu. Il va sans dire que même si nous traversons un moment extraordinaire, les arrêtés municipaux doivent respecter la loi.
« Gâteau avalé n'a plus de saveur », dit-on ; tout cela semble couler de source maintenant, mais ce ne fut pas évident à garantir : je veux parler de la continuité des services publics locaux tels que l'eau, l'assainissement, le transport minimum pour irriguer nos hôpitaux notamment. Au moment où je vous parle, la continuité de ces services publics comme de ceux de l'État est remarquable, malgré les interrogations puissantes qui se sont exprimées sur La Poste et que j'ai moi-même relayées. Des interrogations ont pu naître sur les déchets dans le sud de la France, mais à y regarder de plus près, nous n'avons pas constaté de défaillance. Permettez-moi de mentionner particulièrement les services publics sanitaires et sociaux, qu'ils dépendent des communes ou des départements - centres communaux d'action sociale (CCAS), maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), aide sociale à l'enfance (ASE), protection des personnes âgées - et dans lesquels les agents publics locaux sont très engagés.
La troisième demande de l'État aux collectivités territoriales porte sur leur participation aux fonctions régaliennes. Il a fallu clarifier la conduite à tenir sur les mariages, qu'il faut annuler ou reporter, sauf exception. Même chose pour le domaine funéraire, sur lequel les maires sont au premier plan avec les services de pompes funèbres.
En miroir, l'État - Parlement comme Gouvernement - devait fournir des outils aux collectivités pour fonctionner. Je ne reviens pas sur la loi d'urgence que vous avez votée, avec le tuilage sur les élections municipales pour les quelque 30 000 conseils municipaux qui sont complets, et les 5 000 environ qui ne le sont pas. Les conseils élus en 2014 permettent la continuité. Je sais que cela pose des problèmes pour les maires ayant été battus ou qui souhaitaient se retirer...
Nous devions permettre aux collectivités de fonctionner sur le plan budgétaire, notamment celles qui n'avaient pas voté leur budget ou leur taux d'impôts locaux ; pour celles-là, nous appliquons une règle simple : nous prolongeons jusqu'en juillet ce qui avait cours l'année dernière. Aucun blocage de collectivité dans ce domaine ne m'a été signalé.
Nous devions leur permettre de fonctionner sur le plan juridique. Si des délais, par exemple dans le domaine de la commande publique, étaient en train de courir, ils ont été prorogés. Même chose pour les délégations de service public. Les règles concernant le silence de l'administration ont été adaptées. S'agissant de l'urbanisme, les maires peuvent choisir s'ils veulent ou non continuer à délivrer des permis de construire pendant l'état d'urgence sanitaire.
Il fallait enfin permettre à la démocratie de continuer à fonctionner, même si, par définition, l'état d'urgence sanitaire est un régime d'exception. Au-delà de ce que nous avons écrit dans la loi d'urgence, le maire a le devoir de rendre compte à l'assemblée sortante, mais aussi à l'équipe entrante. Cela se fait déjà bien souvent en temps normal sans base légale. Un droit nouveau est apparu, celui de la visioconférence, permettant à une assemblée délibérante de se tenir pour exercer toutes ses fonctions habituelles, sauf pour décider ce qui se vote à bulletin secret, car cela revêt un caractère constitutionnel. Une commission permanente, un conseil municipal peuvent se réunir pour prendre, par exemple, des décisions individuelles - il y avait urgence dans les départements.
L'ordonnance d'hier a été délicate, douloureuse à écrire. Elle concerne des exécutifs qui connaîtraient un décès pendant cette période. Nous avons tous en tête celui de Patrick Devedjian. En outre, à ma connaissance, quatre maires sont aussi décédés du Covid-19. Comment assurer l'intérim dans ce cas, que nous n'avions pas traité dans la loi d'urgence ? Nous avons décidé hier d'allonger la période d'intérim du premier adjoint ou du premier vice-président pour « enjamber » l'état d'urgence sanitaire. Personne n'aurait compris qu'une assemblée délibérante soit contrainte de se réunir sous trente jours. Le cumul de fonctions a été autorisé dans ce cas.
Concernant « le jour d'après » et les questions financières, je vous répondrai dans le détail ensuite. Il faut bien distinguer les problèmes conjoncturels que les collectivités connaîtront en période d'urgence et les difficultés structurelles qu'elles rencontreront dans les temps à venir. Que l'on me permette, pour terminer, de lever une incompréhension : si j'ai répondu à La Gazette qu'il n'y avait pas « d'argent magique », et que les collectivités devraient faire des efforts, cela ne sous-entendait pas que l'État leur demanderait d'en faire, mais que, faute d'activité, elles allaient voir leurs recettes baisser.